Depuis quelques jours, la polémique enfle à propos de la gouvernance économique sous le régime de l’ancien président de la République, Boni Yayi. Plus précisément, certaines personnes, notamment le ministre d’Etat, chargé du plan et du développement Abdoulaye Bio Tchané, font état de ce que le régime défunt a laissé les caisses publiques dans un état catastrophique, obligeant le gouvernement actuel à procéder à un assainissement rapide des finances publiques ; afin de réussir sa gouvernance. Mieux, un récent rapport du Fonds monétaire international (Fmi) confirme les accusations du Ministre Abdoulaye Bio Tchané et va même au-delà en précisant qu’en seulement trois mois, l’ancien régime a contracté une dette à hauteur de plus de 1200 milliards Fcfa. Hier, devant les députés à l’Assemblée nationale, à la faveur de l’examen du projet de loi portant règlement définitif du budget général de l’Etat, gestion 2014, le Ministre de l’économie et des finances, Romuald Wadagni n’est pas allé par 4 chemins pour peindre en noir la gestion des finances publiques sous le régime Boni Yayi. Pour ce Ministre, l’année 2014 a marqué l’accélération de la gabegie dans la gestion des finances publiques sous Boni Yayi. Aussi, a-t-il abordé la question de la masse salariale qu’il juge préoccupante pour le gouvernement du président Patrice Talon. Néanmoins, le Ministre Romuald Wadagni, s’est voulu rassurant devant les députés en insistant sur les mesures que le nouveau régime est en train de prendre pour contrôler cette masse salariale.
(Lire ci-dessous quelques extraits des propos du Ministre Romuald Wadagni devant les députés sur la gestion des finances publiques sous Boni Yayi)
« …2014 a marqué, en fait, le début d’une aggravation de nos agrégats macroéconomiques. 2014 a marqué l’accélération de la gabegie dans la gestion des finances publiques. Nous avons noté les commentaires de la Chambre des comptes de la Cour suprême et nous ferons tout pour limiter ce qui est limitable (…) Je vais juste demander votre indulgence pour 2016 parce que 2016 était mal partie... Malheureusement, on ne peut pas toujours refaire l’histoire. Donc, l’année prochaine, je viendrai ici et j’aurai des commentaires sur 2016. C’est ma responsabilité et celle de l’administration de contenir le reste de l’année pour que globalement, la qualité de l’exécution du budget 2016 soit au rendez-vous… »
Romuald Wadagni confirme les récentes déclarations du Fmi sur le Bénin
« …Je viens maintenant à la question du Fonds monétaire international (Fmi). Je comprends les interrogations des uns et des autres. Mais je voudrais déjà commencer par dire que le Fmi est intervenu l’année passée entre août et septembre, sur la base des données économiques à fin juin 2015. Le Fmi est intervenu cette fois-ci en juin 2016 à la demande du gouvernement dans sa volonté de rentrer dans un programme avec le fonds en se basant sur des données à fin mai 2016. Donc, les commentaires ne sont pas liés à la même période. Je vais vous donner deux exemples très simples, vérifiables par tous pour expliquer la différence de ton qu’on peut noter dans le rapport précédent du Fmi et l’actuel rapport. Nous avons aujourd’hui environ 2.200 milliards Fcfa de dette. Entre janvier et mars 2016, le gouvernement précédent a signé des contrats qui ont conduit à augmenter l’endettement du Bénin à plus de 1200 milliards Fcfa. Comment est-ce qu’en 3 mois, on peut hypothéquer l’avenir de nos enfants en signant des contrats sur des investissements avec des crédits à 3 ou 7 ans à des taux de 8% pour financer des routes qui ne relient pas des pôles d’activités économiques ? Quand le Fonds monétaire international arrive, il constate que le taux d’endettement du Bénin explose de 40% à plus de 70% (…) Les chiffres sont là. Il ne s’agit pas de manipulation. Le deuxième élément sur le Fmi, vous savez tous qu’en décembre 2015, le gouvernement a émis pour 250 milliards Fcfa de dette. Quand le Fmi se rend compte de ça, c’est normal qu’il s’inquiète. S’il y a un besoin d’information, on peut relire le rapport et regarder les données qui ont servi d’arguments au Fmi… »
Wadagni dénonce l’héritage de la masse salariale et parle des solutions Talon
« …Je vais aborder maintenant la question de la masse salariale. Bien sûr, c’est une question qui nous préoccupe. Quand vous êtes Ministre de l’économie et des finances et que dans le budget, vous avez plus de 40% consacré à la masse salariale, que vous avez le service de la dette, que vous devez faire des investissements de maintien, des investissements productifs, vous finissez toujours avec un budget qui n’est pas équilibré. Une fois que le constat a été fait, nous avons pris dès les premières semaines des mesures. Nous avons supprimé le décret accordant des avantages complémentaires aux secrétaires généraux et aux directeurs de cabinets des ministères. Ça c’est un exemple de mesures que nous avons prises pour contenir la masse salariale. Nous avons également pris des mesures pour contenir les commissions. Parlant de la masse salariale, il y avait aussi tout ce qui est perdiems, frais de missions payés aux fonctionnaires aux heures de service pour travailler sur des sujets pour lesquels ils sont payés. Il y a des commissions qui sont pertinentes et pour lesquelles on continuera à donner des moyens pour que le travail soit fait. Mais il fallait limiter le recours systématique aux commissions et s’éloigner de Cotonou pour travailler sur des sujets qui n’ont pas besoin qu’on soit à Bohicon ou à Parakou alors qu’on peut se parler entre deux bureaux. Ce n’est pas qu’il n’y aura plus de commissions ou qu’il n’y aura plus de moyen pour les Commissions. Les Commissions auront des moyens, mais nous avons décidé de les encadrer. Nous avons pris des mesures pour supprimer les postes de chargés de mission par exemple. C’est généralement des fonctions dans lesquelles on ne retrouve pas les agents permanents de l’Etat. Le cabinet d’un Ministre ayant un caractère politique, on y retrouve parfois des gens qui ont les compétences, mais qui font grimper la masse salariale (…) Vous voyez, en 2 mois, 3 mesures fortes pour que dès 2017, nous limitions ce dérapage. Nous avons également pris la décision de travailler sur le sujet de façon structurelle. Nous allons en septembre prochain faire un contrôle physique. Nous allons organiser le paiement des salaires par contrôle physique pour qu’on s’assure que les personnes que nous payons existent vraiment. Si nous ne maîtrisons pas notre masse salaire, nous ne pourrons pas investir dans le développement… »
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN