Le député Valentin Agossou Djènontin, élu sur la liste Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) dans la 6ème circonscription électorale et ancien Ministre du gouvernement de l’ancien président de la République, Boni Yayi, était le jeudi dernier sur Radio Hémicycle émettant depuis le Palais des gouverneurs à Porto-Novo pour un entretien. Au cours de son intervention, l’élu de la Nation, s’est largement prononcé sur la question de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Les attaques tous azimuts contre le régime défunt et son appréciation de la gouvernance actuelle sous le président Patrice Talon n’ont pas été occultées au cours de l’entretien.
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Vous n’êtes pas sans savoir que le Parlement sera bientôt saisi par le président de la République au sujet de son initiative de révision de la Constitution avec l’innovation cette fois-ci, de la consultation du peuple. En tant que député, comment vous vous préparez à accueillir l’examen d’un dossier de cette envergure ?
Effectivement, depuis la campagne et depuis même l’investiture du nouveau chef de l’Etat, la question de la révision de la Constitution est assez agitée. J’ai remarqué comme tout béninois d’ailleurs qu’il a mis en place une commission qui a étudié la question et qui s’est penchée sur certains aspects de la révision de la Constitution. C’est vrai qu’au niveau du parlement, nous n’avons pas encore reçu ce projet de révision. Mais à travers ce que nous entendons et autre, nous-mêmes, nous avons commencé par nous apprêter pour aborder ce sujet capital pour notre Nation, parce que la Constitution, c’est notre loi fondamentale. Vous savez que par le passé, des initiatives ont été prises de la part du président Boni Yayi pour réviser la Constitution, pas peut-être sur les mêmes aspects. Cette fois-ci, le président en exercice, le président Talon a décidé également de réviser la Constitution. Pour ma part, ce que je sais, pour tout ce que je lis et pour ce que je vois, parce que je n’ai pas encore le projet en tant que tel. Mais les points sur lesquels il se penche, c’est des sujets qui feront débat d’abord en notre sein. En ce qui me concerne personnellement, les semaines à venir ou d’ici une semaine, je pense réunir au niveau de ma circonscription les élus communaux, les élus locaux, et également les cadres et personnalités de la 6ème circonscription électorale qui regroupe les communes d’Abomey-Calavi, de Sô-Ava et de Zê. Nous allons échanger toute une journée sur ces sujets et vers les 16 et 17, il y aura une grande réunion de restitution. Et là, j’aurai l’opinion de ma circonscription sur le sujet. Mais personnellement, il y a des sujets qui me préoccupent beaucoup plus de par la pratique que nous avons connue de notre Constitution.
Quels sont ces sujets ?
Vous vous rappelez l’année où le président Kérékou était arrivée au second tour avec le président Adrien Houngbédji et après avec Amoussou Bruno. Voilà par exemple dans notre Constitution des sujets qui ne sont pas prévus.
C’est-à dire le réglage des délais du second tour par rapport aux résultats du premier tour
Par rapport même aux questions de désistement. On devrait dire par exemple s’il doit avoir désistement, voilà le délai au bout duquel on ne peut plus le faire. Ce qui peut faire qu’on bascule dans l’impasse. Voilà les sujets qui sont assez préoccupants. Aujourd’hui, les sujets dont parle le président Talon sont peut-être des sujets qui lui sont importants, mais à mon avis, ce n’est vraiment pas de ça qu’on a besoin aujourd’hui.
En dehors du délai de désistement qui vous préoccupe, intéressons-nous à la démarche. Est-ce-que aujourd’hui, quelque chose a changé dans la mise en route de la révision de notre loi fondamentale par rapport au régime auquel vous avez appartenu et qui n’a pas manqué de s’intéresser également à la révision ?
