Le régime du Nouveau Départ, installé le 6 avril 2016, a entrepris de faire l’état des lieux de la situation dont il a hérité. Des audits sont ainsi lancés à cet effet. Dans le secteur des finances et de l’économie, la situation semble être catastrophique. En tout cas, selon les déclarations répétées du nouvel argentier béninois. Romuald Wadagni profite désormais de toutes les occasions qui lui sont offertes pour évoquer la situation critique dont le gouvernement a hérité et qui l’a obligé à demander le vote d’une loi rectificative du budget 2016. Les chiffres régulièrement avancés pour justifier la mal-gouvernance économique du régime Yayi, surtout dans ses derniers mois de gestion, finissent par convaincre quelques sceptiques. Seulement, en face, c’est le calme plat, si ce n’est d’ailleurs les députés de l’ancien régime qui ont décidé de s’aligner presque derrière la rupture, laissant l’ancien Chef de l’Etat seul dans la tourmente.
Les salves continuent de tomber sur la gouvernance économique de Boni Yayi, surtout dans les derniers mois de gestion du pays. La menace de tout révéler plane d’ailleurs sur l’ancien président de la République. Menace venant de l’actuel Ministre de l’économie et des finances qui, d’ailleurs, continue de décrier la manière dont son prédécesseur a géré ce département ministériel. «Il n’y aura pas d’excuse. Nous irons jusqu’au bout des audits. Et nous nous attelons à ce qu’ils se déroulent de façon transparente, que les résultats soient publiés et que la justice soit saisie pour la suite», a averti l’argentier béninois le lundi 25 juillet dernier sur la télévision nationale. Ceci, selon le Ministre Romuald Wadagni, est nécessaire à cause des «dérives financières et la gestion économique catastrophique » laissées par le régime du changement durant ses dix ans de gestion. Mieux, le ministre de l’économie et des finances prévient : «Il y aura des sanctions appropriées». Comme exemple, il a fait savoir que le budget initial annuel des voyages officiels qui était de 5 milliards de Fcfa en 2014, a brusquement augmenté pour atteindre 17 milliards en 2015 sous Yayi.
Face au corps diplomatique
L’argentier national faisait partie des quatre ministres qui ont présenté le bilan des 100 premiers jours de gestion du gouvernement Talon aux membres du corps diplomatique le vendredi 22 juillet dernier dans les locaux du ministère des affaires étrangères. Là aussi, le tableau de la gouvernance économique de Yayi éteint peint en noir. «A la date du 6 avril 2016, l’état de l’économie nationale était désastreux, tant en termes d’agrégats macro que micro économiques. Nous avions un déficit de 8%. Entre janvier et mars 2016, le niveau d’endettement de notre pays était déjà de 70%. Sur le 1er trimestre, alors que les recettes n’étaient pas au rendez-vous, plusieurs lignes budgétaires étaient déjà en dépassement. Nos instances de paiement étaient de 162 milliards F Cfa, la dette intérieure de 1.200 milliards F Cfa et la dette extérieure 1.100 milliards F Cfa. Le gouvernement a dû prendre des mesures urgentes pour arrêter la saignée. Il a mis fin aux contrats de location de voitures, revu le budget des examens (avec une économie de 5 milliards F Cfa au budget national), réorganisé les voyages officiels (le coût desdits voyages est passé de 7 milliards en 2014 à 17 milliards F Cfa en 2015), lancé un emprunt obligataire de 150 milliards en fin juin 2016…», a expliqué le ministre Wadagni. Cet exercice, il l’avait déjà fait face aux députés.
Déjà à l’Assemblée nationale
Les propos du Ministre Romuald Wadagni devant la représentation nationale ont été très sévères vis-à-vis de la gouvernance économique du régime du changement. « …2014 a marqué, en fait, le début d’une aggravation de nos agrégats macroéconomiques. 2014 a marqué l’accélération de la gabegie dans la gestion des finances publiques», a-t-il lancé. Ses observations ont aussi porté sur la masse salariale laissée par le régime défunt. Là encore, c’est accablant. «…Quand vous êtes Ministre de l’économie et des finances et que dans le budget, vous avez plus de 40% consacré à la masse salariale, que vous avez le service de la dette, que vous devez faire des investissements de maintien, des investissements productifs, vous finissez toujours avec un budget qui n’est pas équilibré», a-t-il souligné.
