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Bénin : hommage au président Zinsou, par son neveu
Publié le samedi 30 juillet 2016  |  Autre presse
Le
© AFP par Charles Placide Tossou
Le Premier ministre Lionel Zinsou du Bénin
Lundi 22 juin 2015.




Emile-Derlin Zinsou s’est éteint le 28 juillet chez lui à Cotonou, capitale économique du Bénin, à l’âge de 98 ans. Président du Dahomey (nom de la République du Bénin jusqu’en 1974) en 1968 et en 1969, il a eu une longue vie politique, qui, en trois quarts de siècle, l’avait conduit des combats presque désespérés pour l’indépendance politique et économique à l’apparition d’un pays stable, démocratique et en forte croissance. Que de chemin pour cette génération d’Africains, même si celui qu’il reste à parcourir mobilisait encore son enthousiasme pour la politique, à presque 100 ans.

Les années de formation avaient décidé de ses valeurs et de ses principes : il devait à son père, directeur d’école et grand lettré, la rigueur, l’intégrité, le respect passionné de l’éducation et du mérite intellectuel ainsi qu’un charisme exceptionnel tiré d’un véritable empire sur la rhétorique et la perfection de la langue – ou plutôt de toutes les langues, car il s’adressait, comme médecin, à chaque patient, et comme élu, à chaque électeur dahoméen, dans sa langue, ses traditions, ses proverbes…
Panafricain

Médecin, il l’était profondément – et jusqu’à ces dernières semaines. Major de sa promotion de l’école William-Ponty de Gorée, creuset des élites d’Afrique-Occidentale française (AOF), il marchait dans les pas d’un autre médecin africain, major lui aussi, à la fois rival et ami de toujours : Félix Houphouët-Boigny. Le réseau des hommes d’Etat qui firent l’indépendance s’était construit là, dans la fin de l’entre-deux-guerres : Sékou Touré [président de la Guinée de 1958 à 1984] ou Modibo Keita [président du Mali de 1960 à 1968] faisaient partie de la fratrie.
C’était un temps de débats passionnés, ouvert par la conférence de Brazzaville de février 1944, où le discours du général de Gaulle avait ouvert la voie à l’autodétermination des colonies. Emile-Derlin Zinsou avait pris, avec son plus fidèle compagnon politique, Léopold Sédar Senghor, la voie d’un parti fédéraliste, le Parti du regroupement africain (PRA), contre celle d’Houphouët-Boigny et de Sékou Touré, celle des indépendances individuelles prônées avec un grand succès par le Rassemblement démocratique africain (RDA).
« La politique dahoméenne étant ce qu’elle était, elle était tout l’inverse de ce qu’il était »
Cinquante ans plus tard, il voyait encore dans les progrès désormais rapides de l’intégration africaine la preuve que son panafricanisme aurait toujours raison contre la balkanisation du continent. Lui, le panafricain, père fondateur d’Air Afrique et de l’Organisation de l’unité africaine [devenue l’Union africaine en 2002]. Son aura africaine l’appelait encore, comme nonagénaire, à conseiller, à rapprocher et souvent à réconcilier les hommes de pouvoir des pays qui lui étaient si chers, du Sénégal au Congo, de la Côte d’Ivoire au Cameroun. Il irradiait d’amitié et de sagesse et cela débordait de l’Afrique subsaharienne, d’Abdelaziz Bouteflika à Golda Meir, de Paul VI à Georges Pompidou… Jacques Chirac avait convaincu Emile-Derlin Zinsou de l’accompagner près de quinze ans comme vice-président de la francophonie.
Il était pourtant un homme politique paradoxal : détaché des honneurs, de l’argent et des vanités du pouvoir, profondément chrétien, souffrant les coups bas sans les rendre, pardonnant les pires offenses, médecin des corps et des âmes, patriote rigoureux, étranger aux compromis opportunistes… La politique dahoméenne étant ce qu’elle était, elle était tout l’inverse de ce qu’il était. Mais cela stimulait son ardeur à lutter pour une idée très haute de son pays, ce Quartier latin de l’Afrique qu’il incarnait si bien : hétérogène à la classe politique que sa rigueur terrifiait, il était tout à fait homogène avec le pays réel.
Il fut élu très tôt, dès 1946, à l’Assemblée de l’Union française, dont il devint vice-président. Logé comme tel au château de Versailles, il s’amusait du sursaut d’incrédulité que cette adresse provoquait à chaque contrôle d’identité. On vivait encore dans les humiliations de la colonisation et du code de l’indigénat. Benjamin du Sénat en 1954, il devint ministre des finances également très jeune, dès 1958, sous la loi Defferre d’autonomie interne. Ambassadeur à Paris en 1960, administrateur et confident du général de Gaulle, puis président de la Cour suprême, il s’est imposé à l’attention de toute l’Afrique comme diplomate, cinq ans ministre des affaires étrangères.
Ennemi public d’une révolution communiste

Chef d’Etat à partir de juillet 1968, dans les temps troublés de la guerre du Biafra et d’une crise économique structurelle du Dahomey, il avait été un président d’austérité, d’efforts et de redressement. Il lui était resté une réputation de courage et d’inflexibilité qui mélangeait, encore aujourd’hui, dans l’opinion, les ingrédients de l’effroi avec ceux de l’admiration.
« Il était redevenu, en 1991, l’ami et le confident du général Mathieu Kérékou, qui l’avait par deux fois condamné à mort en quinze ans de révolution »
Renversé le 10 décembre 1969 par des commandos parachutistes, il avait dû la vie sauve à la division de l’armée. Il avait été autorisé à se présenter à l’élection de 1970, mais celle-ci avait dû être interrompue pour qu’il ne la gagnât pas. Il avait alors commencé une nouvelle carrière d’opposant, de résistant, de persécuté et de proscrit. Pour ses partisans, pour sa famille et pour lui-même, ce furent vingt ans d’années-courage : dur métier que celui d’ennemi public d’une révolution communiste en temps de guerre froide. Il était un soldat de la démocratie et de la liberté, avec quelques blessures, quelques décorations.
Autre paradoxe, il était redevenu, en 1991, l’ami et le confident du général Mathieu Kérékou, qui l’avait par deux fois condamné à mort en quinze ans de révolution. Il est vrai que beaucoup de Béninois les croyaient séparés par une tentative de coup d’Etat en février 1977. La vérité, dont ils refusaient de parler jusqu’à leur trépas, c’est que, pour les organisateurs de ce putsch, il fallait deux morts au soir de leur succès : Zinsou et Kérékou. Les deux survécurent et s’honorèrent de leur amitié dont ils s’accompagnèrent jusqu’à la mort qui ne les aura séparés que neuf mois.
Il part entouré de l’affection d’une grande famille et d’un grand peuple, dernier témoin d’un siècle de la métamorphose d’une Afrique qu’il avait toujours vue en continent de l’avenir.
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