Trois sociétés étrangères dont les conteneurs de cigarettes ont été arraisonnés par la Police nationale viennent de réagir par l’entremise de leur avocat conseil, qui a usé de son droit de réponse suite à notre article paru le mardi 21 juin 2016, sous le titre : « Haro sur la contrebande au Bénin : tout sur les 24 conteneurs de cigarettes ». Lire leur part de vérité.
Cotonou, le 22 Juin 2016
A
Monsieur le Directeur de Publication
du journal « Le Matinal »
Objet : Droit de réponse
Monsieur le Directeur de Publication,
Nous venons par la présente exercer le droit de réponse de nos clientes, la Société Générale de Tabac du Burkina Faso (Sogetab), la Société International Trading Company (Itc) et la Société Moussa et Fils du Niger suite à votre parution en date du mardi 21 juin 2016 dans laquelle vous avez publié en page 02 avec Manchette à la Une, un article intitulé : « Haro sur la contrebande au Bénin, Tout sur les 26 conteneurs de cigarettes ».
Dans ledit article, l’auteur affirme que, nous citons : « 26 conteneurs de produits prohibés, en l’occurrence des cigarettes ne répondant à aucune norme ont été arraisonnés au Port de Cotonou qui selon toute vraisemblance devraient être déversées sur le marché béninois ou dans certains pays de la sous-région. Que reproche-t-on alors aux ministres de l’Intérieur Sacca Lafia et du Commerce Lazare Sèhouéto qui n’ont fait que leur job, celui de préserver les populations » ?
Il s’agit ni plus ni moins d’allégations mensongères et de la désinformation imaginées et mises en route dans le but de manipuler et de tromper l’opinion publique nationale et internationale.
Le respect que nous avons toujours accordé à votre journal nous amène à opter pour un droit de réponse que pour toute autre voie judiciaire de règlement des préjudices que cause à nos clientes votre article.
Ainsi donc dans ce cadre, nous vous exposons succinctement les faits de cette affaire.
En effet, cela fait déjà plus de 04 mois que 26 conteneurs de cigarettes appartenant à ces trois sociétés nigériennes et burkinabé, toutes les 03 régulièrement immatriculées aux Registres de Commerce et de Crédit Mobilier de leurs pays respectifs et disposant chacune en c ent pour le régime transit. Les maisons consignataires ont également perçus leurs dus.
Toutes les formalités d’enlèvement et de livraison ayant été remplies, les propriétaires ont aussi payé les frais d’escorte conjointe Douane-Police jusqu’aux frontières du Niger et du Burkina Faso. Les 26 conteneurs en transit au Bénin sont alors sortis du port de Cotonou pour leurs destinations respectives. Mais contre toute attente, les conteneurs ont été conduits par des policiers à la base des Crs à Zogbo où ils sont retenus depuis lors.
A la suite de plusieurs réunions présidées par le Directeur général de la Police nationale (Dgpn), président du Comité de pilotage de l’Umcc, réunions au cours desquelles les correspondances échangées avec les ambassades du Burkina Faso et du Niger attestant que les autorités de ces 02 pays ont accepté recevoir les cargaisons dans leur pays respectif, ont été lues, il a été décidé par les autorités compétentes que les 26 conteneurs soient acheminés sous escorte conjointe Douane-Police, comme il s’en passe pour les marchandises en transit, aux frontières du Burkina Faso et du Niger pour remise aux autorités douanières de ces pays qui ont aussi expressément reconnu avoir pris toutes les dispositions pour leur réception.
D’ailleurs, par courrier en date du 13 mai 2016, la Directrice générale du Port Autonome de Cotonou a fait connaitre cette décision au Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Niger tout en lui notifiant que les camions convoyant les conteneurs prendront départ de Cotonou le lundi 16 mai à 10 heures.
Entre temps, répondant à une "demande de garantie d’entrée de marchandise (cigarettes) sur le territoire burkinabé" du Dgpn, le Directeur Général des Douanes du Burkina Faso dans sa correspondance en date du 26 avril 2016 a assuré ce dernier de ce que « ....les marchandises constituées de cigarettes importées par la Société générale de tabac du Burkina (Sogetab) et en transit au Port de Cotonou seront effectivement admises au Burkina Faso ». Le Directeur général des Douanes du Niger répondant à la même demande du Dgpn a assuré dans sa correspondance du 26 avril 2016 que les marchandises retenues au Bénin sont effectivement destinées pour le Niger et "demander de bien vouloir autoriser la mise en route de ces marchandises pour leur destination qu’est le Niger" .
