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Point des 100 jours aux ambassadeurs étrangers : le gouvernement de la «rupture» se trompe de cible
Publié le mercredi 27 juillet 2016  |  Notre Voix
Aurelien
© aCotonou.com par DR
Aurelien Agbénonci, ministre des Affaires étrangères




On aura tout vuau Bénin, à l’ère de la «rupture» et du «nouveau départ» ! Vendredi dernier, quatre ministres du gouvernement ont planché devant les ambassadeurs accrédités dans notre pays. Il s’agit, entre autres, des ministres de la justice, des affaires étrangères et des finances. Objectif : rendre compte aux diplomates de l’action gouvernementale, exposer le bilan des 100 jours du nouveau régime. Dans l’histoire du Bénin, c’est la toute première fois que des ministres et pas des moindres planchent devant des diplomates pour faire un tel exercice, la reddition de comptes, pendant que le peuple souverain n’a aucune information fiable sur la gestion du pays.



Depuis le 06 avril 2016, tous les Béninois se plaignent de la gouvernance opaque qui caractérise le régime en place. Ils n’ont aucune information sur le fonctionnement de l’Etat. Ils sont obligés de s’abonner aux réseaux sociaux. Résultat : Personne ne fait plus la différence entre information et intoxication. La pratique perdure malgré les dénonciations de certains acteurs politiques et de la société civile.

Entre les diplomates et les populations, voire les députés à l’Assemblée Nationale, qui a plus besoin d’informations sur les actions gouvernementales ? Dans quel pays un gouvernement sérieux rend compte de ses actions directement aux diplomates étrangers ? Dans quel pays un gouvernement responsable fête ses 100 jours avec le corps diplomatique ? Autant de questions qu’on est en droit de se poser au regard de l’opacité qui entoure l’action gouvernementale et surtout de cette démarche de l’exécutif.

C’est vrai que les diplomates jouent un grand rôle dans le développement de notre pays à travers leur accompagnement de qualité, leur soutien à de nombreux projets ou programmes de développement. Mais le Chef de l’Etat n’aurait pas dû envoyer ses ministres leur faire le point de ses actions. C’est comme si, en France, François Hollande envoie ses ministres expliquer ce qu’il fait aux diplomates accrédités dans son pays. C’est inconcevable.

Le Président de la République, dans tous les pays au monde, a des occasions d’échanger avec les diplomates et peut les saisir pour parler un peu de ce qu’il fait, sur des sujets précis.

Encore que les diplomates n’ont pas besoin d’une telle rencontre avant de savoir ce qui se passe dans le pays. Puisque ce sont eux qui financent certains projets de développement ou réformes. Donc ils sont bien placés pour évaluer la gouvernance du pays. C’est donc une grosse erreur que le gouvernement a eu à commettre en faisant cet exercice. Le Chef de l’Etat a de compte à rendre au peuple qui l’a élu. Il a également des occasions de le faire devant les députés.

De toutes les façons, cette démarche ne doit pas surprendre : le gouvernement veut montrer qu’il a pris le pays dans un «état comateux» et qu’il fait des «efforts» pour «colmater les brèches». Les diplomates ne sont pas dupes.



Bilan catastrophique des 100 jours de Talon



Que laissera dans l’histoire celui qui nous sert actuellement de président ? Pas grand-chose de positif, après trois mois de gouvernance ! Le bilan des 100 jours du gouvernement Patrice Talon est catastrophique, car il accumule les échecs sur tous les plans : celui du chômage, de la créations d'emploi, de l’économie, de la santé, de l’éducation, de l’autonomisation des femmes, des grands travaux, de l’énergie, de la sécurité, de la promotion de l’excellence, de la justice… Sur plusieurs indicateurs clés, les résultats du chef de l'État au bout de trois mois de présidence sont désastreux. Ce n’est pas les échanges avec les ambassadeurs accrédités au Bénin qui changeraient la donne. Il lui faut se mettre au travail pour inverser la tendance, notamment relever le niveau des recettes totales des régies financières (au titre du mois de juin 2016, le Bénin a perdu 15 milliards de F Cfa, selon le Tableau de Bord de l’économie nationale).

