La Commission mise en place dans le cadre des réformes envisagées au sein des forces de défense et de sécurité a fini ses travaux. Vendredi 26 août dernier, ses membres ont officiellement remis au président de la République, le contenu de leurs réflexions, propositions et suggestions pour plus d’efficacité dans les tâches dévolues aux Hommes en arme.
Par Josué F. MEHOUENOU
Par décret 2016-335 du 9 juin 2016, le président de la République a décidé de la mise sur pied d’une Commission chargée de proposer des réformes à opérer au sein des forces de sécurité et de défense. 60 jours après, ses membres ont rendu à l’autorité, le fruit de leurs travaux. Lesquels, dira le chef d’état major général des Forces armées béninoises (Cemag), le général de Brigade Awal Bouko Nagnimi tient compte, du contexte géostratégique mondial de plus en plus caractérisé par une instabilité et des incertitudes permanentes. Selon lui, « La criminalité grandissante et le terrorisme régional et international appellent à un état de veille permanent en matière de défense et de sécurité » alors que « l’état des lieux des forces de défense et de sécurité du Bénin a mis en exergue l’inadéquation du format à faire face aux nouvelles menaces ». C’est donc pour pallier ces insuffisances, salue-t-il, que le président de la République a mis sur pied la commission chargée des réformes des forces de sécurité et de défense. Au cours de ses travaux, ladite commission, a rédigé plusieurs avant-projets de texte dont la finalité est d’améliorer le cadre législatif et réglementaire permettant d’aboutir à un outil de défense et de sécurité efficace. Elle a formulé également plusieurs recommandations, annonce le Cemag. Recommandations qui, à en croire le rapporteur de la commission, le directeur général de la Gendarmerie nationale, colonel Antoine Cossi Dansou tient compte du contexte actuel.
Et même si dans la sous-région, les risques de conflit inter-étatique de haute intensité semblent limités, il existe cependant, rappelle-t-il, d’autres types de menaces telles que la prolifération des groupes armés terroristes, la montée de l’intégrisme religieux, l’existence de réseaux criminels transfrontaliers et la piraterie maritime. « Au Bénin, les menaces terroristes, la recrudescence de la grande criminalité urbaine notamment les braquages et vols à main armée entretiennent un climat d’insécurité sur l’ensemble du territoire », indique le rapporteur. Face à cette situation et eu égard au caractère hybride, imprévisible et multisectoriel de ces menaces, il faut comme exigence fondamentale, souligne-t-il, l’adoption d’une posture d’anticipation, de prévention et d’action. Mais celle-ci fait défaut parce que « L’état des lieux des forces de défense et de sécurité a démontré l’inadéquation de l’outil de défense et de sécurité à répondre efficacement » aux désirs du chef suprême des armées d’engager désormais ces forces à relever les défis de la protection des populations.
Que propose la Commission ?
Au sein de la commission, précise le colonel Antoine Cossi Dansou, divers acteurs de la défense et de la sécurité notamment des autorités militaires des différents états-majors des forces et de la Direction nationale de la gendarmerie nationale, des autorités de la direction générale de la Police nationale, des cadres de l’état-major général, les directeurs des organismes interarmées des FAB, le directeur du cabinet militaire et le conseiller technique à la Sécurité du chef de l’Etat, le directeur des services de liaisons et de la documentation, des représentants des ministres en charge de la Défense et de la Sécurité publique... ont travaillé pour élaborer huit avant-projets de textes et formuler des recommandations.
La Commission chargée des réformes des forces de sécurité et de défense avait, entre autres, pour misions de : recenser et évaluer les dispositions nécessaires pour les réformes et l’adaptation des forces de défense et de sécurité aux menaces actuelles, superviser l’élaboration des textes législatifs et réglementaires devant consacrer lesdites réformes, finaliser et présenter à l’autorité les différents avant-projets de textes… Elle a, pour ce faire, adopté le principe de travaux sectoriels en sous-commissions avec des réunions plénières d’étape pour amendement et réorientation. Aussi, a-t-elle recensé les besoins en équipement à court, moyen et long termes des forces, leurs effectifs, ainsi que diverses contributions des attachés de défense et plusieurs personnes ressources.
Primo, elle a proposé un avant-projet de politique de défense. L’inexistence d’un tel texte depuis l’indépendance, restreint le champ d’actions des troupes avec pour conséquence, leur inadéquation aux menaces, note le rapporteur. Cette politique aura donc le mérite d’induire «un développement des capacités permettant aux forces armées de pouvoir accomplir avec efficacité leur mission». Les avantages y relatifs sont : la disponibilité d’une stratégie militaire, de défense et d’équipement des forces, la modernisation de l’outil de défense, l’instauration du Conseil national du renseignement, l’élaboration d’un Code de défense ainsi que l’activation du Conseil national de défense. La commission a aussi proposé un avant-projet de politique nationale de sécurité intérieure pour compléter la politique de défense. A en croire son rapporteur, la seule action des forces de sécurité ne garantit pas une lutte efficace contre l’insécurité. Il faut définir les grandes orientations en matière de sécurité, note-t-il, et ladite politique apparait comme un «document cadre pour la sécurité des personnes et des biens». Un avant-projet de loi portant modification de la loi 2005-43 portant statut général des personnels militaires des forces armées béninoises et un autre avant-projet de décret portant modification de la loi 90-016 du 18 juin 1990 portant création des Forces armées béninoises ont été également suggérés.
