Elu sur la base de son programme de société et installé dans ses nouvelles fonctions de Président de la République le 06 avril 2016, le Chef de l’Etat Patrice Talon vient de boucler cent (100) jours à la tête de l’Etat béninois. Mais quel bilan peut-on faire de ses premiers mois en tant que premier des Béninois? Le bilan n’est pas du tout reluisant. Le Gouvernement doit revoir sa copie en ce qui concerne l’emploi des jeunes, l’indépendance de la justice, la sécurité des personnes et des biens et bien d’autres chantiers.
Les Béninois sont-ils satisfaits des cent premiers jours du Président de la République? Sans risque de se tromper, la réponse est non. Les chantiers sur lesquels le peuple attendait le plus le Gouvernement et qui devraient être sa priorité au cours de ces premiers mois sont abandonnés. Les Béninois sont restés sur leur faim et c’est donc un échec total pour le nouveau régime.
Sur le plan social, ça grogne déjà dans le rang des partenaires sociaux. Ces derniers se sentent méprisés par l’actuel régime qui veut à tout prix noircir les nobles et légitimes réalisations de l’ancien régime. «Nous avons l’impression que le Gouvernement de Talon paradoxalement veut montrer que tout ce qui est fait hier est mauvais et lui-même veut faire le contraire de ce qui est fait hier. Et c’est là où on a tous les problèmes», regrette malheureusement le Secrétaire général de l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (Unstb), Emmanuel Zounon. Ainsi, au lieu de se concentrer sur l’avenir du pays pour les cinq prochaines années, la «rupture» verse dans l’intoxication et la manipulation des populations afin de leur montrer à tout prix que le régime passé a «détruit le pays».
Depuis quelques semaines, l’administration du trésor public et de la comptabilité est paralysée. Le Gouvernement a toujours du mal à régler cette crise pour soulager la peine des usagers de cette administration. Même au niveau de l’ex-Ministère chargé des relations avec les institutions, placé désormais sous la tutelle du Ministère de la justice, les travailleurs sont mécontents du traitement qui leur est fait par les nouvelles autorités. Il s’agit là des questions auxquelles le Gouvernement devrait accorder une priorité.
Pendant les trois mois de gouvernance, aucune mesure n’a été prise à l’endroit des jeunes et des femmes. L’emploi des jeunes et l’autonomisation des femmes n’est pas une priorité pour le nouveau Gouvernement. Le plus grave, c’est que certains emplois des jeunes sont supprimés. Les femmes qui avaient toujours bénéficié des microcrédits sont laissées pour compte. C’est la grande désolation et l’amertume qui règnent dans leur rang. Elles ne savent plus à quel saint se vouer.
Sur le plan de la promotion de l’excellence, le Chef de l’Etat a tout simplement oublié l’engagement qu’il a pris à Porto-Novo. «La compétence sera désormais le principal critère de promotion des cadres aux postes de responsabilité. Je prends le ferme engagement devant le peuple béninois et devant le monde ici représenté, que sous mon mandat, la gouvernance au sommet de l’état, aura constamment à cœur de rechercher et d’identifier où qu’elles se trouvent les compétences nécessaires dont notre pays a besoin pour apporter le plus efficacement possible, les réponses nécessaires aux besoins de développement et de bien-être de nos populations des villes et des campagnes. C’est la sélection par le mérite et l’observance des valeurs qui font la qualité d’une gouvernance», a déclaré le premier des béninois lors de son investiture. Mais c’est tout à fait le contraire à l’heure du bilan des cent premiers jours. Le peuple a plutôt eu droit à la récompense des partisans de première heure du Chef de l’Etat. C’est la déception dans le rang des populations, des acteurs de la société civile et d’une certaine classe politique. Car l’homme qu’il faut n’est pas mis à la place qu’il faut. En un mot, le clientélisme est érigé en système de gouvernance. Même des personnes ayant des démêlés avec la justice ou qui ont été déjà condamnées par la justice sont promues.
La grosse déception, c’est le mépris des décisions de justice. On note une sorte d’immixtion du pouvoir exécutif dans les affaires du pouvoir judicaire en dépit du fait que l’alinéa 1 de l’article 125 de la loi fondamentale a clairement précisé que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Pourtant le Chef de l’Etat avait pris cet engagement à Porto-Novo: «Je m’engage à promouvoir une justice indépendante, la même pour tous, accessible et efficace ainsi qu’à redynamiser et moderniser l’administration publique». Cent jours après, on se rend compte que cet engagement n’était juste qu’une promesse. Le cas qui inquiète plus d’un est celui relatif à la crise qui sévit le football béninois. Le Gouvernement devrait normalement laisser la justice aller jusqu’au bout de ce dossier car force doit rester à la loi conformément à l’engagement du Chef de l’Etat.
S’agissant du secteur de la sécurité, on a noté la démission totale des autorités face à la recrudescence des braquages et de grand banditisme. Les différentes mesures envisagées dans ce domaine ont montré leurs limites. Même les changements de commandement à la tête de la police et la gendarmerie nationales n’ont pu émousser l’ardeur des individus sans foi ni loi. Il s’agit également d’un défi que le Gouvernement devra relever pour la quiétude des paisibles populations. Et puisqu’il a encore plus de quatre ans et demi devant lui, il va falloir qu’il se concentre sur les chantiers les plus urgents. Il s’agit entre autres, de l’emploi des jeunes, l’autonomisation des femmes, la sécurité des personnes, des biens et services, l’apurement de la dette intérieure, le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, les grands travaux, l’éducation, la santé…
Benn MICHODIGNI