C’est deux approches différentes. En son temps, le président Boni Yayi a mis en place un comité, un comité que je pourrais qualifier de technique. C’était de hauts juristes qu’il a commis par deux fois d’ailleurs et qui ont eu à se pencher sur la question. Les questions qui lui tenaient à cœur, c’était des questions relatives à l’imprescriptibilité des crimes économiques. C’était donc des questions de transformation de la Chambre des comptes en Cour des comptes. En ce qui concerne la méthodologie, ce que j’ai constaté, c’est que le président Talon a réuni non seulement des techniciens de droit, mais également des personnalités politiques. Par rapport à l’effectif, c’est son choix. Cet effectif ne pouvait pas permettre de faire un travail de fond. C’est tout comme s’il y avait des idées préconçues et cette commission était juste un faire-valoir. C’était donc juste pour valider des idées qui étaient préconçues et arrêtées par Talon. Pour moi, c’est pratiquement une messe qui ne pouvait pas permettre de faire un travail de fond.
Et pourtant, le rapport a été déposé. Est-ce à dire que vous n’êtes pas satisfait au sujet du rapport auquel cette commission que vous jugez pléthorique a abouti ?
Non je ne crois pas trop, parce que vous voyez, contrairement à ce qu’on nous a fait croire pour dire que l’unanimité s’est faite autour de tout, ce n’est pas vrai parce qu’il y a eu des divisions, il n’y a pas eu l’unanimité sur tous les points de vue.
Qu’est-ce qui vous le fait dire ?
Nous avons eu des gens qui ont travaillé dans cette commission. Nous avons eu deux membres, il y a le coordonnateur général des Fcbe Eugène Azatassou, l’ancien ministre de la défense Théophile Yarou. Donc au fur et à mesure, ils nous rendaient compte de tout ce qui se passait. Les points sur lesquels ils n’arrivent pas à s’entendre. Aujourd’hui, la question du mandat unique. C’est clair et net qu’au niveau des Fcbe, nous on n’est pas d’accord. Finalement, il y a des sujets qu’on laisse le soin au président de trancher. Si c’étaient des techniciens, ils doivent faire des propositions claires et nettes au président de la République au lieu de lui retourner encore la balle alors qu’on connait déjà son avis sur la question.
Est-ce que vous avez donné des orientations à vos représentants dans le sens d’avoir des positions tranchées sur les différentes propositions de réformes ?
Oui ! Par exemple, le sujet de mandat unique. Pour nous c’est non et ça, ils l’ont dit. Comme ils ne sont pas les seuls membres de la commission, ils ont donné leur avis qui n’a pas prospéré. Dieu merci, la question n’a pas été tranchée. Autre aspect de la méthodologie qui me parait un peu extraordinaire, c’est cette volonté du président de vouloir consulter d’abord par référendum le peuple avant d’envoyer le dossier à l’Assemblée Nationale. Souvenez-vous que le président Boni Yayi avait envoyé une fois le projet de révision à l’Assemblée Nationale avant de le retirer après. Ça me parait vraiment bizarre lorsque je parcours la loi fondamentale de notre pays, c’est vrai que le président de la République peut prendre l’initiative du référendum, mais l’article 58 de la Constitution dit bien : « le président de la république après consultation du président de l’Assemblée Nationale et du président de la Cour constitutionnelle, peut prendre l’initiative du référendum sur toute question relative à la promotion et au renforcement des droits de l’homme, à l’intégration sous régionale ou régionale , à l’organisation des pouvoirs publics.
Pour vous, à la lecture de cet article, le chef de l’Etat est-il en droit de prendre l’initiative d’un référendum ?
Il peut prendre l’initiative d’un référendum, mais ceci n’a pas de rapport avec la Constitution.
Il n’a pas dit ça. Il a dit qu’il va soumettre des pistes de réformes à l’appréciation du peuple. Il n’a pas dit que c’est le projet de révision qui sera soumis directement
Ce que moi j’ai compris, c’est le projet de révision de la Constitution qu’il veut soumettre d’abord au référendum. Mais nécessairement, c’est des questions qui ont rapport à la révision de la Constitution. C’est ça le problème ! C’est vrai qu’on peut me rétorquer que oui, l’article que j’ai cité a parlé par exemple de l’organisation des pouvoirs publics. Mais la révision ne parle pas que de l’organisation des pouvoirs publics. Alors, j’attends de voir, sinon, l’idéal aurait été que l’on envoie directement le projet de révision à l’Assemblée Nationale.
En quoi consiste cet idéal ?
