C’est à Bohicon, terre de ses premiers pas au théâtre que le comédien désormais réalisateur Ignace Yètchénou alias « Codjo » ou encore « Togbo » a choisi, il y a quelques jours, pour signer son retour sur les planches. Ceci, à travers la pièce « Histoire de femme » mise en scène par lui pour défendre et même déifier la femme.
Ignace Yècthénou ne s’est pas contenté de mettre en scène la pièce « Histoire de femme ». Il y officie également dans le rôle d’acteur principal. Emportant ainsi le public dans les falaises d’un village lointain Djadjaglodja, il y joue les bourreaux de la femme et s’est attribué tous les mauvais rôles. Il est à la fois batteur de femme, tortionnaire, bourreau sans limite, activiste engagé contre l’émancipation féminine… A Djadjaglodja, Togbo s’est paré pour être l’être le plus répugnant qui puisse exister pour la femme. Sur scène avec lui, Humbert Boko, Guy Kponhento, Inès M'po, Judith Houndjo et Clément Cakpo (instrumentiste). Ces accompagnateurs que le metteur en scène n’a pas réduit aux seconds rôles permettent au public de déceler la linéarité de ce spectacle d’une cinquantaine de minutes partagé entre émotion et douleur, retenu par le Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) pour l’étape de la version migratoire à Bohicon.
Le village imaginaire de Djadjaglodja s’est voulu ainsi la terre d’expérimentation des pires douleurs de la femme. Mais l’exercice sinon le spectacle a beaucoup plus un but pédagogique et le choix de Bohicon, ville carrefour pour le présenter au public, au-delà des raisons supra évoquées n’est pas anodin. Mais la femme n’a pas été que malheureuse dans cette histoire. Après avoir joué à fond sa partition de bourreau, l’acteur principal, se verra, le temps d’un songe, dans la peau d’une femme. Misère ! Il y expérimente l’humeur changeant et les brimades de son époux, les exigences liées à la vie de couple, les rapports sexuels à peine désirés mais obligatoires, le supplice de la maternité… Bref un bon condensé du quotidien de la femme qui le fit souffrir au point où le songe s’estompa. Il peut donc voir s’écrouler la barrière qui sépare le rêve de la réalité. Se réveiller non pas dans la peau de la femme qu’il incarnait dans son songe, mais celle de l’homme. Il comprit alors, que la femme, mère de l’humanité, génitrice de la vie est un être faible mais magnifique, audacieuse et dévouée, aimable et pourquoi pas vénérable.
Un spectacle complet
Cette transposition du rêve à la réalité plonge le public dans un silence profond d’où émergeaient uniquement la voix des acteurs, le son du flûte distillé par moments par Clément Cakpo ou encore les petits tapotements sur le tam-tam pour rythmer certains airs des acteurs. Chacune des séquences du spectacle est ainsi vécue par le public avec les émotions y afférentes.
Et, ce n’était pas moins le but du metteur en scène. Car, en plus de revivre ses amours d’il y a quelques années, Ignace Yètchénou visait également un but pédagogique. Celui de sensibiliser à un meilleur traitement de la femme et de la fille. C’est d’ailleurs sur elle que s’ouvre le spectacle, avec Judith Houndjo, seule sur scène contant la misère d’une petite de 12 ans, livrée gracieusement en mariage pour quelques pécules et déflorée dans la plus grande des brutalités par un homme qui a vu le jour 60 ans avant elle. Cruauté ? Sans doute et même plus, surtout lorsque le spectateur découvre au fil des minutes, avec les acteurs, comment une gamine qui ouvre à peine les yeux à la vie se voit contrainte de donner la vie. Début triste, milieu émouvant, « Histoire de femme » se décline et s’éteint, fort heureusement sur une note de gaieté qui donne à Inès M’po et aux autres comédiens, de mettre en exergue leurs talents de danseurs. Erick Hector Hounkpè, le directeur du Fitheb avait, pourrait-on dire, bien fait de souffler avant l’entame, qu’il s’agissait d’un spectacle complet.
En réalité, « Histoire de femme » est inspiré d’un documentaire réalisé il y a quelques années au profit d’une organisation internationale à des fins de sensibilisation sur les violences faites aux femmes et aux filles. « Dans ce documentaire, certains personnages m’ont marqué. Il s’agit d’une fille de 14 ans séquestrée et violée sur des mois par un meunier et une femme de 70 ans veuve, violée par le fils à son mari défunt. Ces deux personnages ont semé en moi une répugnance de ce fléau qui est la violence faite aux femmes et aux filles dans notre société. C’est un mal que nous côtoyons tout le temps sans jamais soupçonner. Pourtant, il est là, très profond et très nuisible. Il faut dire que je travaille souvent sur la thématique… », confesse Ignace Yètchénou. ?