Au nombre des réactions qui ont retenu l’attention après l’opération d’incinération de farine de blé avariée qui a tourné au drame, figurent celles du ministre de l’Intérieur Sacca Lafia et du chef de l’Etat, Patrice Talon. Bien que membre du gouvernement, le patron des flics n’a pas utilisé le même prisme que son chef pour apprécier la situation.
« A ce niveau il y avait des services de sécurité. Mais on ne pouvait pas attendre que tous les feux soient arrêtés avant (que l’équipe ne se retire Ndlr). Quand le camion allait, il y avait un huissier, il y avait également des policiers. Mais à Avamè, on a un nombre limité de policiers. Une demi-douzaine vont aller, vont mettre le feu et dès que c’est les cendres, tout le monde fait dos. Je crois que c’est après ça que les populations se sont ruées dans l’espoir de récupérer les sacs qui n’étaient pas encore brûlés alors qu’il y avait des cendres incandescentes en bas ; ce qui a causé ces dégâts que vous constatez » Ces propos sont ceux du ministre de l’Intérieur après sa visite au chevet des victimes hospitalisées au Cnhu. En effet, situant les responsabilités, Sacca Lafia semble dédouaner toute la chaîne impliquée dans l’opération d’incinération des sacs de farine avariée dans cette localité située dans le département de l’Atlantique, au sud Bénin. Selon lui, toutes les dispositions nécessaires ont été prises. Et à le suivre dans son raisonnement, les flics aussi ont joué leur partition. Conclusion, tout le tort revenait aux habitants d’Avamè. Mais là où le patron des flics se contredit, est qu’il reconnaît au moins que lorsqu’on procède à l’incinération, on devrait attendre que tous les produits soient réduits en cendres. Ce qui n’est visiblement pas le cas ici. S’il y avait réellement les cendres avant que l’équipe déployée pour l’opération ne se retire, qu’iraient chercher les populations dans le trou ? Ce qui veut dire qu’il y a un laxisme un niveau donné de la chaîne. Ce que le ministre en charge de la sécurité n’a pas voulu reconnaître. Tout au contraire, il s’est hâté de protéger les « siens ». Sacca Lafia dans ces genres de frasque langagière, ce n’est pas une première. Ses propos tenus à l’Assemblée nationale sur ce que « chaque Béninois doit assurer sa sécurité » avaient également avaient coulé d’encre et de salive.
Talon, le contre-pied
De retour, lundi, de la Chine où il était quand le drame est survenu, le président de la République n’est pas allé dans le même sens que son ministre qui intervenait deux jours avant. « (..) Ce que j’ai à dire est que les responsables de cet accident n’ont pas fait leur travail selon le minimum de protection requis. Dans n’importe quel pays du monde une telle opération aurait suscité la même tentation et la même ruée d’une certaine population vers les biens en destruction. Ce qui s’est passé était donc bien prévisible et aurait pu être évité. Les personnes en charge de cette aberration devront en répondre aussi bien sur le plan administratif que pénal », a martelé Patrice Talon à sa descente à l’Aéroport international Cardinal Bernardin Gantin. Il est clair que le chef de l’Etat et le ministre en charge de la sécurité des Béninois, ne parlent pas le même langage. Pour le premier, autant la société privée commanditaire de l’opération à une part de responsabilité dans ce qui est arrivé, autant la sécurité a failli. Le chef du gouvernement a semblé répondre à son collaborateur et ministre en lui faisant comprendre que la ruée de la population ne s’observerait pas, du moins, pourrait être contenue s’il y avait « un minimum de protection » ou de dispositions prises pour quadriller ou sécuriser les lieux. Est-il besoin de préciser que déjà, c’est le Directeur général de la Police nationale, Idrissou Moukaila qui, avait pris le contre-pied de la déclaration du ministre. En effet, sur un plateau de télévision au centre du pays, l’officier de police (qui était pourtant de la délégation du Cnhu, juste derrière le ministre) a bien reconnu que quelque part, l’entreprise privée et la sécurité sont coupables. Décidément… Sacca Lafia doit revoir son approche communicationnelle afin de maintenir d’une part la cohésion au sein de l’équipe qu’il manage, et d’autre part se réconcilier avec les populations auprès desquelles il perd de plus en plus de points.
J.B