L’aspect politique que présentait le Bénin il y a de cela six mois n’est plus forcement le même. Mais à observer de près, il n’est plus question d’apprécier les actions du nouveau régime dans la précipitation comme on l’a observé après les cent premiers jours du gouvernement Talon. Il faut y aller maintenant de façon judicieuse et chercher à comprendre.
Compte tenu de la configuration et le contexte politique du Bénin à la veille des élections, on pouvait à peine se douter qu’il aurait une réelle alternance au sommet de l’État. A l’arrivée, la réalité a été tout autre par la force des choses et un concours de circonstances favorables. Les Béninois, à un moment donné, totalement dépassés, n’avaient plus autre solution que sonner la fin des errements qu’ils observaient et de trouver un moyen pour extirper et condamner le système mis en place par l’ex-banquier international et la clique à sa botte. Il n’en pouvait d’ailleurs être autrement, car les dix années d’errance « Fcbe » se sont soldées par un échec fragrant, avec ce qu’on peut compter comme conséquences négatives. Contre toute attente, l’équipe de la « Rupture » s’est mise aux commandes après les élections. Avouons que la tâche n’était pas aisée. Redresser un pays mis sous coupe réglée des années durant, ne peut être une sinécure. Il a fallu, dans ce contexte, s’attaquer d’abord à l’épineux problème du délestage récurrent qui rendait toute émergence économique en difficulté. C’était une crise énergétique d’autant plus difficile à juguler que les caisses de l’État étaient presque vidées. D’ailleurs, malgré l’accalmie du moment, on attend l’année prochaine pour apprécier l’efficacité du remède appliqué. Après le délestage, c’est le défi sécuritaire qui a été la bête noire du « Nouveau départ ». Patrice Talon et ses hommes ont eu les nerfs éprouvés, mis à vifs par l’agilité des malfrats. Cet épisode, la première véritable épreuve, a failli emporter le gouvernement. Il a donc fallu mener les négociations pour apaiser tensions et frustrations dans les casernes. Certaines nominations abusives et fantaisistes, à but purement populiste, avaient tôt fait d’enrayer la cohésion du groupe, et créer des dissensions. Si sur le plan sécuritaire, un léger doute est toujours permis, on peut espérer avec les derniers développements de l’actualité politique, que le défi sécuritaire soit relevé d’ici 2017. Il reste donc à mener les réformes institutionnelles et politiques suggérées par le candidat, mais surtout à créer les conditions d’un mieux être aux populations, afin de les soustraire à la paupérisation.
Les premiers revers
C’est à cette étape que le gouvernement a essuyé ses premiers revers. La Commission mise en place pour étudier les amendements à intégrer à la Constitution n’est pas parvenue à faire l’unanimité. Les émoluments perçus et la question du mandat unique, ont suscité moult polémiques. Certes, un canevas est tracé pour le chef de l’Etat, mais sur ce plan rien n’est encore gagné. Certainement, la polémique et la levée de boucliers sont dues au déficit de communication et la méthode choisis. Il y a eu beaucoup d’amateurisme et de laisser-aller dans la communication du gouvernement. Il serait, à ce propos, illusoire, vain et malhonnête intellectuellement de s’attaquer à la discrétion du chef de l’Etat, qui contrairement à son prédécesseur, ne goutte guère le culte de la personnalité, ni l’obsession morbide et narcissique d’occuper l’espace médiatique à longueur temps. Le faux procès sur le style de l’homme, ses chaussures hors de prix et ses voitures, est juste une attaque et piège fomentés par les affidés et nostalgiques de l’ancien régime. Un homme d’État ne peut être brouillon, imprévisible, allant jusqu’à faire sa toilette ou maquillage en public devant une auguste assemblée. Si la personnalité de Yayi Boni arrivait à se confondre allègrement à l’État et aux biens publics, on notera, à satisfaction, le détachement dont Patrice Talon fait preuve dans la gestion au quotidien et dans l’usage de la chose publique. Il ne peut d’ailleurs être autrement pour un opérateur économique qui a gravi tout seul les échelons, et a su s’entourer d’économistes chevronnés à l’intégrité reconnus.
Guerre psychologique féroce
Mais, à la gouverne des détracteurs du « Nouveau départ », on peut observer qu’à part le coton qui fait l’objet d’une attention particulaire de la part du chef de l’État, le reste de la mayonnaise peine à prendre. Le Port, maillon important du dispositif économique, n’a pas connu une réelle révolution ni la thérapie de choc attendue et espérée. A cela, s’ajoute la crise pétrolière nigériane, et la baisse de la valeur du Naira, dont les incidences sur l’économie béninoise ne se sont pas fait attendre. Là aussi, le gouvernement est attendu. Les autres secteurs comme l’éducation, la santé, l’agriculture méritent également une attention plus soutenue, et des résultats. Car le gouvernement se sait minutieusement observé par son principal ennemi : le régime défunt. Les sbires et thuriféraires qui ont conduit le pays dans l’impasse, sont malgré tout aux toujours aguets. Ils n’hésitent pas à taper là où cela peut faire mal. Chaque faiblesse du nouveau régime étant honteusement exploitée pour jeter du discrédit sur l’effort qui fait. Cela est dû au virus qui oblige l’ex-leader à toujours vouloir être sous les feux de la rampe, et occuper le devant de la scène. Il veut être partout et se mêler de tout. Les déclarations fracassantes dont lui-seul à le secret, continuent de perturber la classe politique. Ce qui est inconcevable et paradoxal, c’est qu’il a déjà mis en branle cette énergie débridée pendant une décennie. Ce qui s’est soldé par un cuisant échec. Il faut donc, face aux scandales comme le système de rétribution et d’enrichissement sordides érigé à la Segub, brouiller les pistes. Dans sa fourberie habituelle, l’ex-président sait que son successeur respectera tout accord tacite. Par contre, habitué pendant ses années de pouvoir à n’être au courant de rien, Yayi Boni continuera d’user de multiples stratagèmes pour brouiller les pistes et occuper l’attention du gouvernement à des peccadilles et autres balivernes. C’est une guerre psychologue, une lame de fond dont il va user pour créer la confusion.
Par : Odjuola N. OLA