La Commission chargée des réformes politiques et institutionnelles a déposé son rapport hier mardi. Comme l’annonçait votre quotidien dans sa parution du lundi dernier, le président Patrice Talon a pris connaissance des fruits des travaux de ladite Commission. Il a promis d’envoyer incessamment au Bureau de l’Assemblée nationale un projet de révision de la Constitution. Lequel projet devrait être étudié voire amendé par les députés. Seulement, si le projet devrait contenir toutes les propositions faites par la Commission dirigée par le Professeur Joseph Djogbénou, il y a de grands risques que les débats parlementaires soient houleux et que les députés étalent leurs divisions. Outre la question liée à la réduction du nombre de mandats présidentiels, deux autres sujets majeurs pourraient troubler la sérénité des députés. En effet, la Commission a approuvé l’allègement du régime de l’immunité parlementaire. Elle a recommandé la suppression de l’alinéa dernier de l’article 90 de la Constitution qui dispose : « la détention ou la poursuite d’un député est suspendue si l’Assemblée nationale le requiert par un vote à la majorité des deux tiers ». Mieux, les Commissaires veulent que les poursuites puissent être engagées sans demande de levée de l’immunité parlementaire lorsque l’Assemblée nationale n’est pas en session. Les ministres qui bénéficient jusque-là d’un traitement spécial pourraient également être jugés par des juridictions de droit commun. La Commission a donné cet avis en suggérant la suppression de la Haute cour de justice et son remplacement par une juridiction ad’hoc pouvant connaître des infractions commises par le Président de la République. L’objectif recherché est de faciliter l’établissement de la vérité dans les affaires qui éclabousseraient des députés ou des ministres. Un objectif plutôt pertinent. Pour rappel, le député Issa Salifou a pu échapper à des poursuites judiciaires grâce à son immunité parlementaire. En 2007 comme en 2012, alors que le gouvernement de Yayi avait demandé la levée de son immunité dans une affaire opposant sa télévision Canal 3 à l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (Ortb), l’Assemblée nationale a refusé d’obtempérer. En août 2015, le Parlement s’est également opposé à la levée de l’immunité parlementaire de Barthélémy Kassa, député et ancien ministre de l’Énergie et de l’Eau impliqué dans une affaire de détournement de fonds présumé d’un projet financé par les Pays-Bas. La Haute cour de justice, de son côté, peine toujours à faire la lumière sur les reproches faits à certains anciens ministres comme Armand Zinzindohoué, François Noudégbessi et Soulé Mana Lawani.
Les réformes devraient permettre d’accélérer les procédures judiciaires. Mais, les députés pourraient entraver la concrétisation de ces avancées puisqu’ils perdraient leur statut de super-citoyen. Les opérateurs économiques véreux ou encore des anciens ministres qui auraient trempé dans des malversations ne trouveraient plus refuge à l’Assemblée nationale. Le système politique est fait d’acteurs politiques et économiques qui n’ont en réalité pas intérêt à laisser éliminer les blocages décrits ci-dessus. Ils craindraient pour leurs positions sociales et autres avantages. Les députés pourraient aussi se montrer solidaires envers les ministres en torpillant l’initiative de Patrice Talon qui devrait en principe mettre fin aux inégalités consacrées par la Constitution de 1990.
A.S.