Les textes qui régissent fondamentalement la révision de la Constitution, c’est les articles 154 à 156. On peut même déjà aller à l’article 154 qui dit « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République après décision prise en conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée Nationale. Pour être pris en considération, le projet, lorsque cela vient du président de la République ou la proposition lorsque cela émane des députés, doit être voté à la majorité des ¾, et lorsque vous prenez la Constitution, le titre 11 est même intitulé De la révision. Donc, c’est des articles qui sont spécifiques à la révision de la constitution.
Le fait de lier une initiative référendaire à un projet de révision vous pose-t-il problème ?
C’est cette démarche qui pose problème, parce que nous sommes dans un processus de révision de la Constitution, et il y a des articles qui sont consacrés à la révision de la Constitution. C’est vrai que même dans les articles qui ont rapport à la révision de la Constitution, vous allez voir le référendum. Donc on dit, pour être pris en considération, l’objet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des ¾ des membres composant l’Assemblée Nationale. Article 155 « la révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum. Sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des 4/5 des membres composant l’Assemblée Nationale ». Donc c’est clair qu’on peut avoir recours au référendum. Mais il aurait fallu d’abord passer par l’Assemblée Nationale. Encore faudrait-il que le principe de l’acceptation émane de l’Assemblée Nationale.
Vous voulez dire que le fait de soumettre de aspects des réformes envisageables dans le cadre de la révision au peuple porte entorse à cette disposition de la Constitution ?
L’article auquel le président peut se référer pour le faire, c’est l’article 155. Et comme je vous l’ai dit tout à l’heure, l’article 58 donne l’initiative du référendum au président de la République, mais sur des sujets précis, la promotion des droits de l’homme, l’organisation des pouvoirs publics. Mais personnellement, je ne crois pas que ce soit la meilleure méthode. Pourquoi ? D’une manière ou d’une autre, tout le texte de révision doit retourner (…) c’est tout comme si on risque de faire deux fois le référendum. C’est des coûts énormes ! Pourquoi demander l’avis de la population sur certains aspects avant d’envoyer le projet à l’Assemblée Nationale. Donc, si ça vient à l’Assemblée Nationale lorsque la majorité qualifiée n’est pas requise, on doit retourner alors pour faire le référendum. Alors pourquoi gaspiller de l’argent, au lieu de se conformer strictement au titre 11 qui traite de la révision de la Constitution ? De deux, j’ai suivi le président lors de son émission à bâtons rompus. Ce qui se dégageait, c’est comme si le président veut faire un passage en force.
Expliquez-nous
Je l’ai bien entendu quand les journalistes lui posaient la question de savoir ce qu’il allait faire si son souhait ne passait pas sur la question du mandat unique. Le président a dit, je vais me donner tous les moyens pour le faire. Qu’est-ce qu’il met dans tous les moyens ? Je ne sais pas ! Par rapport au référendum, vraiment, je suis dubitatif, je ne sais pas ce qu’on met dedans. Est-ce à dire que c’est ce qu’il pense-là qui va passer forcément, quelle que soit la position du peuple ?
Puisque l’organisation de la gouvernance publique obéit à un certain nombre de principes de droit, s’il respecte le droit, que pourriez-vous lui reprocher ?
Je ne lui reproche rien. Mais j’ai l’impression que ça cache quelque chose. Aujourd’hui, la Constitution, notre droit positif donne la latitude au président de faire un seul mandat s’il le désire. Le président Patrice Talon dit qu’il veut faire un seul mandat, encore qu’il peut faire un second mandat si le peuple lui confère cette faveur. Aux Etats Unis, le président de la République peut faire autant de mandats qu’il veut. Mais par tradition, le président des Etats Unis fait un seul mandat renouvelable une fois.
L’initiative de réviser la Constitution a été prise par le régime auquel vous avez appartenu. Est-ce que dans sa nouvelle version, vous avez perçu des chances que la révision de la Constitution aboutisse enfin ?
Tout le peuple béninois a toujours souhaité qu’il y ait une révision de la Constitution. Donc a priori, l’aboutissement de la révision de la Constitution ne pose pour moi aucun problème. Vous savez, moi je suis un élu Fcbe. Nous avons une organisation en notre sein et c’est sûr que le débat va se faire. Le débat va se faire au sein des députés Fcbe.
Constituez-vous une majorité de blocage comme d’aucuns l’affirment ?