Comme on le constate, les déclarations du Ministre de l’économie et des finances sont de plus en plus accablantes pour Boni Yayi et son régime. Et c’est justement en ce moment que ses députés (Les Forces cauris pour un Bénin émergent Fcbe) ont choisi de ne pas trancher leur position par rapport au régime du Nouveau Départ. Lors de leur conclave de Grand-Popo le 20 juillet 2016, ils ont eu du mal à se positionner politiquement (voir leur communiqué final). Depuis les «attaques», l’ancien Ministre de l’économie et des finances de Yayi, le dernier surtout, est resté muet. Stratégie ou résignation, on ne saurait le dire. Seulement, il va falloir oser monter au créneau, justement comme l’avait fait le président Bruno Amoussou au début du premier mandat de Yayi. Alors que le régime Kérékou auquel il a appartenu était accablé par des soupçons de haute corruption de la part du régime Yayi, Bruno Amoussou a lancé l’histoire de la «cuillère à café» et de la «louche». «Si hier, on se servait de la cuillère à café pour manger. Sous Yayi, on se sert de la louche».Cette phrase est devenue culte. Elle a fait son effet. Aujourd’hui, la question est de savoir qui pour défendre le soldat Yayi ?
Quelques propos du Ministre Romuald Wadagni à l’Assemblée Nationale
« …2014 a marqué, en fait, le début d’une aggravation de nos agrégats macroéconomiques. 2014 a marqué l’accélération de la gabegie dans la gestion des finances publiques. Nous avons noté les commentaires de la Chambre des comptes de la Cour suprême et nous ferons tout pour limiter ce qui est limitable (…) Je vais juste demander votre indulgence pour 2016 parce que 2016 était mal partie… Malheureusement, on ne peut pas toujours refaire l’histoire. Donc, l’année prochaine, je viendrai ici et j’aurai des commentaires sur 2016. C’est ma responsabilité et celle de l’administration de contenir le reste de l’année pour que globalement, la qualité de l’exécution du budget 2016 soit au rendez-vous… »
Romuald Wadagni au sujet des récentes déclarations du Fmi sur le Bénin
« …Je viens maintenant à la question du Fonds monétaire international (Fmi). Je comprends les interrogations des uns et des autres. Mais je voudrais déjà commencer par dire que le Fmi est intervenu l’année passée, entre août et septembre, sur la base des données économiques à fin juin 2015. Le Fmi est intervenu cette fois-ci en juin 2016 à la demande du gouvernement dans sa volonté de rentrer dans un programme avec le fonds en se basant sur des données à fin mai 2016. Donc, les commentaires ne sont pas liés à la même période. Je vais vous donner deux exemples très simples, vérifiables par tous pour expliquer la différence de ton qu’on peut noter dans le rapport précédent du Fmi et l’actuel rapport. Nous avons aujourd’hui environ 2.200 milliards Fcfa de dette. Entre janvier et mars 2016, le gouvernement précédent a signé des contrats qui ont conduit à augmenter l’endettement du Bénin à plus de 1200 milliards F Cfa. Comment est-ce qu’en 3 mois, on peut hypothéquer l’avenir de nos enfants en signant des contrats sur des investissements avec des crédits à 3 ou 7 ans à des taux de 8% pour financer des routes qui ne relient pas des pôles d’activités économiques ? Quand le Fonds monétaire international arrive, il constate que le taux d’endettement du Bénin explose de 40% à plus de 70% (…) Les chiffres sont là. Il ne s’agit pas de manipulation. Le deuxième élément sur le Fmi, vous savez tous qu’en décembre 2015, le gouvernement a émis pour 250 milliards F Cfa de dette. Quand le Fmi se rend compte de ça, c’est normal qu’il s’inquiète. S’il y a un besoin d’information, on peut relire le rapport et regarder les données qui ont servi d’arguments au Fmi…»
Romuald Wadagni sur la masse salariale laissée par Yayi