Au lieu de faire preuve d’humilité, d’assumer leur échec et de trouver de vraies solutions pour combler les attentes des Béninois, les autorités de la «rupture» font preuve de mauvaise foi et multiplient les erreurs, les unes après les autres. Et il ne peut en être autrement puisqu’elles naviguent à vue, sans programme d’action.

En effet, le gouvernement ne semble pas savoir dans quelle direction avancer. Plusieurs dossiers font du surplace. L’improvisation et la déroute de ce gouvernement se font également sentir dans des dossiers sensibles. Le rétropédalage est récursif. D'où l'impression de totale improvisation, parfois de panique, que donne aujourd'hui l'action du gouvernement, sans priorité et sans vision. Il semble découvrir les problèmes seulement quand ils se présentent concrètement à lui. Le problème n'est pas tant que le gouvernement Talon ne dise pas ce qu'il fait. Le problème est surtout qu'il ne dise pas où il va, et par quelle route. Probablement parce qu'il n’a pas encore tout finalisé («nous mettons en place les équipes et les personnes pour ce nouveau départ. On a des plans d’action secteur par secteur», expliquait Talon à «Le Monde Afrique» sans plus de détails.

Plusieurs ministères sont aujourd’hui paralysés. Dans l’administration publique, des travailleurs commencent par hausser le ton pour dénoncer le laxisme du gouvernement qui paraît «impuissant» et «incapable» d’apporter des solutions aux difficultés subies au quotidien par la population. De plus en plus, ils dénoncent ses actions sans «cohérence» et sans «solidarité» entreprises au niveau des ministères, sociétés et offices d’Etat.

Sur le plan social, «c’est la catastrophe même», constate Paul Essè Iko, Secrétaire Général de la Cstb. On assiste à la suppression des emplois, notamment des jeunes. Et à Dieudonné Lokossou, Secrétaire Général de la Csa-Bénin de renchérir : «J’ai comme l’impression qu’on nous méprise, nous acteurs sociaux et c’est sur les ondes que nous allons apprendre certaines déclarations tapageuses. Dire que notre pays est un désert de compétences ! Çà c’est une injure à la classe intellectuelle de notre pays. De même, lorsqu’on procède à des nominations à caution qui donnent lieu à des réactions négatives parce que les gens trainent des casseroles, ça fait frémir».

Le volet social est donc ignoré. Les travailleurs ne savent plus à quel saint se vouer pour préserver les acquis obtenus sous l’ancien régime, le président de la République étant déterminé à «réduire le nombre de fonctionnaires» dans l’administration publique.

Sur la sécurité : Un laxisme sans précédent nous conduit immanquablement aux tristes résultats que l’on ne peut que déplorer. Les Béninois et leurs biens ne sont plus en sécurité. Face à la démission du gouvernement, les populations ont recours à la vindicte populaire pour se défendre. Les droits de l’homme sont ainsi méprisés. La solution trouvée par le gouvernement pour identifier les gangsters, à travers l’enregistrement des SIM et consorts, n’est qu’un prétexte fallacieux pour contrôler totalement les réseaux sociaux et mettre certains citoyens sur écoute.

Sur le plan de la promotion de l’excellence, c’est la grosse déception. Les promesses électorales n’engagement réellement que ceux qui y croient. L’homme qu’il faut n’est pas mis à la place qu’il faut. Le clientélisme est érigé en système de gouvernance. Des personnes ayant des démêlés avec la justice ou qui ont été déjà condamnées par la justice sont promues.

S’agissant du secteur de la justice, ses décisions sont bafouées. Depuis le 06 avril 2016, au moins trois importantes décisions de justice sont ignorées par l’exécutif : Affaires FBF et Eglise méthodiste.