Absolument !
Avec 29 députés !
Avec 29 députés. Rien ne peut se décider aujourd’hui à l’Assemblée nationale sans les Fcbe. Il y a une cohésion certaine en notre sein et nous en avons déjà donné la preuve dans un passé très récent.
Donnez-nous des exemples.
Quand il s’agissait d’élire le Deuxième Secrétaire parlementaire en remplacement de l’autre qui a démissionné. C’est du côté où nous sommes allés qui a gagné. Lorsqu’il était aussi question de désigner les représentants du Parlement à la Haute Cour de justice, la volonté des gens était autre. Mais lorsque nous avons décidé d’aller d’un côté, c’est ce côté qui a gagné.
Un côté que partage également le pouvoir
Non ! Justement pour les députés qui ont été désignés pour la Haute Cour de justice, ce n’est pas ceux que voulait le pouvoir. Nous sommes libres dans nos appréciations. Nous sommes libres d’apprécier ce qui est bien non seulement pour le Parlement mais également pour le peuple.
Est-ce cette volonté de rester unis qui a motivé la création de l’intergroupe les Républicains ?
Notre souhait, c’était quoi ? Comme vous le savez, nous avons été au pouvoir. Nous avons exercé le pouvoir d’Etat. Nous avons perdu les élections présidentielles, mais nous tenons coûte que coûte à notre liberté pour que si quelque chose arrive en qui concerne les députés ou notre Nation, nous puissions avoir une position commune.
Même quelque chose qui concerne votre ancien leader charismatique, l’ex président de la République ?
Nous, nous n’avions aucune inquiétude en ce qui concerne l’ancien président de la République Boni Yayi. Il a servi loyalement ce pays pendant 10 ans. Nous avons été à ses côtés et nous avons géré le pouvoir d’Etat avec lui. Aujourd’hui, il y a beaucoup de choses qui se disent à son sujet. En son temps, nous allons aussi nous prononcer parce qu’on ne va pas nous coudre la bouche pour peindre totalement en noir tout ce qui a été fait pendant les 10 ans de Boni Yayi.
Le projet de révision de la Constitutionva finir par atterrir à l’Assemblée nationale. Est-ce que vous êtes disposés à des échanges avec des tendances politiques opposées ?
Evidemment ; nous ne pouvons pas à nous seuls décider de la révision ou non de la Constitution. Il faut forcément qu’on puisse entrer en négociation avec d’autres forces politiques. Mais déjà en notre sein ; c’est-à-dire au sein des Fcbe et alliés, nous entendons organiser des séances pour étudier à fond le contenu du projet qui sera soumis au Parlement. Nous entendons même organiser des séances élargies à nos élus communaux et locaux. Car, quoi qu’on dise, nous constituons la plus grande entité politique dans le pays. Les Fcbe seuls, sans les alliés, comptent 493 élus Conseillers communaux.
Y compris ceux qui ne vous sont pas restés fidèles ?
La fidélité reste à prouver. Mais je me dis que même que si certains étaient partis, nous avons encore un nombre important d’élus communaux. Certains étaient allés dans une illusion et ils sont en train de le regretter en ce moment. Ils sont même pressés de revenir. Etant donné que c’est un travail purement parlementaire, nous allons recueillir les avis de nos militants pour étudier minutieusement le texte qui sera transmis au Parlement. Il y a certaines forces politiques au niveau de l’Assemblée nationale avec qui nous nous entendons bien. Nous sommes aussi prêts à nous entendre avec tout le monde, pourvu qu’on nous propose quelque chose de digeste, quelque chose qui puisse permettre à notre pays de se développer.
Certains estiment que le texte proposé est beaucoup plus axé sur les droits de l’homme et qu’il ne prend pas en compte les réformes économiques attendues. Est-ce que vous avez des idées en matière de développement économique ?
