L’examen de l’accord d’ ISTISNA’A et des services IJARAH à Djeddah le 07 avril avec la banque islamique de développement dans le cadre du financement partiel du projet d’appui au développement de l’enseignement supérieur a donné lieu hier à des débats très houleux dans l’hémicycle. La tendance du rejet de cette demande de ratification était perceptible ais le ministre Odile Atanasso a su management avec le soutien du président du Parlement pour convaincre les députés qui ont donné leur quitus.
Face à cette pression des députés, la Ministre Odile Atanasso, a dû promis aux députés, l’organisation d’un atelier d’échanges avec la représentation nationale ainsi que d’autres acteurs de l’enseignement supérieur ; afin qu’un consensus soit trouvé. Elle a d’ailleurs été soutenue dans cette option par le président de la Commission des finances et des échanges, Raphaël Akotègnon, qui a abondé dans le même sens qu’elle. C’est d’ailleurs cette promesse d’organiser un atelier conjoint avec l’Assemblée nationale qui a permis l’adoption des deux lois qui l’ont amené au Parlement hier. Dans les coulisses, le président du groupe parlementaire Prd Augustin Ahouanvoébla a pesé de tout son poids pour sauver cette demande. La polémique autour de la nouvelle carte universitaire proposée par le gouvernement du président Patrice Talon a défrayé la chronique hier au Parlement au point où le rejet de la demande d’accords prets défendue par le ministre de l’enseignement supérieur a adoptée au Parlement sur le fil du rasoir. Car, la nouvelle carte universitaire a encore fait l’objet d’un débat houleux hier à l’hémicycle au Palais des gouverneurs à Porto-Novo. Dans leurs différentes interventions, les députés, semble t-il, ne sont pas à en démordre avec le gouvernement. Mieux, la plupart d’entre eux exigent le maintien de la carte universitaire héritée du régime défunt. Rappelons qu’il s’agit de la loi portant autorisation de ratification de l’accord de prêt sous forme d’Ijara de la Banque Islamique de Développement (Bid) d’un montant de 6,985 milliards de Fcfa environ relatif au financement du projet de construction de l’Université Polytechnique d’Abomey et de la deuxième phase du projet de construction de l’Université d’Agriculture de Kétou, et de la loi portant autorisation de ratification de l’accord de prêt sous forme d’Istisna’a de la Banque Islamique de développement (Bid) d’un montant de 79,20 milliards Fcfa environ relatif au financement du projet de construction de l’Université Polytechnique d’Abomey et de la deuxième phase du projet de construction de l’Université d’Agriculture de Kétou.
Extraits des propos de quelques députés sur la nouvelle carte universitaire
Député André Okounlola : «…Je ne vous apprends rien en vous disant qu’il fraudrait réserver à l’institution parlementaire, la place qu’il lui faut. Dans une démocratie, l’Assemblée nationale est le centre de la politique. Nous représentons ici les 10 millions de Béninois. Celui qui ne nous respecte pas ne respecte pas le peuple. Le gouvernement n’est pas là en l’air. Le gouvernement est là pour diriger le pays. Je souhaite que madame la Ministre prenne la parole pour s’excuser publiquement de tout ce qu’elle a dit, y compris par ses collaborateurs. On ne peut pas dire que les députés n’ont rien compris (…) Quand on parle de régionalisation des universités, pourquoi c’est aujourd’hui qu’on en parle ? Le gouvernement veut tromper le peuple. Porto-Novo est une ville Capitale du Bénin et on nous parle de l’Université d’agriculture de Porto-Novo. Ça veut dire quoi ? Où est ce qu’on va faire l’expérimentation en agriculture ici à Porto-Novo ? Porto-Novo abrite déjà une université pluridisciplaire. Qu’on la laisse comme ça parce que c’est la Capitale du Bénin. Ce n’est pas le gouvernement actuel qui a trouvé le financement. C’est le gouvernement défunt qui l’a trouvé. En quoi ça vous dérange qu’on parle de l’Université d’agriculture de Kétou ? Est-ce qu’à l’Université d’agriculture de Kétou, il n’y a que des gens de Kétou ?… »
