Dans la toute dernière édition de l’hebdomadaire « Jeune Afrique », Adjadi Bakari, économiste et banquier, conseiller du candidat Abdoulaye Bio-Tchané lors de l’élection présidentielle béninoise de 2016, formule trois mesures fortes destinées à arrimer résolument l’économie béninoise à celle du grand voisin.
Euloge ZOHOUNGBOGBO
D’emblée, Shegun Adjadi Bakari a fait observer que le Bénin s’est positionné comme une économie de transit à destination du Nigéria. Et, avec la crise qui le secoue du fait de la forte dépréciation de la monnaie nigériane, l’expert affirme qu’il faut réagir avec promptitude tout en étant inventif. Trois grandes mesures s’imposent, selon lui, au Bénin, afin de ne pas écrouler davantage son économie.
Pour lui, la première mesure consisterait à créer à l’intérieur du territoire béninois une enclave monétaire, juridique et fiscale, dans laquelle les hommes d’affaires nigérians pourraient venir commercer librement sans s’exposer aux risques de change, et pour certaines activités, une fiscalité alignée sur celle du Nigéria. Les investisseurs, notamment européens, intéressés par l’immense marché nigérian mais frileux du fait de sa complexité, pourraient passer par cette enclave. L’objectif, selon Shegun Adjadi Bakari, est clair : positionner le Bénin comme la principale porte d’entrée vers le géant ouest-africain et continuer de faire du pays un débouché intéressant pour les hommes d’affaires nigérians. « La zone franche industrielle de Kraké, laissée à l’abandon depuis des années, pourrait servir à cela », a-t-il indiqué.
La deuxième mesure consisterait à adapter le dispositif juridique béninois et réglementaire à celui du Nigéria. En tant qu’ancienne colonie, le Bénin est une juridiction de « droit civil » et d’inspiration française. « Nous partageons ce cadre juridique au sein de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA). C’est une bonne chose, mais de manière stratégique, nous devrions rapprocher notre cadre réglementaire -notamment en ce qui concerne l’investissement- de celui de notre voisin », propose-t-il. Pour ce dernier, la loi sur le partenariat public-privé, en cours d’élaboration au Bénin, devrait s’inspirer à la fois des corpus français et nigérian.
Shegun Adjadi Bakari rappelle que malgré la crise actuelle, le marché financier nigérian est très important et largement liquide. C’est ce qui explique, a-t-il dit, que plus de 85% de la dette publique de ce pays est intérieur et en devise locale. L’expert rêve de voir demain de grands projets d’infrastructures financés au Bénin par des investisseurs nigérians, comme l’a été en grande partie le pont Henri-Konan-Bédié à Abidjan.
Faire de l’anglais la deuxième langue officielle du Bénin
La dernière proposition du conseiller du candidat Abdoulaye Bio-Tchané lors de l’élection présidentielle béninoise de 2016 est de faire de l’anglais la deuxième langue officielle du Bénin, et instaurer le bilinguisme systématique dès l’école primaire. Très attaché au français, Shegun Adjadi Bakari pense toutefois qu’il faut être pragmatique. La langue des affaires demeure l’anglais. « Dans dix-ans, il faudrait que plus de 75% d’une classe d’âge soit parfaitement bilingue, afin de pouvoir travailler depuis le Bénin pour le compte d’entreprises nigérianes », espère-t-il. En tout cas, il reste persuadé que le Bénin doit se considérer comme une start-up de la nouvelle économie, à l’instar de Facebook ou de Linkeden. Son principal atout réside désormais dans les 700 km de frontière terrestre qu’il partage avec le Nigéria. Selon lui, chacune des connexions qui seront développées avec le géant voisin sera un plus pour notre économie.