Les cent jours de gestion du chef de l’Etat Patrice Talon étaient au cœur de la Soirée politique initiée, mercredi 13 juillet, par la Fondation Friedrich Ebert. Tous les ingrédients d’un débat enrichissant étaient au rendez-vous.
Un moment singulier de débat politique comme on en raffole à la Fondation Friedrich Ebert ! La soirée politique de la Fondation allemande réunissait quatre personnalités de la vie sociopolitique du Bénin autour de l’actualité du moment : les cent jours de gestion du chef de l’Etat Patrice Talon. Gustave Sonon, ancien ministre des Travaux publics du gouvernement Boni Yayi, Urbain Amégbédji, vice-président du Parti alternative citoyenne, Laurent Mètongnon, syndicaliste et Huguette Bokpè-Gnacadja membre de la société civile formaient le plateau du soir sous la modération de la journaliste Djamila Idrissou Souler. Le débat n’a pas subi de round d’observation. Dès la première question relative à l’état du pays cent jours avant l’ère Talon, deux positions se sont révélées. Gustave Sonon défend les efforts du gouvernement sortant en insistant la consolidation de l’équilibre macroéconomique du pays et les efforts d’investissement dans les infrastructures. «L’Etat laissé à la date du 6 avril n’est pas si criard comme on s’efforce à le démontrer. L’Etat est impersonnel et abstrait, ceux qui sont là ont le devoir de poursuivre l’œuvre entamée », souligne-t-il. Mais Huguette Bokpè-Gnancadja rappelle que la fin du pouvoir de Boni Yayi donnait le signal d’un mécontentement général. «Il y avait une quête de la lumière et c’est la recherche de la lumière qui a provoqué la Rupture », assure-t-elle. Laurent Mètongnon va plus loin, évoquant une mauvaise gestion des finances publiques et un bâillonnement des libertés. «Il y avait au moment de la prise du pouvoir, une tension qui s’est calmée avec les élections. La sérénité est revenue, le travail a repris», renchérit Urbain Amégbédji, actuellement directeur général de l’Agence nationale pour la Promotion de l’Emploi.
Pour autant, l’orientation imprimée par l’actuelle équipe gouvernementale ne satisfait pas encore le syndicaliste du plateau. «Je ne suis pas satisfait par rapport à la Rupture», affirme-t-il. Bien qu’il mette à l’actif du Patrice Talon la décision d’annulation des concours frauduleux, il estime que l’insécurité qui règne dans le pays et les réformes administratives en cours laissent les tenants de la Rupture sur leur faim. «Les cent jours ont été menés au pas de charge. Il y a un effort pour engager les réformes prioritaires, à savoir désengorger les ministères, des mesures pour réduire le train de vie de l’Etat », défend plutôt Huguette Bokpê qui se désole néanmoins de la portion congrue réservée aux femmes dans le gouvernement actuel.
Gustave Sonon salue également la réforme du système partisan en cours et souhaite que le gouvernement renforce les communes pour assurer la continuité du service public sur toute l’étendue du territoire national. Mais l’ex ministre des Travaux publics soupçonne une option libérale du régime actuel qui place de moins en moins l’homme au cœur de ses priorités.
Besoin de communiquer
La faiblesse de ce gouvernement, reconnait Urbain Amégbédji, est qu’il communique moins autour de ses actions, autrement il affirme qu’il faille du courage pour affronter le processus de révision de la Constitution, pour procéder à la désignation des chefs-lieux de département, annuler les concours frauduleux, et supprimer certains avantages abusivement conférés à certains agents de l’administration.
Le débat s’est ensuite focalisé sur le projet phare qui cristallise aujourd’hui toutes les attentions, à savoir la conclusion des travaux de la commission de réformes politiques et institutionnelles. Huguette Bokpè et Laurent Mètongnon évoquent une sorte de nébuleuse qui ne se justifie pas. «Pourquoi on fait tout un mystère autour des résultats de la commission ? On donne le sentiment de cacher quelque-chose. L’obligation de reddition exige qu’on publie le rapport », plaide la coordonnatrice de WILDAF. Laurent Mètongnon enfonce le clou : «Là où il n’y a pas transparence, c’est la suspicion qui s’impose. On ne doit pas nous empêcher le minimum d’information», s’offusque-t-il, dénonçant un manque de communication autour des actions du président de la République. Paradoxalement, Gustave Sonon trouve que le gouvernement fait bien de ne pas rendre public le rapport d’autant qu’il devra faire des consultations pour adopter une position unique.
Des points de réformes soumis à l’appréciation de la commission, la question du mandat unique est souvent revenue dans le débat. Si Huguette Bokpè n’y trouve aucun inconvénient, Laurent Mètongnon estime pour sa part, que ce choix ne doit pas s’imposer aux Béninois. « Il faut voir la réforme en termes de répartition des pouvoirs. La réforme va contribuer à un rééquilibrage des pouvoirs et il ne faut pas faire de fixation sur le mandat unique. Patrice Talon a fait son choix, le débat se fera au Parlement, le peuple va trancher», soutient Urbain Amégbédji. Et à Gustave Sonon de conclure : «Le mandat unique ne laisse pas au peuple la possibilité de sanctionner les dirigeants. Mais les priorités du peuple béninois sont ailleurs».
Le concept de Soirée politique à la FES vise à offrir un cadre d’échange informel entre différents acteurs qui s’intéressent à la vie politique et au développement du Bénin. La soirée a mobilisé plusieurs personnalités politiques et de la société civile qui n’ont pas manqué de verser leurs commentaires dans le débat autour des premiers pas du régime de Patrice Talon. ?
Gnona AFANGBEDJI