Député Marcellin Ahonoukou : «…Le nombre d’universités créées en si peu de temps nous interpelle. De deux, nous sommes allés à 7 puis nous sommes revenus à 4 universités. Je ne suis pas contre la création des universités. Mais je n’aimerais que le Bénin soit une terre de prolifération d’universités de peu de qualité. A l’allure où vont les choses, nous risquons de nous retrouver face à un fléau parce que cela peut engendrer une situation difficillement gérable. Interpellons notre conscience par rapport à ce dossier. De quel moyen disposons-nous pour créer tant d’universités pendant que déjà dans les facultés, les étudiants s’asseyent à même le sol ? (…) La question préjudicielle évoquée par les collègues ne tient pas parce que les projets ont toujours leur domaine d’intervention… »
Député Abdoulaye Gounou : «…Il n’est de secret pour personne que le développement des villes prend départ à partir du développement des universités et des industries (…) Ce que nous demandons au gouvernement, c’est qu’il accepte de remettre la balle à terre… »
Député Jean-Michel Abimbola : « …Avant tout propos, je voudrais présenter mes excuses pour les dérapages verbaux lors des débats de ce matin, et vous dire que c’est l’illustration de la nature de ce dossier par lequel, Madame le Ministre de l’Enseignement supérieur a instillé le virus de la division dans l’hémicycle. En effet, comment comprendre que le Président AKOTEGNON et moi échangions des propos peu amènes alors que nous sommes des frères et des amis et que certains collègues aient pu proférer des énormités ? Par ce dossier Madame le Ministre de l’Enseignement Supérieur nous oblige à ne pas être d’accord avec le gouvernement et de le dire publiquement alors même que nous soutenons ce régime. Madame le Ministre, je tiens à vous rappeler ici, que nul n’a le monopole de l’intelligence. Vous faites la différence entre le technique et le politique disant que le dossier est technique et ne devrait pas être pris sous un angle politique. Mais Madame le Ministre, sans le politique, moi Jean Michel ABIMBOLA, je n’aurais probablement jamais été Ministre de la République et je suis sûr qu’il en est de même pour vous car s’il y avait eu un appel à candidatures pour choisir le ministre de l’Enseignement Supérieur, je ne suis pas certain que le résultat vous aurait été favorable. Aujourd’hui, il se pose la question de savoir si le présent accord de financement soumis à adoption n’est pas désuet ou vidé de son objectif principal. Qu’il nous souvienne qu’à l’issue du conseil des ministres du 27 juillet 2016, la carte universitaire du Bénin a été restructurée et ne comporte désormais que 4 universités. Deux grandes Universités pluri-thématiques : l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) et l’Université de Parakou et Deux Universités thématiques : L’Université des Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques (USTIM) d’Abomey et L’Université Nationale d’Agriculture (UNA) de Porto-Novo. Cette décision du gouvernement, dans la perspective d’une rationalisation du système universitaire n’a pas encore convaincu par le manque de pertinence et de cohérence en ce qui concerne la fermeture de certaines universités ; notamment l’Université d’Agriculture de Kétou (UAK). Une analyse objective et totalement dépassionnée permet de s’en rendre compte. D’abord, les différents accords de prêts ont été signés sous le régime du nouveau départ le 07 avril 2016. Paradoxalement, l’une des universités devant bénéficier de cet accord de prêt n’existe plus depuis le 27 juillet 2016. La question se pose de savoir s’il est encore opportun de ratifier ces accords de prêts. Il est important que le gouvernement revoie sa décision pour certaines raisons que nous jugeons pertinentes. L’Université d’Agriculture de Kétou (UAK) est la troisième université créée au Bénin. Déjà le 06 décembre 2007, dans le relevé n° 44 du conseil des ministres, le gouvernement de notre pays a décidé de la création d’une université d’agriculture dans le but de promouvoir le secteur agricole dans notre pays. C’est suite à cette décision et à l’issue de plusieurs travaux préalables impliquant tous les acteurs du système universitaire y compris l’Institut de Recherches Agronomiques du Bénin (INRAB) que la commune de Kétou a été choisie pour abriter ladite université. Suite à cette décision, un centre universitaire avait été ouvert à Kétou en 2009. Il a été plus tard transformé en une université par décret n° 2013-140 du 20 mars 2013 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’Université d’Agriculture de Kétou (UAK), pas dans un contexte électoraliste, mais après