Mais l’économie est sans doute le plus grand fiasco du gouvernement. Une courbe du chômage qui monte d’un cran, un secteur privé en pleine déconfiture, le renforcement du monopole dans la filière coton et dans d’autres secteurs au profit d’une seule personne… «On fait tout pour montrer que le régime passé a tout détruit, a laissé le pays dans un état comateux, quitte à se contredire. Si vous prenez par exemple le problème de la dette intérieure, le Président, à son élection, alors que rien ne l’y obligeait, à dire que la dette intérieure était de 300 milliards. Le ministre d’Etat chargé des finances Komi Koutché de l’époque, a dit que la dette intérieure était de 161 milliards. Le ministre d’Etat, Secrétaire général à la Présidence de la République, a dit que la dette intérieure est de 160 milliards, mais le ministre des Finances vient de soutenir que la dette intérieure est de 1200 milliards. Quand les choses se passent ainsi, le peuple ne peut pas être rassuré, surtout que le Président a dit que le payement de la dette sera sa priorité. Si elle est de 160 milliards et qu’on sort des caisses 1200 milliards, je ne sais pas à qui ira la différence. Et on peut être inquiet dans la mesure où l’économie qui se fait dans les conditions que j’ai décrites tout à l’heure pour l’instant s’investit dans des domaines que l’on peut considérer de l’homme d’affaires Patrice Talon», fait observer Eugène Azatassou, Coordonnateur National des FCBE.

C’est dire qu’en trois mois, le gouvernement n’a pas bougé. Ses défenseurs citent, comme acquis, l’annulation des concours, la désignation des chefs-lieux de départements, la nomination de nouveaux préfets, la suppression de décrets et d’institutions rattachées à la Présidence… Mais ils oublient de dire à la face du monde que depuis le 06 avril 2016, aucune mesure touchant directement la vie des Béninois n’a été prise. Tous les actes posés qui ont une incidence financière sont liés au coton, la filière du Chef de l’Etat qui détient le monopole sur tout. Plusieurs dizaines de milliards de F Cfa sont déjà décaissés au trésor public. «La rapidité avec laquelle il a remis en selle les structures victimes de sa brouille avec Boni Yayi entretient la suspicion : levée des réquisitions sur six usines de la Sodeco (dont il était l’actionnaire majoritaire) et remboursement des 12 milliards de F CFA (environ 18,3 millions d’euros) d’indemnités dues par la société d’État Sonapra; retour de l’Association interprofessionnelle du coton (AIC, qui fut dirigée par Mathieu Adjovi); relance de l’activité du port sec d’Allada (géré par la société Atral d’Eustache Kotingan); retour programmé de Bénin Control, société chargée dès 2011 de vérifier les importations et exportations au Port autonome de Cotonou (Patrice Talon en était l’actionnaire majoritaire avec Olivier Boko; il lui a cédé l’intégralité de ses parts)», rappelle le Magazine «Jeune Afrique», qui poursuit : «Le chef de l’État assume : «Fallait-il laisser la filière coton dans cet état de déconfiture ? Empêcher les privés, qui savent mieux faire que l’État, de reprendre leur place simplement par pudeur ? J’ai hâte de réparer ce qui est réparable, et je le fais avec bonne foi.» Effectivement, il le fait avec «bonne foi». Ce qui a conduit à d’autres décaissements au niveau du trésor public, dont 19,5 milliards de F Cfa «au profit des producteurs», sans aucun détail. D’autres décaissements auraient été faits au profit du coton, dans la totale opacité, société civile et classe politique muettes.

Après trois mois de gouvernance, on constate aisément que seules les réformes politiques et institutionnelles préoccupent le chef de l’Etat et son gouvernement. On comprend pourquoi des dizaines de millions ont été distribués aux membres de la Commission Djogbénou.

Patrice Talon est-il encore en capacité de retrouver la confiance des Béninois ? Rien n'est moins sûr, tant son bilan à mi-parcours donne un tableau d'une noirceur sans pareil. Une avalanche de chiffres inquiétants dans une mer d’intoxication, de désinformation et de manipulation de l’opinion publique nationale et internationale.

Etienne AVONON
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