Les conducteurs de taxi-motos se taillent désormais un nouveau profil : celui d’un psychologue auprès de qui les Béninois se soulagent le mieux de leur vécu quotidien. Et l’occasion faisant le larron, la sympathie débouche parfois sur des relations opportunistes et des vices inédits.
Il n’est pas loin d’être un agent secret de la ville de Cotonou. Bernardin D., 33 ans, peintre le jour et conducteur de taxi-moto la nuit, connaîtdu bout des doigts le vécu quotidien des Béninois. Il a l’art de lire les pensées de ses clients, de les amener à lui confesser leurs soucis ou d’avoir leurs opinions sur un sujet qui le tracasse.Parfois sur sa vieille moto, il n’en demande pas pour tout savoir sur ses passagers.Rien que pour cet après-midi du 25 août 2016, il a fait une bonne moisson de faits de société. Pendant plus d’une demi-heure, sur le parc situé le long de la clôture de la Faculté des Sciences de la Santé, il nous raconte sans cesse, des histoires concoctées dans la journée.
« Au moins 8 sur les 12 clients que j’ai pris aujourd’hui sont très soucieux. Ce que mes oreilles entendent me dépasse. Il m’arrive parfois de me demander, si tel passager que je viens de déposer, ne finira pas par commettre des bêtises après,divorcer, démissionner de son travail, voire se suicider », explique-t-il. Des plaintes, Bernadin en entend tellement qu’il se plait désormais dans la précarité qu’il vit. Parce que, justifie-t-il, « quand je prends des fonctionnaires qui me parlent de leurs situations, je n’envie plus leur habillement », ajoute-t-il.
Combler avec l’inconnu le vide qui est en nous
La perte d’un emploi, des problèmes au foyer constituent les sujets de conversation durant le parcours. A l’incompréhensible, qui fit irruption dans la vie des passagers, le conducteur de taxi-moto semble être la solution immédiate. Presque eux tous sont habitués à ce phénomène social qui prend de l’ampleur. C’est à croire que les Béninois n’ont plus à qui se confier pour se soulager de leurs peines.
Dame Augustine F., 26 ans, vient juste d’être dépose devant la poste de Cadjèhoun. Elle prend encore quelques minutes pour discuter avec le Zémidjan. Son humeur cache mal la complicité qu’il a dû avoir entre les deux depuis Godomey, au point d’aboutir à un échange de contacts : « Tous ceux qui sont en maillot jaune ont toujours quelque chose de plus que nous ignorons. Je lui avais posé un problème que j’ai au service, et ayant eu entre temps une expérience de l’administration publique, il a su me prodiguer des conseils ». Cette secrétaire dans une structure de la place est tout a fait rassurée d’avoir trouvé un bon samaritain, qui a su combler le vide qui est en elle.
Les Zémidjans constituent alors l’oreille attentive à qui les clients de se confient. Ils sont suffisamment conscients de cet atout, au point d’enclencher eux-mêmes les discussions pour se forger de nouvelles expériences. « C’est comme si les passagers ont honte de parler de leurs soucis à des proches. Ils profitent du fait qu’ils ne nous reverront plus certainement pour tout nous confier. Et nous, on partage avec eux nos expériences de la vie. L’histoire n’est pas souvent nouvelle pour nous. Nous l’avions déjà entendue d’un autre passager ou lors de nos discussions sur le parc », souligne Bernadin D.