plusieurs études pertinentes qui tiennent compte des critères objectifs. Ces critères sont entre autres, relatifs à la disponibilité de terres agricoles à Kétou, à sa proximité avec le Nigeria et avec l’université d’Ibadan. D’autres atouts ont également favorisé le choix de Kétou comme troisième université du Bénin. Il s’agit du fait que Kétou est la deuxième commune la plus vaste du sud Bénin après Djidja, avec 49% de la superficie de l’Ouémé/Plateau, 52% du plateau, et le premier grenier à grain du sud Bénin. Or la création des autres universités a été décidée plus tard. Celle d’Abomey en 2014, celle de Lokossa, de Porto-Novo et de Natitingou en 2015 etc… dans un conteste totalement différent. Depuis la création de l’Université d’Agriculture de Kétou (UAK), plusieurs efforts du gouvernement, du conseil communal et de la population ont permis d’ériger plusieurs infrastructures. Les bâtiments devant abriter le rectorat (dont le taux de réalisation physique est de 75%), des centres de documentation, laboratoires, les amphithéâtres pour les cours (situés à Idigny un arrondissement de Kétou avec un taux de réalisation de 60%), les bâtiments pour les agents de l’administration rectorale etc. Aussi, une superficie de mille vingt (1020) hectares a été mise à la disposition de l’université pour les travaux pratiques. Il a été recruté pour le compte de l’université 60 enseignants dont 1 titulaire, 6 maitres assistants et 53 assistants. Malgré tous ces atouts, Kétou ne serait plus retenue dans la nouvelle carte. Initialement, votre projet de restructuration de la carte universitaire du Bénin était de maintenir les deux grandes universités du Bénin à savoir Abomey-Calavi et Parakou. Mais les réclamations de certaines personnes ont fait porter le projet de 2 à 4 universités. Avant la prise de cette décision, la Ministre de l’Enseignement Supérieur n’a jamais été aperçue sur le terrain afin de faire l’état des lieux de réalisation des infrastructures sur le terrain mais a fondé sa décision sur la base de rapports malveillants et des rumeurs. L’université Nationale d’Agriculture de Porto-Novo semble à notre avis une décision dénuée de toute objectivité et de toute étude préalable. Porto-Novo ne semble pas propice pour accueillir une université thématique d’agriculture. Comment comprendre qu’on puisse transférer une université d’agriculture d’une commune rurale vers une commune urbaine ? Il serait alors difficile à Porto-Novo de rendre opérationnelle cette université thématique au regard de ces contingences contrairement à Kétou. En revanche, Porto-Novo étant la capitale du Bénin, a le droit d’avoir et mérite une université pluri-thématique. Si l’on reconnaît que Porto-Novo est la capitale du Bénin, le gouvernement ne saurait donner l’attribut d’Université Nationale d’Agriculture à la ville Capitale alors qu’il ne s’agit simplement que de l’implantation du rectorat de ladite université à Porto-Novo. Ce rectorat se chargera d’assurer la tutelle des centres universitaires et écoles existants y compris celle de l’Alibori (Ecole de Formation Pastorale de Gogounou) et celle de la Donga (Ecole des Sciences Agronomiques de Djougou). Ces choix semblent incohérents car ces deux écoles de l’Alibori et de la Donga pourraient être rattachées à l’Université de Parakou (UP) qui pourrait mieux en assurer la gestion administrative et un meilleur suivi. Contrairement à ce choix, il serait mieux élaboré de reconduire simplement l’ancien format pluri-thématique de l’université de Porto-Novo avec tous ses attributs et concéder à Kétou l’université d’agriculture. Aussi, la carte universitaire des pays de la sous-région renseigne que le Burkina-Faso a 5 universités, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont chacun 6 universités, le Niger en compte 8 et le Mali 10. Seul le Bénin compterait d’après votre projet, un nombre inférieur d’universités dans la sous-région (4 universités). Toutefois, si nous prenons en compte la dernière déclaration de madame le Ministre devant la Représentation Nationale à l’instant, affirmant l’engagement du gouvernement à organiser un atelier au cours duquel, la carte universitaire de notre pays sera arrêtée de façon consensuelle, nous modifions notre consigne de vote et suggérons à la plénière la ratification des présents accords de prêts… »
Tobi P Ahlonsou