Depuis les indépendances jusqu'à ce jour, le nord du Bénin a toujours fait l'unanimité autour d'un de ses fils. Le Président Hubert Maga en 1960, le Général Mathieu Kérékou de 1991 à 2006 et le Docteur Boni Yayi de 2006 à 2016. Avec la disparition des deux premiers et la fin des deux mandats constitutionnels du troisième, c'est la fin d'un cycle. Qui pour recoller les morceaux?
De 1960 au Renouveau démocratique en (1990), le septentrion, qui totalise environ 35% du suffrage national total, a toujours eu un de ses fils au second tour de la présidentielle, excepté le dernier scrutin qui a porté Patrice Talon au pouvoir. Aux premières heures de l'indépendance déjà, Hubert Maga a remporté la première présidence du Dahomey au grand dam de ses challengers de la partie méridionale plus peuplée. Bien que décrié en 1991, après 17 ans de règne marxiste - léniniste, le Général Mathieu Kérékou est pourtant parvenu à se qualifier pour le second tour de la présidentielle grâce aux suffrages majoritaires du nord. Malheureusement il sera battu par le Président Nicéphore Dieudonné Soglo au second round. Cinq ans après, le «Caméléon» prendra sa revanche face au même Soglo. Même si l'opposition d'alors s'était coalisée pour bouter dehors le Président Soglo, force est de constater que ce sont les voix des populations du nord qui ont d'abord balisé le terrain dès le premier tour. Même scénario en 2001 lorsque le Général Mathieu Kérékou a rempilé. De même, son successeur au pouvoir, le Docteur Boni Yayi, va bénéficier de cette même solidarité et unité des fils du septentrion pour remporter successivement les présidentielles de 2006 et de 2011.
Le nord désormais sans guide
La présidentielle de 2016 va signer la fin d'une époque avec le second tour de la présidentielle qui s'est déroulé sans un fils du septentrion en lice. Patrice Talon était opposé à Lionel Zinsou. Une première dans l'histoire politique du Bénin dont le premier Président Hubert Maga avait également réussi à battre ses challengers de la partie méridionale (Apithy, Ahomadégbé) dès 1960. Aucun des candidats ressortissant de cette aire géographique n'a pu franchi l'étape du premier tour. Abdoulaye Bio Tchané, Robert Gbian, Nassirou Bako, Chabi Sika Karimou, Késsilé Tchalla, Issifou Kogui N'Douro, Saliou Youssaou et autres El-Hadj Issa Azizou n'ont pu faire mieux que Kérékou et Yayi. Un fait inédit que certains imputent au Président Boni Yayi qui aurait réussi à détruire cet héritage d'unité et de solidarité des peuples du nord en voulant coûte que coûte imposer son dauphin aux Béninois. C'est dans cet imbroglio politique que les chefs de partis et autres politiciens du nord cherchent à se repositionner dans la perspective des législatives, communales et municipales de 2019 et de la présidentielle de 2021.
Abt surfe sur la vague de la Rupture
A la 4ème place lors de la présidentielle de mars 2016 avec environ 8% des suffrages, Abdoulaye Bio Tchané est nommé Ministre d'Etat chargé du Plan et du Développement pour son soutien au candidat Patrice Talon au second tour. Malgré son premier rang dans certaines grandes villes du septentrion comme Parakou et Djougou, Abdoulaye Bio Tchané n'a pu accéder au second tour de la présidentielle quand bien même c’était à sa seconde participation. Pour plusieurs observateurs, c'est une contre-performance au regard des moyens dont disposait l'Alliance Abt et surtout de l'espoir suscité au sein des populations du Septentrion. Au détour d'une déclaration, il y a quelques jours, le député Rachidi Gbadamassi dénie à Abdoulaye Bio Tchané son rôle de leader du nord. Le «taureau» de Parakou reproche au natif de Sèmèrè de ne pas soutenir les financements des projets de bitumage de la traversée et du contournement et de fourniture d'eau potable de la cité des Kobouru. C'est dire donc que le leader des « Tabati Taba » n'a pas encore l'étoffe nécessaire pour prendre la relève de l'icône Kérékou et du populiste Yayi.