Au niveau de notre Constitution, il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas revenir. Il s’agit par exemple de la laïcité de l’Etat, l’intégrité du territoire et autres. Au sein des députés, il y a des préoccupations. C’est lorsque nous allons faire la mise en commun de nos préoccupations que nous pourrons dégager une position commune. Comme vous pouvez vous en rendre compte, les contextes ont changé parce que notre Constitution date de plus de 2 décennies. Pour nous, il faudrait que l’on cesse de viser un homme en élaborant une Constitution. Au lendemain de la Conférence nationale, c’est la même chose qui s’est passée. On visait d’anciens présidents et des choses été taillées sur mesure. La prochaine Constitution doit être vraiment moderne avec une possibilité d’anticipation sur l’avenir (…) Prenons par exemple le domaine du foncier. Nous n’avons pas des terres à l’infini. Alors que le Code foncier interdit l’acquisition des terres aux étrangers, nous constatons que des milliers d’hectares sont pris de terre par des étrangers. On pouvait aller plus loin en mettant l’interdiction dans la Constitution. Il y a des pays dans lesquels, en tant qu’étranger, vous ne pouvez même pas acheter des terres.
Que dites-vous alors de imprescriptibilité des crimes économiques ?
Je ne suis pas revenu sur ces sujets parce que c’est des sujets qui ont été déjà assez débattus. L’imprescribilité des crimes économiques est par exemple à inscrire dans la Constitution. Il faut transformer la Chambre des comptes en Cour des comptes. Nous appartenons à des organisations régionales et certaines de ces organisations nous font obligation d’avoir une Cour des comptes.
Est-ce que vous avez eu à apprécier ce que d’autres pays en avance sur nous ont pu faire avec leurs Cours des comptes ?
Je voudrais être honnête avec vous. J’avoue que je n’ai pas fait cette enquête. Pour moi, c’est une question de conformité par rapport aux textes régionaux.
Parlons maintenant de la réforme du système partisan. Ça passe par quoi selon vous ?
Là, je crois que c’est une bonne chose que veut faire le président Patrice Talon en soutenant la réforme du système partisan. Le système partisan actuel au Bénin pèche par son inorganisation. Nous avons une kyrielle de partis politiques qui en réalité, n’arrivent pas à s’affirmer. A chaque élection, nous nous rendons compte qu’il y a urgence pour nous d’aller à la réforme du système partisan et du financement des partis politiques. Vous aurez dû constater la manière dont l’argent a circulé pendant les dernières élections législatives et présidentielles. J’ai peur que nous finissions par avoir des élections censitaires. On risque de ne plus élire que ceux qui ont de l’argent. Il va falloir que l’Etat prenne en charge le financement des partis politiques. Donc, je suis en phase avec le président Patrice Talon sur ce sujet. Il faudrait aussi qu’on aille à la fusion des partis politiques.
Vu le bilan des gouvernements défunts, quel regard portez-vous sur la gouvernance économique au Bénin ?
Nous avons élaboré entre temps un document magnifique à savoir ‘’Bénin Alafia 2025’’. Il s’agit d’un document dans lequel de grandes orientations de développement ont été inscrites. Je pense que nous devons aller au-delà des intentions voire aller vers une loi d’orientation économique pour le développement de notre Nation sur une certaine période. Ceci permettra une suite dans la gestion du pays. Je donne un exemple très simple. Voilà un régime qui s’en va et ce régime s’est donné la priorité de travailler sur les infrastructures routières. Un certain nombre de voies ont été ciblées après de sérieuses études. Pour les travaux de construction de ces voies, le mode de financement choisi est le Partenariat public-privé (PPP). C’est des innovations qu’on peut retrouver un peu partout en Afrique pour permettre aux privés de venir investir au Bénin en toute assurance.
Pourquoi ne pas avoir pris une loi qui règlemente le partenariat public-privé ? Il y avait en deux initiatives qui n’ont pas prospéré dans ce sens.
Vous savez que j’ai été Garde des sceaux. Le Ppp tient beaucoup à cœur à la Banque mondiale. Le gouvernement défunt était tellement préoccupé par la question pour améliorer le climat des affaires dans notre pays au point où il a fait porter un projet de loi en proposition de loi par des députés. Malheureusement, il y a des gens dans ce pays qui pensaient qu’il faut bloquer le processus sous prétexte que si ça passe, le gouvernement d’alors allait gagner en popularité. Aujourd’hui, Dieu merci, le dossier est revenu au Parlement et si tout va bien, ça va être adopté en plénière.