Monsieur le Directeur de publication, en dépit de tous ces engagements et assurances, les 26 conteneurs sont restés retenus. Nous ne vous livrons pas un secret d’Etat en vous faisant savoir que l’Inspecteur des Douanes, Commandant de la Brigade Douane Port et le Commissaire de Police, Chef de l’Unité mixte de contrôle des conteneurs ont tous deux qualifié la rétention d’illégale et d’abusive dans des avis donnés aux autorités.
Devant cette situation incompréhensible, les sociétés Sogetab, Moussa et fils et Itc ont, par exploit d’huissier en date du 24 mai 2016, sommé le Dgpn, le Chef de l’Unité mixte de contrôle des conteneurs et le Commandant de la Compagnie républicaine de la sécurité d’avoir à leur dire les raisons de la rétention de leurs marchandises et aussi d’avoir à les libérer sans délai. Suite à cette double sommation, l’Unité mixte de contrôle des conteneurs a présenté le dossier au Procureur de la République de Cotonou.
Après examen dudit dossier, le Procureur de la République a, le vendredi 03 juin 2016, instruit le Commissaire de l’Umcc de libérer les marchandises tout en assurant avec la douane, leur escorte vers les frontières du Niger et du Burkina Faso. Malgré ces instructions claires et nettes, la rétention a été maintenue. C’est ainsi que le Tribunal de première instance de Première classe de Cotonou a été saisi en procédure d’urgence aux fins de levée de la rétention des conteneurs.
Par son jugement n°019/5ème Ch Civ Mod en date du 09 juin 2016, le tribunal a ordonné la mainlevée sur les conteneurs sous astreintes comminatoires de 20 000 000 FCfa par jour de retard et de résistance. Il a en outre ordonné l’exécution immédiate de sa décision nonobstant appel.
Monsieur le Directeur de publication, vous convenez avec nous que dès lors l’appel contre le jugement n°019/5ème Ch Civ Mod en date du 09 juin 2016 ne peut et ne doit point suspendre l’exécution de celui-ci. Et aucune décision judiciaire n’a encore arrêté cette exécution provisoire.
Il nous plait aussi de vous faire déjà constater que votre journaliste en affirmant déjà dans le chapeau de son article que les cargaisons des trois sociétés citées plus hauts devraient « toute vraisemblance être déversées sur le marché béninois ou dans certains pays de la sous-région » a fait déjà une grave économie de vérité. Il est clair et net que les marchandises en question sont destinées pour le Niger et le Burkina Faso.
La deuxième grave économie de vérité que fait l’auteur de l’article est de ne pas mentionner toutes les décisions de justice qui ont été prises dans ce dossier. Comme nous venons de vous en faire part, c’est en total mépris des avis du Chef de l’Unité mixte de contrôle des conteneurs (Umcc), de l’Inspecteur des Douanes, Commandant de la brigade Douane Port et de la Direction générale du Port autonome de Cotonou, des instructions du Procureur de la République de Cotonou et chose grave du Jugement exécutoire n°019/5ème Ch Civ Mod en date du 09 juin 2016 du Tribunal de première instance de Cotonou que la rétention illégale et abusive des conteneurs est toujours maintenue.
En évoquant la Loi n° 2006-12 du 07 août 2016 portant réglementation de la production, de la commercialisation et de la consommation des cigarettes et autres produits de tabac en République du Bénin, votre journaliste oublie à dessein de mentionner que c’est une loi qui ne peut s’appliquer qu’aux cigarettes, soit produites, soit commercialisées, soit encore consommées au Bénin. Les cigarettes retenues abusivement ne sont pas produites au Bénin et elles ne seront ni commercialisées ni consommées au Bénin.
