(Lisez l’interview à nous accordée par le professeur Félix Iroko)
«L’hymne national, ce credo, est un chant solennel à l’honneur de la patrie béninoise et de ses vaillants combattants de la liberté…Mais, au fil des années, toute l’attention particulière et soutenue conférée à l’exécution de cet hymne perd de plus en plus sa quintessence, sa valeur intrinsèque, et sa profondeur première. Non seulement, le peuple béninois concerné en est devenu insensible et n’appréhende plus les vertus que renferme ce crédo, mais il ne lui accorde plus aucune importance, aucune considération». Cette citation de Reine Houssou tirée de son fascicule consacré à l’hymne national résume bien ce qu’ il est devenu. C’est un secret de polichinelle qu’au Bénin, l’hymne national jouit de peu d’intérêt. Si, son exécution au terme de la Conférence des forces vives de la nation (février 90)était visiblement plein de sens, aujourd’hui, avec la jeune génération, tous s’accordent pour reconnaître que l’Aube nouvelle est chantée parce qu’il faut juste la chanter. Ce constat d’échec, le mépris dont-elle fait l’objet,a retenu l’attention de votre journal. De concert avec ‘’Esae Tv’’, il a crevé l’abcès. C’est à travers une interview à eux accordée, hier mardi 28 juin 2016, par Félix Iroko, professeur d’histoire à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac).
Il est à l’université mais ne maîtrise que le premier couplet de l’hymne national. Bien sûr,ajouté au refrain. C.K est professeur de français dans un collège privé de la place. «Ridicule mais c’est vrai. J’ai appris à maîtriser l’hymne de mon pays quand j’ai eu l’idée de l’étudier couplet par couplet avec mes élèves. Du coup, dans toutes les classes où je dispensais mon cours, j’ai obligé mes élèves à l’apprendre par cœur. C’est bien après, qu’on est passé à l’analyse de chaque couplet», nous a-t-elle confié. Sur un échantillon de 10 personnes approchées, à peine 3 maîtrisent tout le texte de l’Abbé Gilbert Dagnon. Pis, même, certains mots dupremiercouplet(toujours chanté) sont méprisés. ‘’Prospérité pour dire postérité’’, par exemple. Pourtant, chaque lundi, c’est la montée des couleurs. On chante donc sans savoir effectivement ce qu’on dit. C’est à peine qu’on y comprend quelque chose. Lors des matchs de football, c’est ce texte chanté qui apporterait du déterminant aux joueurs. «Je me rappelle,pendant les championnats scolaires d’athlétisme auxquels j’ai eus la grâce de participer, il y a des fois où les larmes coulaient de mes yeux quand on chantait l’hymne national. Aujourd’hui, encore, ça reste même une fierté de l’entonner», confie Hubert Bright Glin.Ces derniers jours, une audio circule sur les réseaux sociaux. La frêle voix d’une candidate à l’examen du Certificat d’étude primaire (Cep) 2016,lors des épreuves orales,laisse entendre ceci :«enfant du Bénin débout. Zanibertete cri senore,recente pemier feu denelor et enfant du Bénin debout…». Je m’arrête là. La suite est aussi ahurissante que le début. Devant le fait, certains analystes pointent d’un doigt accusateur,le système d’enseignement basé sur l’Approche par compétence. Pour d’aucuns, le tort est aux enseignants. Seulement, en attendant de trouver le bouc émissaire, l’hymne national comme les musées au Bénin, va à vau l’eau.
Et pourtant…
Pour le professeur Félix Iroko, l’hymne national, est un patrimoine à sauvegarder. A l’entendre, l’Aube nouvelle renferme assez de valeurs. Tel,le patriotisme, l’amour du travail, le don de soi, etc. Selon son propos, ces valeurs s’effritent. La raison selon lui, est due à la politique. Beaucoup de citoyens,confie-t-il, se départissent de ces valeurs parce qu’elles sont à l’antipode de la politique. Felix Iroko va toutefois insister sur la densité culturelle et historique de l’hymne national. Pour lui donc, on ne peut apprendre ce chant comme si on apprenait n’importe laquelle. La cause de ce désintérêt, aux dires du professeur, est de deux ordres : le gouvernement, qui n’accorde plus d’importance à l’éducation civique ; les adultes qui, eux, n’incarnent plus les valeurs contenues dans l’hymne. Du coup, conclut-il, ils ne sont plus des exemples pour la jeune génération.
En phase avec les propos du professeur Félix Iroko, certains observateurs, face à la décrépitude des mœurs, notamment chez les jeunes, pensent qu’il faut pouvoir étudier l’hymne national avec les élèves. Ceci, à les écouter, permettra à ceux-ci, de renouer avec certaines valeurs cardinales qui se perdent. Malheureusement, se désolent-ils, les maîtres et enseignants qui sont sensés le leur apprendre, n’y maîtrisent pas grande chose. Cet état de chose seraqualifié de scandaleux. Il est purement assimiléà du déshonneur. Le vrai patriotisme, estiment-ils,prend sa source de l’hymne national d’un pays. Pour Ulrich Monteiro, Béninois résidant au Gabon, la vision d’une nation se trouverait dans celui-ci. Pour lui, c’est la première des choses à apprendre aux apprenants afin qu’ils aient une idée de leur histoire, de leur identité.
Pascal Irénée Koupaki, pour sauver les meubles…
Nul doute, cette situation doit interpeller la conscience de nos autorités et éducateurs à divers niveaux. En effet, combien de fois l’hymne national a fait l’objet de sujet lors des devoirs, examens, et concours? Combien de professeurs de Lettres en ont fait le sujet d’une thèse? Combien d’enseignants de français ont étudié ce texte avec leurs apprenants? Pourquoi doit-on limiter l’exécution de l’hymne national au premier couplet de l’Aube nouvelle?Bref, le ver est dans le fruit et il faut pouvoir l’extirper. L’actuel ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence, Pascal Irénée Koupaki, l’aurait compris. Candidat à l’élection présidentielle de 2016, il en a fait son chou gras au cours de sa campagne. L’Aube nouvelle fut son texte de base dans la conception de sa politique du renouveau des valeurs: la Nouvelle conscience. Maillon important dans le gouvernement du nouveau départ, espérons que grâce à lui, le miracle se produise.
Cyrience KOUGNANDE