Les réformes souhaitées par le chef de l’Etat devraient toucher, entre autres, aux institutions de contre-pouvoir, au regard des expériences vécues. La proposition relative à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) est celle qui retient notre attention. La commission Djogbénou suggère dans son rapport, le renforcement de la présence des professionnels des média au sein de l’institution. Il est clair que la presse ne constitue pas à elle seule les média. Le champ est plus vaste.
La loi organique n°93-018 du 27 avril 1994, portant amendement de la loi organique n°92-021 du 21 aout 1992 relative à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, précise en son article 16 que « la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) est composée de neuf membres issus de trois différents collèges. Le 1er collège de conseillers est celui désigné par la présidence de la République et composé d’un communicateur, d’un juriste et d’une personnalité de la Société civile. Le 2e collège émane du Bureau de l’Assemblée nationale avec aussi un communicateur, un juriste et une personnalité de la Société civile. Le 3e collège est constitué par trois élus des professionnels de l’audiovisuel et de la communication : un technicien des télécommunications et deux journalistes professionnels dont l’un de l’audiovisuel et l’autre de la presse écrite».
Dans la pratique, ces principes n’ont pas souvent été respectés. En lieu et place de personnalités de la Société civile, des acteurs politiques ont été désignés alors qu’ils étaient bien connus comme des responsables de partis politiques comme l’Union pour la Relève (UPR) et l’Impulsion pour le Progrès et le Développement (IPD). Aussi, les professionnels de l’audiovisuel et de la communication ont-ils élu des techniciens de radio et de télévision en lieu et place de technicien en télécommunications.
Selon le grand Larousse illustré-2015, la télécommunication désigne toute communication à distance. Et là-dessus, il faut différencier la télécommunication à sens unique (radiodiffusion, télévision…) de la télécommunication interactive (téléphonie, internet…), compte tenu de la technologie et du support physique employé (faisceaux hertziens transmis par satellite ou par des antennes-relais terrestres, fil téléphonique, fibre optique, câble coaxial en cuivre, ….). Le technicien en télécommunications apparaît donc plus outillé que le technicien de radio et de télévision.
Mission de la Haac
Les substitutions ainsi opérées, consciemment ou non, ne peuvent alors contribuer à la performance de la Haac. Aujourd’hui, les chaines de télévision étrangères, la téléphonie mobile et les réseaux sociaux via l’internet, ne cessent de soumettre des milliers d’abonnés à tout message et image. C’est là un champ où les actions de la Haac dépendent d’abord de la clairvoyance ou de la technicité de ses conseillers.
Au terme de l’article 142 de la Constitution du 11 décembre 1990, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi. Le groupe de mots ‘’tous les moyens de communication de masse’’, exprime le souci qu’hormis la presse (en ligne, journaux, radio, télévision), l’institution régule l’ensemble des mass-médias : l’affichage, la téléphonie mobile, l’internet (sites web et réseaux sociaux) … Cette diversité du champ d’intervention justifie d’ailleurs la dénomination : Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication.
Sur les chaines nationales de radio et de télévision, de nombreuses productions aux messages et images attentatoires à la pudeur défilent chaque jour. Qu’en dit la Haac ? Des téléfilms ou telenovelas sont porteurs d’images obscènes ou de communications silencieuses, préjudiciables à l’éducation et à la culture locale. Et pourtant, à l’alinéa 4 de l’article 6 de la loi organique N°92-021 du 21 août 1992, l’institution est appelée à veiller à la sauvegarde de l’identité culturelle nationale…. La HAAC a une grande responsabilité dans la construction de l’opinion des citoyens en contact avec des mass-médias. Des télévisions ont aidé des forces de sécurité publique à exhiber, tels des trophées, des corps inertes de présumés malfrats. L’institution de régulation est restée muette devant ces actes de communication ; le feed-back en est la vindicte populaire. Même à propos des publicités audio-visuelles ou des affiches,l’efficacité de la HAAC reste à démontrer.
Les médias ne se limitent pas à la presse
Il est à noter que le travail de l’institution semble plus se cristalliser sur la presse, occultant souvent la communication. D’ailleurs, à l’annonce de la réforme visant le renforcement de la présence des professionnels des média au sein de l’institution de régulation, des associations de la presse ont même déjà ébauché des critères de désignation desdits professionnels. Les média ne se limitent pas à la presse. Les domaines de la téléphonie mobile, de l’internet, des affiches et du cinéma ont de plus en plus besoin de régulation. Et là-dessus, la place desdits acteurs au sein de la Haac devra être restaurée ou prise en compte par la loi.
Aussi, en termes de profil, une clarification du titre de Communicateur s’impose-t-elle pour prévenir les distorsions. La communication est un métier et son spécialiste est le Communicant. La sémiologie de l’image et du message relève de son domaine; il étudie la psychologie des cibles pour chaque message à véhiculer et mesure donc l’influence de chaque médium sur le public. Il est un concepteur de politique de communication, contrairement au titre de communicateur qui, plus globalisant, peut désigner un animateur de séances, tout présentateur ou même un journaliste.
Il faudra voir loin afin de mieux disposer pour l’avenir.
Par Jérôme HOUNGBO, Collaboration extérieure