« …Je vais aborder maintenant la question de la masse salariale. Bien sûr, c’est une question qui nous préoccupe. Quand vous êtes Ministre de l’économie et des finances et que dans le budget, vous avez plus de 40% consacré à la masse salariale, que vous avez le service de la dette, que vous devez faire des investissements de maintien, des investissements productifs, vous finissez toujours avec un budget qui n’est pas équilibré. Une fois que le constat a été fait, nous avons pris dès les premières semaines des mesures. Nous avons supprimé le décret accordant des avantages complémentaires aux Secrétaires généraux et aux Directeurs de cabinets des ministères. Ça, c’est un exemple de mesures que nous avons prises pour contenir la masse salariale. Nous avons également pris des mesures pour contenir les commissions. Parlant de la masse salariale, il y avait aussi tout ce qui est perdiems, frais de missions payés aux fonctionnaires aux heures de service pour travailler sur des sujets pour lesquels ils sont payés. Il y a des commissions qui sont pertinentes et pour lesquelles on continuera à donner des moyens pour que le travail soit fait. Mais il fallait limiter le recours systématique aux commissions et s’éloigner de Cotonou pour travailler sur des sujets qui n’ont pas besoin qu’on soit à Bohicon ou à Parakou alors qu’on peut se parler entre deux bureaux. Ce n’est pas qu’il n’y aura plus de commissions ou qu’il n’y aura plus de moyen pour les Commissions. Les Commissions auront des moyens, mais nous avons décidé de les encadrer. Nous avons pris des mesures pour supprimer les postes de Chargés de mission par exemple. C’est généralement des fonctions dans lesquelles on ne retrouve pas les agents permanents de l’Etat. Le cabinet d’un Ministre ayant un caractère politique, on y retrouve parfois des gens qui ont les compétences, mais qui font grimper la masse salariale (…) Vous voyez, en 2 mois, 3 mesures fortes pour que dès 2017, nous limitions ce dérapage. Nous avons également pris la décision de travailler sur le sujet de façon structurelle. Nous allons en septembre prochain faire un contrôle physique. Nous allons organiser le paiement des salaires par contrôle physique pour qu’on s’assure que les personnes que nous payons existent vraiment. Si nous ne maîtrisons pas notre masse salariale, nous ne pourrons pas investir dans le développement…»
Communiqué final des Fcbe
L’intergroupe parlementaire «Les républicains», regroupant les députés Fcbe et alliés, réunis à l’hôtel Bel Azur à Grand-Popo, dans le cadre de la première journée parlementaire, rend public le communiqué ci-après.
Les résultats de l’élection présidentielle du 20 mars 2016, ont clairement montré la volonté du peuple béninois de faire une nouvelle expérience politique dans sa quête d’une démocratie continue de progrès social et économique avec la coalition de la Rupture portée par le président Patrice Talon. Conscient de la souveraineté du peuple, l’intergroupe «Les républicains» à l’Assemblée nationale, profite des présentes assises pour renouveler ses félicitations au président Patrice Talon en lui souhaitant du meilleur durant son mandat à la tête de notre pays. Par la même occasion, le groupe rend un vibrant hommage au docteur Boni Yayi pour son parcours exceptionnel, son sens républicain, son engagement volontariste et désintéressé au service de la cause commune, son esprit militant et démocratique qui l’ont caractérisé durant les 10 ans de sa gouvernance. Les députés membres de l’intergroupe ont vécu avec le peuple béninois, les 100 premiers jours du gouvernement de la Rupture et considèrent comme baptême de feu au cours duquel le président Talon a donné l’orientation de son mode de gouvernance. Même si certaines actions sont satisfaisantes pour le renforcement de notre démocratie, d’autres par contre, méritent à ce que nous parlementaires, soyons très attentifs. On peut citer par exemple, l’abrogation, l’annulation et la suspension de certains acquis sociaux économiques préoccupants tels que les projets routiers. De même l’insécurité galopante constitue un sujet de préoccupation majeure. Le groupe des députés Fcbe et alliés, tient à rassurer tout le peuple béninois et en particulier nos militants, de son engagement à demeurer une équipe de veille stratégique et permanente pour un meilleur contrôle de l’action gouvernementale. A cet effet, le groupe exprime sa disponibilité à accompagner le gouvernement dans l’exécution de son programme, dès lors que les actions participent au renforcement et à la sécurité humaine du progrès social et économique. De la même manière, l’intergroupe est résolument déterminé à se démarquer et à dénoncer toute action attentatoire à l’unité nationale et à l’intérêt général.
Fait à Grand-Popo, le 20 juillet 2016