La campagne cotonnière en cours tranche avec les méthodes «cavalières» qui ont régenté la filière ces quatre dernières années. L’heure est aujourd’hui à une gestion plus professionnelle pour montrer la vraie couleur de l’or blanc béninois.
La campagne cotonnière en cours devra marquer un nouveau départ de la filière. C’est en tout cas le souhait des acteurs dont les ambitions convergent vers la relance de l’or blanc béninois. Depuis le déterrement de l’Accord Cadre entre l’Etat béninois et l’Association interprofessionnelle du Coton (AIC), la gestion de la filière a retrouvé un brin de sérénité qui annonce de bonnes perspectives pour la campagne. Plus de visites de chef d’Etat dans les champs de coton, ni de réunions interminables avec les acteurs. Plus de déclarations fantaisistes de promesses de production, place désormais à une gestion technique et stratégique du cycle de production. Pour la presse, pas grand-chose à mettre sous la dent. «Nous ne sommes pas capables de vous indiquer la superficie emblavée. Ce processus suit trois étapes. Les intentions de semis des producteurs, les déclarations de semis, et enfin les mesures parcellaires au GPS. Nous sommes à l’étape des mesures. Ce n’est qu’à la fin que nous pourrions vous communiquer des chiffres », précise une source proche de la filière. A l’en croire, le coton béninois a souffert ces dernières années de controverses statistiques, souvent entretenues par le pouvoir public pour maquiller ses propres lacunes.
Des chiffres à polémique !
« Les chiffres souvent communiqués ces dernières années s’appuient sur des déclarations d’intentions des producteurs. Il fut une campagne où Banikoara avait déclaré 74.000 hectares d’emblavures alors que les mesures GPS ont donné 40000 hectares. Mais il était difficile pour le politique d’admettre ce chiffre qui ne l’arrange pas », indique la source. Faut-il le rappeler, l’élément déclencheur de la bisbille entre le gouvernement Boni Yayi et l’AIC était la guerre des chiffres autour de la production cotonnière 2011-2012. Pendant que l’AIC annonçait une production de 174 000 tonnes, le ministre en charge de l’Agriculture d’alors soutenait une production de 308.000 tonnes. Du coup, les égreneurs avaient été accusés par l’Etat de minorer les chiffres de la campagne cotonnière dans le but de gruger les cotonculteurs. Pourtant, les producteurs sont bien impliqués dans le processus de commercialisation, du champ de pesée de coton jusqu’à la livraison à l’usine d’égrenage. Mais le gouvernement d’alors a mis fin à la participation du secteur privé dans la gestion, pour un an de transition qui n’aura pris fin qu’après le départ du président Boni Yayi. Cette période transitoire avait introduit une forme de gouvernance qui foulait au pied les principes élémentaires du partenariat public-privé. Le système d’égrenage à façon est arrivé avec des conséquences dantesques sur la trésorerie des industries cotonnières. «On égrenait le coton comme on apporte le maïs au moulin, et pis encore le client s’octroie le droit de fixer son prix au meunier», commente un averti du secteur.
Marquer la rupture
Aujourd’hui, les acteurs entendent marquer la rupture dans le secteur cotonnier. Bien que le conseil des ministres ait donné carte blanche à l’AIC pour reprendre en main la filière, la campagne actuelle est gérée par un comité paritaire ministère de l’Agriculture-AIC. «L’AIC avait été exclue de la filière pendant plus de trois ans. Donc ce comité paritaire était nécessaire pour conduire la campagne en cours. Je crois que dès la campagne suivante, l’Association aura les coudées franches», rassure un cadre du ministère de l’Agriculture.
Pour l’instant, le régime actuel est crédité d’une bonne intention, celle de dépolitiser la gestion de la filière cotonnière et de ressortir la vérité des chiffres sur la campagne. Tout comme les examens scolaires, il est donc attendu que le coton béninois montre sa vraie couleur afin que les thérapies appropriées lui soient administrées pour son redressement à proprement parler.