Il n’existe pas, à la date d’aujourd’hui, un consensus autour de la définition d’un PPP. Néanmoins, dans une approche globale, le PPP peut être défini comme «des dispositions, habituellement à moyen et long termes, entre les secteurs public et privé grâce auxquelles certains services qui relèvent de la responsabilité du secteur public sont administrés par le secteur privé, scellées par un accord clair sur des objectifs communs relatifs à la livraison d’infrastructures et/ou de services publics».
Plusieurs Etats ont fait recours à ce type de commande publique pour se doter d’infrastructures nécessaires à leur développement d’une part et insuffler un nouveau rythme à leur économie d’autre part en mettant à contribution le secteur privé.
Pour y parvenir, il est important d’adopter une démarche méthodique rigoureuse, qui part de la politique de l’Etat en matière de PPP à la réalisation/gestion/exploitation des infrastructures en passant par la mise en place de cadres solides et incitatifs pouvant promouvoir et encadrer une telle initiative.
Conscient que le PPP constitue une passerelle indiquée pour le financement des infrastructures et services publics, le gouvernement du président Patrice Talon a mis en place dernièrement un comité chargé de l’élaboration d’un cadre juridique devant régir les PPP au Bénin. Tout en saluant l’initiative du gouvernement, il est apparu nécessaire pour nous, praticien-gestionnaire des contrats publics de partager notre expérience dans la sous-région et de connaissances techniques en la matière.
La mise en place d’un cadre solide de promotion et de gestion des PPP doit se baser sur cinq (05) principaux piliers :
• Une volonté politique affichée
• Un cadre juridique
• Un cadre institutionnel et des organes de pilotage
• Une planification budgétaire des PPP
• La bonne gouvernance dans les PPP
De la politique de l’Etat en matière de ppp
C’est l’expression par le gouvernement de son intention d’utiliser le PPP pour offrir des services publics et définition des objectifs, de la portée et des principes de mise en œuvre du PPP.
Le gouvernement dans sa volonté de faire recours aux PPP pour réduire le déficit d’infrastructures et booster l’économie nationale, doit définir les orientations générales en matière de PPP. Cette approche vise à préparer l’opinion et les partenaires à entrer dans la phase active du lancement d’un programme PPP. Elle permet à l’Etat de notifier à ses potentiels partenaires privés sa volonté et sa détermination et de ressortir les engagements politiques de l’Etat (mise en place un cadre performant, garantie de stabilité du cadre et de l’appareil juridique, point des secteurs à impacter par les PPP et un chronogramme d’actions).
Du cadre juridique
Le cadre légal et réglementaire régissant le PPP est indisponible pour permettre au gouvernement de matérialiser son engagement, de conclure des PPP et d’établir les règles et les limites régissant la mise en œuvre des PPP. Un tel cadre peut prendre la forme d’une législation spécifique aux PPP ou d’une ordonnance.
Des dispositions générales
Etant entendu qu’il n’existe pas une définition universelle du PPP ; pour ce faire, il est recommandé de partir des définitions usuelles des PPP et d’en sortir une, contextualisée aux réalités et besoins de notre pays. Signifier de façon claire et précise dans le texte que « La période de contrat considérée est fonction de la durée d'amortissement des investissements à réaliser et/ou des modalités de financement retenues ».
Définir tout thème qui pourrait porter à confusion dans le contexte béninois en se basant sur les pratiques et expériences des marchés publics classiques.
Mettre en place une équipe pour l’élaboration d’une loi portant régime fiscal en faveur des contrats de PPP tout en veillant à rendre la destination Bénin très attractive du point de vue accompagnement de l’Etat sur le plan fiscal et douanier.
Du champ d'application
Définir un champ bien précis auquel s’appliquera le texte de loi à savoir :
Exemple :
Les contrats de partenariat par lesquels, l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements/associations, les départements ministériels, les établissements publics et les sociétés d'Etat qui seront appelés «autorités délégantes», confient à un tiers, dénommé «délégataire» ou opérateur de projets, une mission ayant pour objet tout ou partie:
du financement d'une infrastructure, d'ouvrages et de services d'utilité publique;
de la conception, de la construction ou de la transformation d'une infrastructure ou d'ouvrages d'utilité publique;
de l'exploitation et/ou de la gestion, de la maintenance et/ ou de l'entretien d'une infrastructure ou d'ouvrages d'utilité publique;
de la mise en œuvre de programmes ou projets d'insertion et de promotion de l'emploi des jeunes ...
Proposition
pour l’Etat et les départements ministériels en général : Seuil =5.000.000.000 F CFA
les sociétés d’Etat ou organisme public doté d’autonomie financière et de gestion : Seuil =2.000.000.000 F CFA
les villes à statut particulier : Seuil =1.000.000.000 F CFA
les villes secondaires : Seuil =500.000.000 F CFA
Définir les conditions minima pour soumissionner à un contrat de PPP tout en incitant le plus grand nombre par des conditions attractives.
Des Contrats PPP
Le Contrat de partenariat public/privé étant l’ensemble des dispositions devant régir les droits, obligations et responsabilités des parties, des risques et normes de service, il devra impérativement comprendre par ordre de primauté, la convention, le cahier des charges et les annexes.
Pour ce qui est du règlement des litiges, il serait intéressant de prévoir «un comité d’arbitrage» composé des représentants des cocontractants et des parties prenantes. Cette option permettra d’éviter de se retrouver devant les juridictions dont les décisions tardent, ce qui va porter un coup au projet sur la durée et augmenter les risques de pertes pour l’investisseur et celui d’échec du projet. La composition de comité sera définie par décret.
