Avec la démission des systèmes sécuritaire et judiciaire du Bénin face à la recrudescence de l’insécurité de nos jours, les populations ne répondent que d’une seule manière : la vindicte populaire. C’est la mode actuellement. Ca arrête, ça tabasse et ça brule sans le moindre recours aux forces de sécurité publique ou à l’appareil judiciaire. Et tout ceci avec une complicité passive du gouvernement…
Dans l’intervalle d’une semaine, Cotonou a déjà enregistré plus de cinq cas de vindicte populaire dont deux en début de semaine dernière dans le quartier Fidjrossè dans le 12ème arrondissement de la ville puis trois dans la matinée du dimanche 26 juin à la Cité Houéyiho dans le 11ème arrondissement. Le samedi 18 juin à Klouékanmè dans le département du Couffo, trois présumés malfrats ont été brûlés vifs. Dans le village de Goumbakou, arrondissement de Pélébina, commune de Djougou, un peulh non encore identifié soupçonné de braquage a été brûlé vif vendredi dernier. Toujours à Djougou à Nagatchori un village de l’arrondissement de Séro, deux braqueurs ont été abattus hier mais cette fois ci par des hommes en uniformes, des éléments de la compagnie de gendarmerie de la ville. Environ une dizaine de citoyens froidement abattu dans un pays où la présomption d’innocence est un principe constitutionnel et la peine de mort aboli le 18 août 2011. On se rend justice de la manière la plus barbare, des fois à tort alors que l’Assemblée nationale a ratifié le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule en son article premier, alinéa 1, qu’ « Aucune personne relevant de la juridiction d’un Etat partie au présent protocole ne sera exécutée »
La responsabilité du gouvernement
Essence 100 FCFA, une boite d’allumettes à 25 FCFA et des pneus hors usage, le tour est joué. On parle de « glaive de la justice 125 ». Cette furie des populations est non seulement l’expression du manque de confiance des Béninois en leur justice jugée laxiste et partiale vis-à-vis des hors la loi qui semble-t-il ont tous des « protecteurs », mais aussi une sentence sur la base de l’exemple des forces de sécurité. « Si on le laisse maintenant, dans quelques mois il sera de nouveau libre et il pourra à nouveau voler et tuer » avance les adeptes de cette pratique cruelle.
Tout porte à croire que la consigne au niveau des policiers et gendarmes, commis de l’Etat…du gouvernement, est d’abattre les présumés malfrats sans leur donner la possibilité de comparaître devant un juge, seul habileté à établir leur culpabilité ou non puis décider des sanctions possibles ou de leur relaxation. Faits récurrents, les exploits des forces de sécurité se résument à l’exhibition devant des caméras de télévision des corps de présumés malfrats avec des munitions, armes, stupéfiants et amulettes comme ornements. Le « braco mètre » a été du coup créé par les forces de sécurité publique qui jugent elles-mêmes de qui est braqueur et les abattent. Cet état de chose encouragé par les dirigeants fait aussi école chez les populations qui ont assimilé qu’on peut tuer sans aucune forme de procès. Cette donne qui montre l’incapacité des forces de sécurité publique à mener des enquêtes balistiques est due aussi au manque de formations et de moyens des agents. D’ailleurs à la prise de fonction du nouveau Directeur général de la police nationale, les flics ont clairement justifié l’insécurité par le fait qu’il manque de moyens pour assurer la quiétude des populations. « Le gouvernement se comporte comme le mari ne donne pas la popote mais demande qu’on lui fasse de bonne sauce au foyer » a clairement laissé entendre Waidi Akodjènou du SYNAPOLICE à cette cérémonie en mai dernier.
La recrudescence des braquages ces derniers jours serait aussi l’effluve des mesures sécuritaires prises par le régime de Patrice Talon. « Le Conseil des ministres a décidé récemment de lever les postes de contrôle et de sécurité sur l’ensemble du territoire national. Il se fait qu’on commence à constater une recrudescence progressive des actes de braquage dans plusieurs localités de notre pays (…) Les forces de défense et de sécurité ont été instruites par le Conseil des ministres pour faire face à cette situation. Un plan spécial de sécurisation des axes routiers et localités vient ainsi d’être élaboré et ce plan sera déployé dès ce soir » a laissé entendre le ministre d’Etat secrétaire général de la Présidence Pascal Irénée Koupaki après le conseil des ministres du 18 mai dernier indiquant tacitement que la mesure du gouvernement a favorisé les scènes de braquages.
Par ailleurs depuis que les tristes scènes d’incinérations de citoyens s’observent, le gouvernement Patrice Talon n’a encore pipé mot. Aucune réaction officiel de la part de l’exécutif n’a été encore enregistré pour désapprouvé le phénomène qui évolue à une allure vertigineuse. On observe un silence coupable qui donne une caution morale à ce mélodrame en tournage.
La psychose…
Nombreux sont les cas de tuerie par les forces de sécurité publique qui suscitent des contestations. Même si on passe plusieurs cas sous silence, celui du jeunot Axel Mitchodjèhoun abattu le 24 décembre 2014 est encore vivace dans les esprits. C’est ainsi qu’après des vindictes populaires, il y a des contestations faisant état de ce que le brûlé ou les brûlés ne sont pas des bandits. Alors c’est la psychose au niveau des populations qui craignent des règlements de compte avec le retour à cette vilaine pratique. Avec le Colonel civil Dévi dans les départements du Mono -Couffo puis l’expérience des brigades civiles de sécurité sous l’ordre du célèbre Houékponzinté et l’onction de l’ancien député du Parti du renouveau démocratique Aloukou Minakodé, on se rappelle encore des exactions commises dans justice des non juges. D’où le gouvernement doit sortir de son mutisme pour que cesse la barbarie.
Raoul HOUNSOUNOU