A la suite de la commission mise en place pour faire la lumière sur le concours de recrutement à polémique des agents de l’Etat au profit de la douane, aux impôts et au Trésor, organisé en 2015 par le gouvernement défunt, le gouvernement de PatriceTalon a procédé jeudi dernier à l’annulation pure et simple dudit concours. Au total 23 irrégularités et défaillances ont été relevées par la commission, a laissé entendre le ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence, Pascal Irénée Koupaki dans son compte rendu médiatique du conseil des ministres. Le gouvernement vient donc de taper dans la fourmilière puisque de l’avis de plusieurs praticiens du Droit, il serait très difficile pour un gouvernement d’annuler un concours un an après son organisation. Le gouvernement de Patrice Talon a-t-il foulé aux pieds les textes ? Tous les regards sont désormais tournés du côté de la Justice.
«Les concours sont propres… Le gouvernement sorti ne se reproche rien… Moi, Aboubakar Yaya, je le dis et je le confirme. Je demande au nouveau gouvernement de ne pas se faire berner. On ne dirige pas un pays sur la base des rumeurs (…) Le gouvernement n’a pas les compétences d’annuler un concours. C’est la chambre administrative de la Cour suprême qui a ce pouvoir. Si le gouvernement annulait ce concours, il sera poursuivi pour excès de pouvoir », a martelé l’ancien ministre de la Fonction publique de Yayi Boni en avril dernier, soutenant les supposés lauréats qui ont marché sur le palais de la République.
Comme cet ancien ministre, l’avocat et professeur agrégé de Droit Me Ibrahim Salami s’est prononcé également sur cette annulation demandée d’ailleurs de vives voix par des organisations syndicales et de la société civile. L’invité de l’émission Zone franche de la chaîne de télévision Canal 3 Bénin avait indiqué qu’il y a « possibilité pour le gouvernement d’annuler un concours ». Mais, précise –t-il, cette possibilité est « encadrée ». Me Salami avait insisté sur la preuve de la fraude qui doit être apportée. « Si on n’a pas apporté la preuve qu’ils ont fraudé, si on n’a pas apporté la preuve que l’administration a été complice pour qu’ils soient bénéficiaires de fraude, on ne peut pas remettre en cause, un an après, les résultats d’un concours », avait-t-il confié.
Si l’on s’en tient à cette démonstration du praticien du Droit et au relevé du conseil des ministres qui établit 23 « chefs d’accusation » contre le concours incriminé, dont entre autres, « la prise d’actes administratifs dépourvus d'existence légale pris dans le processus d’organisation du concours, la disparition de copies, les listes des candidats et d’émargement introuvables, les dossiers des candidats non disponibles », on pourrait dire que le gouvernement a prononcé l’annulation dudit concours suite à ces irrégularités et défaillance qui pourraient être considérées comme des éléments de preuves. Mais à écouter l’avocat conseil supposés lauréats, juste après l’annulation et hier dimanche sur Soleil fm et la télévision nationale, ces irrégularités ne sont pas fondées. Pour Me Patrick Tchiakpè, ses clients ne sont pas des fraudeurs comme le souligne le gouvernement. Il est allé jusqu’à dire que ce sont des machinations d’un gouvernement pour pouvoir organiser un autre concours pour favoriser à son tour de tierces personnes. Pour étayer ses propos, il a dénoncé le fait qu’il n’a pas été écouté ni par le gouvernement, ni par la commission alors qu’il les avait saisi par écrits aux fins d’apporter des éclairages sur d’éventuels cas de fraude ou d’irrégularités imputés aux candidats déclarés admis. Selon Me Tchiakpè, tout le flou qu’il y a autour de ce rapport de la commission non rendu public. L’avocat a également regretté qu’il n’ait pas été associé à l’ouverture des cantines dont seul le gouvernement est garant de la sécurité. Autant de choses qui l’ont emmené à douter sur la sincérité ou la bonne foi du gouvernement.
La bataille judiciaire
Qui du gouvernement, des supposés lauréats et des cadres épinglés et déchargés de leur fonction, a raison dans cette annulation prononcée ? Les prochains jours nous édifieront puisque visiblement, l’avocat conseil des supposés lauréats n’entend pas se laisser faire. Il a martelé qu’il va saisir les juridictions compétentes pour se faire entendre. Du côté du gouvernement, il semble qu’on est également prêt puisque dans le relevé du conseil des ministres, il a été mentionné, au nombre des six décisions prises à cet effet, que « des procédures disciplinaires seront engagées à l’encontre des mis en cause de même que des procédures judiciaires ».
C’est donc un nouvel épisode qui démarre dans ce feuilleton concours 2015 de recrutement d’agents au profit du ministère de l’Economie et des finances.
Jacques BOCO