Justement, nous avons comme l’impression que le gouvernement défunt est sur la sellette. Aujourd’hui encore, on parle des ressources au niveau du Port autonome de Cotonou avec la gestion d’une société dont je préfère taire le nom.
Merci d’avoir abordé ce sujet. Depuis un moment, j’entends des choses inimaginables. Cela ne veut pas dire que ce qu’ils disent est dénué de tout fondement. Il se peut qu’ils détiennent des preuves à leur niveau. A un moment donné, j’ai été Ministre de l’économie maritime de 2012 à 2013. Je connais très bien le sujet de la gestion de la filière des véhicules d’occasion puisque c’est de ça qu’il s’agit. Chaque fois, à la fin du Conseil des Ministres, quand j’entends la lecture qui se fait, je souris.
Pourquoi ?
Je souris parce que celui qui fait souvent la lecture sait très bien de quoi il parle.
Il ne vous convainc donc pas ?
Pas du tout. Je le dis haut et fort. S’il le veut, je vais même faire un débat contradictoire avec lui sur ce sujet-là. Il y a des dossiers pour lesquels c’est lui-même qui a conduit les travaux du Conseil des Ministres. Aujourd’hui, dans une ironie déconcertante, il vient remettre en cause ce qu’il a cautionné, ça me fait rire.
Vous parlez là du Ministre Pascal Irénée Koupaki.
Bien sûr, c’est de lui que je parle. Dans une ironie, il vient faire le One-man-show à la télévision. Ça me dérange parce qu’on ne peut pas avoir participé à une chose qu’on maîtrise correctement et venir aujourd’hui tromper le peuple.
Dites-nous aujourd’hui, près de 20 milliards de Fcfa de la filière véhicules d’occasion appartenant à ce peuple ont-ils été oui ou non délapidés et orientés vers les comptes de campagne ?
Vous savez, la filière des véhicules d’occasion est très réglementée par des arrêtés interministériels qui fixent les redevances et qui disent qui a droit à quoi. Le guichet unique Segub dont on parle est la meilleure réforme pour les recettes au Port autonome de Cotonou du point de vue assainissement des pratiques sur la plateforme portuaire. Même la Banque Mondiale peut vous le certifier.
Le Chef de l’Etat a répondu que c’est au regard de certains indices qu’on parle de mauvaise gestion du guichet unique du Port autonome de Cotonou.
Quels indices ! J’étais bel et bien là quand le Pvi-Ng avait été géré. En son temps, il y avait un centre de formalités qui avait été créé par Bénin Control qui prenait toutes les ressources, même les ressouces publiques. Ensuite, c’est ce centre qui procède à la répartition au niveau des gestionnaires de parcs et au niveau des acteurs portuaires. En ce moment, c’était des milliards de Fcfa qui se volatilisaient. Un privé gardait par devers lui des fonds qui pouvaient servir au développement du pays. Pendant le Pvi, l’économie s’effrondrait.
Beaucoup ne partagent pas ce point de vue que vous avez sur le Pvi.
C’est les chiffres qui parlent. Vous pouvez même interpeller les douaniers. Je me rappelle que j’avais eu à animer l’université de vacances du Parti du renouveau démocratique (Prd) avec le Directeur de Bénin Control à l’époque, en l’occurrence Jean Codo. Quand j’ai sorti les chiffres ce jour-là, il ne pouvait rien dire. Tout ceci est du passé. Mais à mon avis, on est en train d’occuper le peuple à des futilités pour piller le pays. Peut-être aussi qu’ils veulent donner la filière à des militants et ils estiment qu’il faut d’abord salir ceux qui avaient géré le pays.
Apparemment, vous connaissez bien la stratégie.
Ce n’est pas une question de stratégie. Ils sont en train d’endormir le peuple. Nous, on n’endormait pas le peuple. Au moment où j’étais là, tout a été versé au trésor public. Même ce qui devrait me revenir de droit a été versé au trésor public. Je ne peux pas juger de ce qui s’est passé après mon départ. Il y a même des Ministres qui sont aujourd’hui dans le gouvernement du nouveau départ qui en avaient bénéficié massivement.
Propos transcris par Karim Oscar ANONRIN (Source : Radio Hémicycle)