Monsieur le Directeur de Publication, nous nous devons encore de vous préciser que l’Arrêté interministériel n°016/Misp/Mefpd/Ms/Mic/Dc/Sgm/Dg-Cilas/Sa du 04 février 2016 portant renforcement des mesures de contrôle des cigarettes sous régime de transit par la République du Bénin évoqué par votre journaliste pour justifier la rétention pose manifestement problème quant à sa légalité. Alors qu’il ne peut être qu’un texte réglementaire ayant vocation à préciser le champ d’application de la Loi n° 2006-12 du 07 août 2016 portant réglementation de la production, de la commercialisation et de la consommation des cigarettes et autres produits du tabac en République du Bénin, il se donne curieusement un champ d’application plus large que cette loi. En effet, alors que la loi dispose exclusivement pour les cigarettes produites, commercialisées et consommées au Bénin, l’Arrêté quant à lui dispose étonnamment pour les cigarettes en transit. On est clairement en face d’une hérésie juridique.
De plus, cet Arrêté interministériel qui est un texte réglementaire, donc norme juridique inférieure, est contraire à la Loi n° 2014-20 du 12 septembre 2014 portant Code des douanes au Bénin qui dispose en son article 201 que « Le Transit est le régime douanier sous lequel sont placées les marchandises transportées sous contrôle douanier d’un bureau de douane à un autre en suspension des droits et taxes, et mesures de prohibition ». Il est aussi contraire au règlement n° 09/2001/Cm/Uemoa, du 26 novembre 2001, portant Code des douanes de l’espace Uemoa qui dispose également en son article 105 que « Le Transit est le régime douanier sous lequel sont placées les marchandises transportées sous contrôle douanier d’un bureau de douane à un autre en suspension des droits et taxes, et mesures de prohibition ».
Monsieur le Directeur de publication, un travail journalistique plus fouillé aurait permis à votre rédacteur de se rendre compte que la prise de cet Arrêté interministériel n’a été précédé d’aucuns travaux préparatoires, ni suivi de vulgarisation et de sensibilisation. Ensuite, on tente vaille que vaille de l’appliquer à des marchandises qui ont été commandées, embarquées sur navires et débarquées au Port de Cotonou, pour la plupart, bien avant son entrée en vigueur. En clair, il s’agit d’une application rétroactive d’un texte déjà manifestement illégal.
Plus grave encore, en retenant les marchandises pour des motifs liés à leur commercialisation et à leur consommation au Niger et au Burkina Faso et non à leur qualité qui est irréprochable, les autorités béninoises veulent substituer la législation béninoise aux législations nigérienne et burkinabé. Elles veulent en outre se substituer aux autorités de ces pays dans leurs fonctions régaliennes. Ainsi, non seulement elles violent leur propre loi, violent les traités internationaux auxquels le Bénin a souscrit, mais encore, elles violent la souveraineté des Etats du Niger et du Burkina Faso. Vous n’êtes pas sans savoir que c’est un fait gravissime qui peut créer des incidents diplomatiques préjudiciables entre le Bénin et ces 02 pays.
Enfin, monsieur le Directeur de publication, nous voudrions vous faire remarquer que cette décision de rétention de marchandises en transit qui viole le Code de la douane dont le Bénin s’est librement doté et qui est aussi contraire au règlement n° 09/2001/Cm/Uemoa, du 26 novembre 2001, portant Code des douanes de l’espace Uemoa est un fait grave qui ne manquera pas de porter préjudice au Port de Cotonou déjà en proie à une désaffection très inquiétante. Si vous choisissez délibérément de soutenir une telle incongruité par une quelconque campagne médiatique, vous auriez fait le choix de faire partir nombre d’opérateurs économiques du poumon de notre économie nationale qu’est le Port de Cotonou.
Tout en vous renouvelant nos sincères amitiés, nous exhortons vos rédacteurs à plus de professionnalisme et vous demandons de publier notre droit réponse, rédigé bien évidemment sous la demande expresse de nos clientes, dans les mêmes conditions que l’article incriminé, conformément au Code de déontologie de votre noble profession. Nous nous réservons le droit d’engager toute procédure légale pour faire valoir, le cas échéant, les droits de nos clientes.
Bien à vous
Maître Elvys Sèdjro Didé
Avocat au Barreau du Bénin
Ampliations :
Président de Haute autorité de l’audiovisuel et de communication
Président de l’Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias