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Entretien avec Souleymane Amzat : le système sécuritaire du Bénin est défaillant
Publié le vendredi 1 juillet 2016  |  Nord Sud
Police
© Autre presse par DR
Police béninoise




Alors que les citoyens vivaient encore la psychose des braquages intempestifs dans le Benin, une information à limite angoissante envahit le pays. Dans le circulaire n°16-082 du 11 juin 2016 adressé au haut gradé de l’armée, le Chef d’Etat-major de l’armée lance, une alerte de menace terroriste qui pèserait sur le Bénin. Les Béninois ont-ils des raisons d’avoir peur pour leur sécurité ? Qu’est-ce qui peut bien justifier le message radio du Chef d’Etat-major Général ? Qu’elles sont les mesures urgentes, les dispositions à prendre par les autorités en charge de la sécurité au Bénin? Pour répondre à toutes ces questions, Afrique Télévision et Nord Sud Quotidien ont invité Souleymane Amzat, Expert Consultant en Sécurité, protection et problématique du Terrorisme. Il est également Président de l’ONG « Afrique sans frontière »


Nord SUD Quotidien : Monsieur Amzat, pourquoi préférez-vous rester dans l’ombre ?
Souleymane Amzat: C’est un principe de vie. Pour vivre mieux, vivez caché.
On dit souvent que les oiseaux se cachent pour mourir, vous vous cachez pour mourir ?
Au contraire (rire), c’est pour vivre.
Dites-nous comment devient-on expert en sécurité ?
On devient expert en sécurité en ayant fait des études liées à la sécurité. Je voudrais faire une nuance entre la défense, la sécurité et la protection.
Alors c’est quoi la différence ?
La défense, c’est tout ce qui est lié à l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine. En ce qui concerne la sécurité, la gendarmerie a un rôle beaucoup plus pointu. En matière de protection vu sous d’autres cieux, la police est le corps le plus habileté à faire ce travail.
Pour en devenir un expert, il y a des degrés d’étude suivis de tests qui font de vous un formateur, quelqu’un qui peut être consulté.
Quel rôle avez-vous joué avec les grands leaders de la sous région comme le Général Matthieu KEREKOU, Robert GUEÏ, Mohamar KADAFI, Charles TAYLOR etc ?
Ce sont des gens que j’ai accompagné à des moments ou ils avaient besoins d’être consultés sur des paramètres liés, soit à la sécurité et beaucoup plus à la protection. Je continue d’exercer pour certains qui sont encore au pouvoir. Mais comme vous le savez, je suis quelqu’un de très effacé, un homme de l’ombre.
Que retenez-vous de ce parcours ?
Beaucoup de choses. C’est une grande expérience. Cela permet de découvrir ce que représente la première personnalité du pays, contrairement au citoyen Lahnda qui se contente de le voir à la télévision. On a le privilège d’être informé et de gérer les humeurs, tous les mouvements du chef de l’Etat en rapport à sa sécurité. A part cela, il y a le domaine politique ou on apprend beaucoup de réalités. Il y a beaucoup de choses qui se disent à la télé mais qui ne sont pas réelles (les réalités du couvent). Vous avez en quelque sorte le coté particulier de l’Etat, sur lequel vous êtes obligé de faire silence radio.
Parlant justement de la politique, quel regard jetez-vous sur l’actualité politique au Bénin ?
Depuis deux mois, je respire, on respire mieux. Il faut être honnête !
On vient de sortir d’un régime, je n’ose pas qualifier mais qui a été une véritable calamité. Je pèse mes mots et je les assume.
Que reprochez-vous au régime YAYI ?
Une vilaine gestion, du denier public et des affaires de l’Etat. Franchement, on se croirait dans un village où tout était permis, ou on avait un chef qui se permettait tout.
Pourquoi disiez-vous que vous respirez mieux ? Qu’est-ce qui a changé entre temps ?
Je dis cela parce que, déjà, les béninois se sont levés pour dire non à quelque chose qui se préparait et sur lequel nous avons beaucoup polémiqué. Je n’ose pas dire certaines choses ! Cette soit disant « transition » qui se préparait, par le régime YAYI. Heureusement qu’on est passé à côté si non le pays aurait été dans un désastre total. On était de l’autre côté plutôt.
Détaillez-nous un peu ce qui se préparait monsieur Amzat
Moi, j’ai toujours dit que le premier ministre ZINSOU aurait pu venir se présenter lui seul sans aucun intermédiaire. On ne nous l’aurait pas imposé et il aurait été élu.
Parlons à présent de ce qui relève de votre domaine. Vous avez certainement un regard sur l’actualité au Bénin. Un certain nombre de réformes, de dispositions ont été prises sur le plan sécuritaire. Comme exemple, la levée des barrières policières.
Pour être franc, j’ai un peu de remord par rapport à cette décision là. La sécurité et la défense ne relève pas de la défense. Un peu plus clair, le militaire n’est pas formé pour protéger. Il reçoit peut être une formation en vue d’accomplir ce métier et de protéger par la suite. De nature, cela revient à la gendarmerie et à la police. Le militaire est employé pour la défense du pays. Si vous les employez à la sécurité, le jour ou il a attaque qui défend le pays ?
Attention !!! Je vais rester dans la légalité. Je ne vais pas rentrer dans certains détails parce que, ce serait, ouvrir la brèche à ceux qui ont des intensions machiavéliques. Vous ne faites pas d’un cuisinier un maçon.
Donnez-vous ainsi raison aux députés qui se sont opposés à cette décision du gouvernement de leur choisir les gardes du corps ?
J’ai assez de respect pour notre Parlement. Mais il y a certaines personnes qui gardent de vieilles et vilaines habitudes. Je pense qu’il faut consulter les experts pour cette situation. Un député ne peut pas se lever et choisir un garde du corps. Il a peut être un intérêt en jeu. Il y a des structures bien déterminées pour ce choix là.

Donc vous trouvez que les réformes qui consistent à remplacer les gendarmes et policiers par les militaires n’est pas juste ?
Quand vous prenez l’effectif de la police nationale, elle a augmenté. Ceci à cause du recrutement répété. Au niveau de l’armée de terre, je ne pense que c’était pareil. La menace de Boko Haram, ce n’est pas la police qui irait s’en occuper. Au niveau de la défense opérationnelle du territoire, il faut des militaires aguerris pour ça. Si vous les envoyez à la protection de personnalités…
Qu’est-ce qui justifie selon vous les braquages intempestifs dans les villes du Bénin ?
C’est la défaillance du système. J’ai noté quelque chose de particulier dans mon pays, quand un régime vient, on balaie tout le monde. Et on dit vouloir travailler avec des hommes nouveaux. Certes !!! Cela n’exclut pas le fait que vous balayez tout ce qui a été fait pendant 10ans et qui sont sur certains points des acquis positifs.
Selon vous, c’est quoi l’idéal ?
Je l’ai toujours dit, la police a été pendant 10ans sous les ordres du système. Si j’étais Directeur Général de la Police Nationale à ce jour, je ferais le travail de façon républicaine. J’irai jusqu’au bout et sans faille. Est-ce cela qui m’est reproché?
Retournons en arrière, la police en avait pour beaucoup dans le problème entre YAYI ET TALON. Cela est-il aussi un motif ? Il a été fortement brimé. D’autres n’auraient pas accepté ce qu’il a vécu.
Ce monsieur(TALON), les Béninois ont besoin de le connaître parce que c’est quelqu’un qui est pétrit d’expériences.
Comment pallier cette question d’insécurité dans le pays ?
L’Etat est une continuité en réalité. Il faut éviter de balayer tout ce qui a été fait. Déjà on crée un état de déprime au niveau de la troupe (la police). Prenons la France, c’est le pays qui nous enseigne beaucoup de choses. J’ignore ceux qui conseillent le président TALON ; Mais je leur demanderai de faire attention. Il est là pour 5ans et je souhaite que ce quinquennat soit celui de réussite comme on en a jamais vu puisqu’il a la de l’ambition.
Sur le plan sécuritaire, je souhaiterais, qu’il y ait des études préalables aux niveaux, sociologique, économique, politique… avant qu’on ne prenne une décision.
Il y en a qui soupçonne une main invisible du régime défunt dans l’histoire insécurité.
Tout est possible. Je ne le pense pas. Il y a beaucoup de choses qui sont reprochées au régime YAYI. Surtout sur le plan économique, ça a été une calamité. Il y a des audits qui sont en cours et qui seront rendus à la justice. Pensez-vous que ceux-là qui ont géré pendant 10ans ont encore le sommeil tranquille ?
C’était juste un exemple. On en a vu sous d’autres cieux, des gens qui restaient dans l’ombre et qui perturbaient. Cela peut être un facteur. Mais il y a des structures compétentes pour vérifier cela.
Pour en venir au sujet qui défrai la chronique, notre pays serait sous la menace d’attaques djihadistes.
Même si on ne le crie pas, il faut rester en état de veille. Boko Haram est à 90 kilomètres du Bénin.
Est-ce qu’il y a des indices qui le prouve que notre pays pourrait être attaqué un beau jour ?
Boko Haram, ce sont des gens qui sont là pour créer la terreur à des fins personnelles.
Que pensez-vous de notre service de renseignement ?
Tout ce qui a été fait jusque là, ça été un bordel total. On a vécu dans un pays ou le chef dit publiquement qu’il ignorait beaucoup de choses. Il est vivant et en bonne santé. Il saura vous le confirmer. Ceux qui pouvaient sauver la situation, sauvaient leurs postes. Un chef de service du renseignement est la personne clé du patron. Encore que je le dis souvent, le renseignement est la clé du chef. Le président TALON dans son projet de société en a fait cas. Celui qu’il a nommé, Mr ZOMAHOUN est quelqu’un de qualité. Maintenant, est-ce qu’il aura les moyens des hommes et la mobilité sur le terrain ?
S’il vous était donné l’opportunité de conseiller le chef de l’Etat ou les autorités en charge de la sécurité u Bénin, que leur diriez-vous ?
Je lui dirais d’accorder sa confiance au chef de renseignement et de lui donner les moyens en hommes, en matériel et de lui laisser carte blanche pour qu’il exerce son boulot.
Pour conclure, je reviendrai sur la sécurité. Je demande au président patrice TALON de prendre toutes les dispositions contre les attaques terroristes qui planent sur le pays. Et le pays se portera mieux. Prenons juste exemple sur la Suisse ou tout le monde est policier. Evitons la « béninoiserie » et travaillons honnêtement avec des personnes indiquées.
Réalisation : Vitali BOTON
Transcription : Florice SEDA
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