Pourra-t-il faire la lumière sur les scandales qui ont émaillé le régime Yayi comme le veulent les Béninois qui, à 65%, ont porté leur choix sur le chantre de la Rupture ? S’il y a un chantier sur lequel le Nouveau départ risque de ne pas combler les attentes, c’est bien celui de faire rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale tout au long des 10 ans du régime défunt. Et pour cause, sur les 10 ans de Yayi, Patrice Talon était au cœur du pouvoir pendant au moins 6 ans. Il a fait tout le premier quinquennat et n’est entré en disgrâce qu’en 2012, après avoir œuvré pour l’historique KO de 2011. C’est dire que même s’il advienne qu’il ne soit pas directement concerné par les scandales de 2006 à 2012 puis de 2012 à 2016, on ne saurait dire la même chose de certains de ses proches collaborateurs qui, même après son exil, continuaient de travailler avec le régime Yayi. Aujourd’hui, on sait que beaucoup d’anciens ministres de Boni Yayi continuaient d’entretenir de bons rapports avec Patrice Talon même quand il était déclaré l’ennemi public N°1. Il y en a encore aujourd’hui dans le gouvernement de la Rupture et d’autres qui sont nommés à des postes dans la sous-région. Décider de faire toute la lumière sur les scandales qui ont émaillé le régime défunt, c’est prendre le risque de voir certains de ses proches collaborateurs interpellés. Et ça, est-ce que l’homme de la Rupture en est capable ? Par quelle magie pourra-t-il épargner certains de ses collaborateurs anciens comme actuels dans les sulfureuses affaires de scandale Cen-Sad, Maria-Gléta Icc-Services et consorts, PPMA, construction du siège de l’Assemblée nationale, machines agricoles, Ppea II et bien d’autres qui ont vu des milliards du contribuable volatilisés ? A moins qu’il ne soit juge et partie, le chantier de la lutte contre la corruption est une patate chaude dans les mains de Patrice Talon. Et d’ailleurs, il ne sera pas le premier Chef de l’Etat qui aura échoué sur ce plan.
Pendant le quinquennat 1991-1996, le président Nicéphore Soglo a promis faire rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale. Mais, il a dû se rendre à l’évidence que la réalité du pouvoir est tout autre. Pendant 5 ans, il n’a pu toucher un seul cheveu d’un supposé pilleur de l’économie nationale. Après lui Boni Yayi a commencé son mandat par une marche verte contre la corruption mais au finish, c’est sous son règne que le Bénin a battu tous les records de malversation. Même s’il a voulu faire comparaître certains de ses anciens ministres devant la Haute cour de justice, les dossiers n’ont jamais abouti. C’est dire que la lutte contre la corruption a toujours été le maillon faible des gouvernements successifs. Mais puisque le Nouveau départ suppose la rupture d’avec toutes les pratiques de mauvaise gouvernance, les Béninois sont curieux de savoir si Talon pourra effectivement réussir sur ce terrain précis avec tous les risques que cela comporte d’abord pour lui-même et puis pour certains de ses proches collaborateurs.
Bertrand HOUANHO