Du cadre institutionnel et des organes de gestion
Il définit les organes de gestion et leur ancrage institutionnel avec leurs attributions et fonctionnement tout comme le profil des acteurs qui seront appelés à les animer. Il établit également les processus et les étapes selon lesquels des projets de PPP sont identifiés, élaborés, évalués, mis en œuvre et gérés. Un processus rigoureux de PPP est efficient et transparent et est constamment surveillé afin de contrôler efficacement la qualité des projets de PPP.
Des organes de Gestion et de Promotion des PPP
Il est proposé ici, une chaine de gestion des PPP composée ainsi qu’il suit :
Unité PPP (Cellule d'appui au partenariat public privé ou une Mission d’appui au PPP).
Ce sera la structure faîtière en matière de promotion, d’orientation, de planification, de coordination et de gestion des initiatives PPP. De façon spécifique, cette entité sera chargée de :
promouvoir PPP au Bénin ;
examiner notamment la conformité du projet de partenariat au regard des politiques de l'Etat en matière de développement économique, des normes environnementales, d'assainissement et d'aménagement du territoire.
Ce doit être un organisme-expert avec vocation première d'apporter un appui aux administrations publiques dans la préparation des contrats de partenariat. A ce titre elle rend une expertise sur l'économie générale, l’impact du projet de partenariat sur le budget et la dette publique.
Elle devra aider à cet effet la personne publique porteuse du projet à procéder à l'étude d'évaluation technique et financière requise.
L’Unité ppp sera obligatoirement saisie pour approbation de tout contrat de partenariat lancé au niveau de l'Etat ou d'un de ses démembrements et doit valider le principe de recours au contrat de partenariat.
L’Unité PPP apporte également un concours pendant la phase d'attribution et de négociation des contrats. Elle développe des recommandations et des fiches explicatives sur les lignes directrices pour la passation des contrats de partenariat et la mobilisation des ressources conséquentes.
La composition, l'organisation et le fonctionnement de cette Unité PPP seront fixés par décret pris en Conseil des ministres.
Des modalités de sélection des délégataires ou passation de contrat de PPP
Trois (03) modes de passation de contrat seront envisagés à savoir :
l’appel d’offres ;
l’entente directe ;
l’initiative privée.
L’initiative privée dans la passation d’un contrat PPP est le cas où l’idée de projet d’investissement est soumise à une autorité délégante par un partenaire privé. Dans ce cas, si le projet intéresse l’autorité contractante, il sera mis en concurrence pour solliciter des offres d’autres investisseurs intéressés par le projet. Si à l’issue de cette phase d’appel à concurrence un concurrent autre que l’initiateur du projet propose une offre plus avantageuse à l’Etat, il sera demandé au porteur du projet de s’aligner sur les propositions du concurrent pour se faire attribuer le contrat ou la convention pour la mise en œuvre de son idée de projet.
Prévoir la possibilité à l’autorité délégante de recourir à une entente directe lors de la passation du contrat lorsque le volume de l’investissement est inférieur aux seuils minima proposés.
En définir les conditions et autorisations requises pour la conclusion de contrat par entente directe dans ce cas de même.
L’appel d’offres est le mode tel qu’il est organisé par le Code des Marchés Publics et de Délégations des services publics en vigueur au Bénin.
De la planification budgétaire des PPP
Le PPP étant un outil permettant d’investir dans de nouveaux projets sans augmenter «théoriquement ou à court terme» le déficit public notifié ou la dette, il est nécessaire de s’inscrire dans une planification budgétaire rigoureuse des PPP aux fins de prévenir et de gérer les risques budgétaires liés aux PPP.
Pour y parvenir, quatre (04) mesures sont incontournables à savoir :
Sélectionner de bons projets ;
Disposer de solides institutions ;
Disposer de cadre juridique solide ;
Garantir une transparence budgétaire.
Cette approche vise à prévenir et gérer les risques budgétaires liés aux PPP ; l’atteinte de cet objectif reste tributaire d’une bonne planification budgétaire des PPP.
Facteurs de réussite
Le succès d’un PPP se repose essentiellement sur une approche de bonne gouvernance sur la réalisation des objectifs de chacune des parties (partenaire public – partenaire privé). Promouvoir donc la bonne gouvernance dans les PPP aide à avoir de bons partenaires et de bons résultats dans la mise en œuvre des contrats. Pour ce faire, tout projet de ppp doit se reposer sur ces trois axes fondamentaux d’orientation qui constitueront le socle de la bonne gouvernance. Il s’agit de :
Etablir un cadre institutionnel clair, prévisible et légitime s’appuyant sur des autorités compétentes et dotées de ressources suffisantes ;
Fonder le choix des partenariats public-privé sur un objectif d’optimisation de la dépense publique ;
3Respecter ces orientations en amont, permettra dans la gestion du processus (à toutes les étapes du processus de PPP depuis l’identification du projet jusqu’à la mise en œuvre) de s’appuyer sur ces principes de renforcement de la gouvernance à savoir :
Transparence
Fréquence de communication
Contenu de l’information
Qualité de l’information
Equité
Partage équitable des gains
Partage efficace des risques
Partage efficace des responsabilités
Orientation du consensus
Contrat
Confiance
En conclusion, le succès d’un programme PPP repose essentiellement sur trois paramètres à savoir :
Economie ;
Politique ;
Mise en œuvre.
Telle se résume notre contribution pour offrir de meilleures infrastructures pour les services publics au Bénin à travers les PPP comme mode de commande publique ¦
1 Banque mondiale Guide de référence des PP version 2.0 2016. Page 14.
Par Christian YENOUSSI *
*Expert en Management des Marchés publics et
Partenariats Public-Privé