Le gouvernement agira promptement
La qualité du travail abattu par la commission a séduit le chef de l’Etat qui, en recevant le rapport des mains du Cemag, a exprimé toute sa satisfaction. «Nous partageons la nécessité d’opérer des réformes au sein de ce corps si important pour notre pays. Le fait que nous soyons tous conscients de cette nécessite mérite satisfaction», souligne le président de la République. Son ambition, ainsi que celle du gouvernement, rappelle-t-il, c’est de faire des forces de sécurité et de défense, un modèle. «Vous avez fait l’état des lieux et on peut noter que vous n’avez pas évolué dans des conditions de confort. Mais malgré cela, vous êtes restés républicains. Le moment est arrivé pour que le mandat actuel permette de faire de vous un véritable modèle et de faire de ce corps, un corps qui donne satisfaction à ses membres parce qu’ils ont du mérite», insiste le président Patrice Talon. Ce challenge, il entend le réussir, rassure-t-il et le gouvernement mettra les moyens nécessaires en place.
S’agissant des propositions, elles seront examinées en lien avec l’intérêt général et les moyens disponibles et seront «réellement mises en œuvre», promet le président Patrice Talon. « Je voudrais vous servir, servir nos forces de défense et de sécurité. J’ai eu tellement de fierté à vous voir défiler le 1er août dernier, parce que j’étais en face de vous. Je vous admire tant, que j’aimerais laisser ma marque après les cinq ans. Avec vous, c’est l’action qui compte ». C’est à travers ces mots que le président de la République a exprimé son admiration aux forces de défense et de sécurité. Le rapport qui lui a été soumis, selon ses mots, va dans le sens de ses attentes, surtout qu’il prévoit des réformes capables de permettre à ce que ces forces « soient capables d’opérer les défis qui s’imposent dans la sous-région et dans le monde» et suggère de réorganiser la structure, le fonctionnement le commandement. «Nos forces de sécurité et de défense démontrent à notre grande fierté depuis des décennies qu’elles sont républicaines et ont montré comment elles sont au service de la nation, de notre choix démocratique et d’alternance politique», se satisfait également le président de la République qui promet tout mettre en œuvre pour les hisser à un niveau nettement amélioré à la situation actuelle?
Les réformes majeures envisagées
Si on s’en tient aux explications de la Commission chargée des réformes des forces de sécurité et de défense, il est indispensable de modifier cette dernière loi, pour permettre aux FAB de « s’aligner sur les armées sœurs de la sous-région». La nouvelle loi prévoit que «toutes les forces sont reconnues comme des armées et le groupement national des sapeurs pompiers prend l’appellation de Brigade nationale des sapeurs pompiers pour mieux correspondre à ses démembrements et à son implantation territoriale». Au niveau de l’avant-projet de décret portant organisation générale des Forces armées béninoises, des organismes interarmées et attributions des autorités militaires relevant de l’état-major général, on peut retenir au niveau des nouveaux formats proposés que les FAB regroupent l’Armée de terre qui inclut la brigade nationale des sapeurs pompiers, l’armée de l’air, la marine nationale qui inclut le groupement des garde-côtes et la Gendarmerie nationale tandis que tous les organes d’administration et de gestion des organismes interarmées deviennent des directions centrales des armées.
Toujours en ce qui concerne la Gendarmerie nationale, elle devra être rattachée au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique avec l’avant-projet consacrant sa mise à la disposition dudit ministère pour emploi. En effet, la «majeure partie de ses tâches relève de la sécurité intérieure. A ce titre, cet avant-projet de décret vise son rattachement au ministère en charge de la Sécurité publique en ce qui concerne les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions de sécurité publique». Cependant elle garde son caractère militaire et la gestion de ses ressources humaines est du ressort du ministre en charge de la Défense nationale. Les travaux de la commission ont aussi pris en compte un avant-projet de décret portant modification du décret portant délimitation des zones de compétence de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale en matière de sécurité publique. Ce qui permettra «de résoudre d’une part, les questions de conflit de compétence territoriale existant entre les unités de gendarmerie et de la police nationales et d’autre part, de réaliser un maillage optimal du territoire national et une meilleure répartition des zones de responsabilité respective ». Pour contrer le déficit criard en matière d’équipement et dans une vision futuriste, la commission a fait des suggestions à travers l’avant- projet de programme pluriannuel d’équipement des forces à l’horizon 2025. Elle a aussi élaboré plusieurs autres textes. Il s’agit du projet de politique nationale de santé militaire, du projet de protection sociale militaire, du projet de politique de gestion des sports en milieu militaire, du projet de politique et stratégie de gestion des ressources matérielles et du projet de politique de gestion des ressources humaines.
Mais elle recommande d’élargir le cadre de réflexion de la politique nationale aux diplomates, aux acteurs de la société civile, d’activer le Conseil supérieur de défense et de le renommer Conseil national de Défense et de Sécurité, de créer un Conseil national de Défense et de Sécurité, de créer un conseil national du renseignement… La commission souhaite par ailleurs la réduction du nombre de marques de véhicule à doter aux forces, la réactivation de la Commission nationale spéciale des marchés de défense et de sécurité, la création des régies financières au sein des composantes, la délégation de certaines lignes budgétaires et l’accord des pouvoirs d’ordonnancement aux directions interarmées, la budgétisation de l’habillement, du campement, du couchage et de l’ameublement, la restauration de la caisse sociale… Autant de propositions qui, de l’avis du colonel Antoine Cossi Dansou permettront de faire des forces de défense et de sécurité, un outil opérationnel capable de relever les nouveaux défis sécuritaires?