GGR, l'éléphant annoncé est arrivé avec 3 pieds cassés
Annoncé pour être le digne héritier du Général Mathieu Kérékou, le Général Gbian Robert n'a pu tenir la promesse des fleurs. Auréolé d'une 6ème place, le candidat GGR n'a pourtant recueilli qu'un minable score de 1,55% avec moins de 50.000 suffrages exprimés. Depuis la fin du scrutin présidentiel, le Général Gbian Robert et sa troupe, qui ne sont pas associés dans la gestion du pouvoir de la Rupture, se tiennent à carreaux. Est-ce une stratégie pour mieux sauter? Toujours est-il que le chef de file de la Coalition GGR a de réelles chances de ratisser large et de s'imposer comme leader du septentrion. Mais pour cela, il faut que le Général Gbian Robert ait les moyens de sa politique, sorte de sa torpeur, prenne position sur des sujets importants du pays, critique les décisions du système de la Rupture sans avoir peur de froisser qui que ce soit. C'est à ce seul prix que GGR pourra reconquérir le cœur des béninois en général et du septentrion en particulier comme entre 2012 et 2014 lorsqu'il caracolait en tête des sondages avant que le schéma Talon ne vienne le déstabiliser. Mieux, la dernière présidentielle a montré que son étoffe de rassembleur et d'homme de paix ne suffira pas à faire de lui un leader charismatique comme Kérékou.
Sacca Lafia, le nouveau prince de la Rupture
Depuis le 06 avril 2016, Sacca Lafia surfe sur la vague du Nouveau Départ. Pourtant, il était annoncé comme politiquement mort avant que la victoire du candidat Talon ne vienne le ressusciter. Au sein de l'Union pour la Démocratie et la Solidarité nationale (Uds), il ne faisait plus l'unanimité avec l'apparition de plusieurs courants pro-Ggr, pro-Zinsou, pro-Talon et pro-Ikn avant la présidentielle de 2016. Même dans son Pèrèrè natal, Sacca Lafia était défié et poussé dans ses derniers retranchements par sa propre famille politique et biologique. De tous les proches collaborateurs du Président Patrice Talon dans le septentrion, le Prince de Pèrèrè est celui qui s'impose de par son expérience d'ancien parlementaire, de chef de parti et d'opposant farouche au régime du Général Mathieu Kérékou. Cependant, le Président de l'Uds est décrié par les autres leaders politiques du nord dans une guerre larvée de leadership. En effet, son leadership est mis à mal. On lui reproche surtout de faire ombrage auprès de Talon à Chabi Sika Karimou, Gbian Robert, Nassirou Arifari Bako, Issa Salifou, Sourokou Bio et autres qui appartiennent pourtant à la grande Coalition de la Rupture et qui ont tous œuvré à l'avènement du Nouveau Départ. Nul doute que sa sortie du gouvernement sonnera également la fin de son leadership dans le septentrion.
Gbadamassi et les autres
S'il y a un politicien du septentrion qui a réussi à rester dans la durée dans le cœur des populations, c'est bien l'honorable Rachidi Gbadamassi. Même l'usure du temps n'a pu avoir raison de lui à Parakou et dans la 8ème circonscription électorale. Toutefois, son dernier choix de soutenir Sébastien Ajavon à la dernière présidentielle pourrait lui porter préjudice quand on sait que sa base aurait plutôt voulu le voir soutenir un candidat du septentrion comme GGR ou ABT.
Barthélémy Kassa représentait un véritable espoir de devenir un leader incontournable au nord avant que le dossier PPEA II, dans lequel plusieurs milliards de francs se sont évaporés dans la nature, ne le rattrape et ne le cloue définitivement au sol. Il aura du mal à redécoller si la Rupture ne le livre pas, entre temps, en pâture à la justice.
Komi Koutché a contre lui le passif du régime de Boni Yayi. Excepté cela sa fougue, sa jeunesse et son dynamisme le prédestinent à être un grand leader tout au moins dans l'aire culturelle Nago. De même, si les Fcbe parvenaient à recoller les morceaux et à se relever de leur défaite lors de la dernière présidentielle, un fils du bastion Fcbe du septentrion pourrait réussir à s'imposer comme nouveau leader face aux frasques du régime de la Rupture.
Anthony Vasquez