Ce mardi 26 juillet 2016, des centaines d’étudiants sont descendus dans les rues de Cotonou, suivant un itinéraire précis, pour une marche pacifique, à l’appel des organisations estudiantines que sont la Fédération nationale des étudiants du Bénin (Fneb), l'Union nationale des étudiants du Bénin (Uneb) et l'Union nationale des scolaires et étudiants du Bénin (Unseb). Ils revendiquaient l'organisation de la session de rattrapage à la Faculté des lettres, arts et sciences humaines (Flash), l'organisation du séminaire sur le système Licence-master-doctorat (LMD), la suppression des faux frais dans les différents départements, l'établissement d'un calendrier académique unique à l'UAC, la démilitarisation du campus, la nomination d'un nouvel agent comptable au Centre des œuvres universitaires et sociales d'Abomey-Calavi (Cous-AC) en remplacement de l'ancien dont la suspension bloque le payement des allocations universitaires et celui des subventions aux institutions estudiantines et la prolongation du séjour des étudiants résidant dans les résidences universitaires.
Mais la manifestation a tourné au vinaigre. Elle a été violemment dispersée par la police et la gendarmerie. La répression a été violente, dans le sang. Face à la détermination des manifestants – qui ont reçu le soutien de Pascal Todjinou, Noël Chadaré, Dieudonné Lokossou, Paul Issè Iko et consorts – à poursuivre leur mouvement de protestation jusqu’au ministère de l’enseignement supérieur, aux mains nues, ils ont été gazés et dispersés, au niveau de la Bourse du Travail. Plusieurs étudiants ont été blessés et admis à l’hôpital, d’autres arrêtés puis relâchés pour «trouble à l’ordre public».
Le Préfet du Département du Littoral, Modeste Toboula, estime que les étudiants ont franchi le rubicond, ce qu’il appelle «ma ligne rouge». Il a menacé réprimer toute manifestation qui violerait sa «ligne rouge», la zone résidentielle du président de la République et la zone de la présidence de la République. «J’ai été trop large avec vous en autorisant la marche. Je me suis impliqué de long en large pour vous permettre de vous déplacer avec des bus. J’ai pu obtenir des autorités du Ministère la disponibilité des bus. Il n’y a pas de raison pour que vous puissiez aller à l’extrême», a indiqué le Préfet. «Votre comportement dénote totalement d’un manque de responsabilité. Nous allons prendre nos responsabilités vis-à-vis de vous», a-t-il laissé entendre.
«Nous nous attendions à des jets de gaz lacrymogènes car le pouvoir en place est hostile à la contradiction», affirme l’un des organisateurs de la marche au cours de laquelle portables, chaussures, motos ont été abandonnés ou volés. «Les autorités du Ministère étaient déjà là mais force est de constater que le Préfet Toboula a demandé aux trois responsables de se rapprocher de lui. On était en train de se rapprocher de lui quand il a donné l’ordre de tirer sur nous. L’objectif c’est de nous exprimer, de dire ce qui ne va pas à notre Ministre de tutelle», explique le Président de l’Union nationale des étudiants du Bénin (Uneb).
Les centrales syndicales condamnent la répression de la marche
Les manifestants ont reçu le soutien des centrales et confédérations syndicales. Ces derniers ont condamné la répression de cette marche des étudiants qui ne font que réclamer leurs droits. Il s’agit de Paul Essè Iko, de la Cstb, de Pascal Todjinou de la Cgtb, de Noël Chadaré de la Cosi-Bénin et de Dieudonné Lokossou de la Csa-Bénin. Le Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb) Pascal Todjinou a fustigé l’irruption des forces de l’ordre sur leur lieu de travail. «Ce que j’ai vu tout à l’heure, ce n’est pas du tout bon. Nous avons rompu avec ce qui s’était passé. Nous n'allons pas continuer par vivre les mêmes choses sous le régime de Talon», a-t-il martelé. Paul Essè Iko, Secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb), explique: «Nous étions au forum quand nous avons appris que les enfants sont martraqués. La liberté d’expression, de parole et d’organisation est plus importante que tout autre parlementarisme». Il met en garde le Gouvernement contre toute tentative de privation des libertés publiques. «Si ça continue avec ce que nous avons vu là, nous regrouperons nos forces pour que effectivement on réalise la révolution. Nous réaliserons la révolution dans notre pays pour donner à ce peuple la paix, la tranquillité, le développement pour que ce pays devienne prospère pour ses fils», a-t-il laissé entendre tout en réitérant son soutien aux étudiants pour la prise en compte de leurs revendications. «L'arsenal que Talon a déplacé dépasse celui que nous avions vu sous Yayi. Le LMD est le frère jumeau du nouveau programme. Ce mouvement ira très loin parce que nous allons soutenir les étudiants pour la satisfaction de leurs différentes revendications».
Les étudiants demandent la démission de Toboula
Les organisations estudiantines remercient et félicitent sincèrement tous les camarades étudiants, estimés à environ 10.000 personnes, ayant participé à la marche de ce mardi 26 juillet 2016. Nous déplorons et condamnons les actes de vandalisme perpétrés sur les nôtres à la hauteur de la Bourse du Travail et qui ont causé plusieurs blessés dans nos rangs; des pertes d'objets précieux et des motos arrêtées; souhaitons beaucoup de courage aux camarades Habib AHANDESI et Moumouni KPETONI, tous arrêtés lors de la répression puis relaxés.
Il est très important de faire savoir qu'il n'a jamais été question d'une entente avec le Préfet barbare que la marche s'arrête à la Bourse du travail. En effet, on nous a informé à la préfecture que la marche sera autorisée à condition qu'elle quitte la place de l'Etoile rouge pour échouer à la Bourse du travail, sous de fallacieux prétexte qu'une marche ne peut pas se dérouler sur deux territoires et que la zone du ministère est rouge du fait que le domicile du Président de la République s'y trouve. Nous avons notifié après au Préfet du Littoral par téléphone que les étudiants ne sauraient accepter ces conditions et que par conséquent nous allons marcher de l'UAC pour le MESRS malgré les intimidations du préfet. Aussi, avions nous notifié au Préfet que l'itinéraire d'une marche programmées depuis le vendredi ne peut pas être modifié à la veille.
Que le Préfet arrête alors sa campagne d'intoxication et de prouver le contraire de nos versions par des actes écrits. Pour l'heure nous exigeons de la part de ce préfet à excès de zèle de présenter publiquement ses excuses à la communauté estudiantine et de réparer les dommages causés à celle-ci, sans quoi nous allons réclamer avec véhémence sa démission immédiate. Nous invitons les étudiants à rester calme et sereins jusqu'au moment où une assise sera appelée pour décider de ce qui sera la suite de nos mouvements.
Ont signé:
Prince Boris AKE, Président de l'UNSEB
Lucien Nicolas ZINSOU, Président de l'UNEB
Emmanuel ASSIMADA, Président de la FNEB