Le déficit chronique en infrastructures, mobiliers et enseignants constitue un casse-tête pour les responsables en charge de l’éducation dans les départements du Borgou et de l’Alibori souvent à la traîne dans les résultats scolaires de fin d’année. La situation à deux semaines de la rentrée 2016-2017 appelle à des actions d’urgence de la part des autorités de tutelle.
De nouveau, l’école s’éveillera dès le 3 octobre prochain, après trois mois de vacances. La grande difficulté à laquelle se trouvent confrontés les responsables en charge de l’éducation en cette période de prérentrée, est le déficit en infrastructures, mobiliers et enseignants. L’état des lieux en matière d’infrastructures et équipements reste inquiétant dans le Borgou et l’Alibori, surtout avec les dégâts occasionnés par la tornade qui a décoiffé les toits des salles de cours dans les écoles et les collèges dans pratiquement toutes les communes des deux départements. Après les fiches de renseignements envoyés dans les établissements, pour recenser les besoins, responsables d’établissements, enseignants, parents d’élèves et apprenants ont le regard tourné vers les ministères de tutelle. Une cinquantaine d’écoles primaires publiques sont concernées ; les cas de Parakou, Banikoara, Kandi, Gogounou sont les plus préoccupants avec au moins six établissements touchés par les bourrasques violentes dans chaque commune, selon les chiffres du Service Infrastructures, équipements et matériel de la direction départementale de l’Enseignement maternel et primaire du Borgou-Alibori.
Si rien n’est fait dans un bref délai pour la réfection des bâtiments, les activités pédagogiques risquent d’être perturbées davantage dans plusieurs établissements. Déjà, des cours se déroulaient sous des arbres ou dans des salles de classe en matériaux précaires par endroits ; des écoliers s’asseyaient à trois ou à quatre sur des bancs destinés à deux écoliers et des classes étaient jumelées de force dans certaines écoles, faute d’enseignants et de salles de cours. A l’école primaire publique centre de Parakou, en plein cœur de la ville, un déficit d’au moins 20 tables-bancs et d’un enseignant a été signalé au groupe A du complexe scolaire l’année dernière. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Pour ce qui est de l’encadrement, une trentaine d’écoles primaires dans le Borgou-Alibori étaient dirigées par des enseignants qui ne sont pas titulaires du Certificat d’aptitude pédagogique (CAP). A cela, s’ajoute le manque de conseillers pédagogiques qui plombe le contrôle et le suivi des enseignants dont certains brillent par leur inconscience professionnelle notoire à travers l’absentéisme répété, les retards non justifiés aux cours, l’éthylisme, toutes choses qui expliquent la déchéance et les contreperformances scolaires successives de ces dernières années, renseigne le directeur départemental de l’Enseignement maternel et primaire du Borgou-Alibori, Fidèle Barè Worou.
Au secondaire, le hic !
La situation n’est guère reluisante dans les collèges et lycées. Selon les chiffres de la direction départementale de l’Enseignement secondaire du Borgou-Alibori, 89 574 apprenants sont attendus dans le Borgou dès la prochaine rentrée pour quelque 6136 enseignants, en attendant les mutations et des ajustements dans le redéploiement du personnel enseignant. Pire, au nombre de ces enseignants, 90 % sont des vacataires c’est-à-dire des gens sortis directement des universités avec des diplômes académiques et sans aucune formation pédagogique, fait savoir Mohamed Abdoulaye, directeur départemental en charge de l’Enseignement secondaire du Borgou-Alibori. En effet, sur un total de 8 548 enseignants pour les deux départements l’an passé, l’on ne compte que 140 agents permanents de l’Etat, 1 204 agents contractuels de l’Etat contre 7173 vacataires dont de simples bacheliers qui ne jouissent d’aucune formation professionnelle. Le comble, des étudiants sortis des sciences économiques enseignent les mathématiques; des diplômés des sciences juridiques dispensent des cours de français ou de philosophie, etc. Les autorités départementales de l’enseignement n’ayant pas pour prérogatives de former les enseignants, le regard reste tourné vers l’Etat central chargé de les recruter et de les aguerrir pour la mission. Pour combler quelque peu le déficit de formation, la direction départementale a organisé l’année dernière des séances de renforcement de capacités au profit de ces enseignants non qualifiés mais avec un budget incongru déjà absorbé par la mise à disposition de tables-bancs dans les établissements. Par exemple, pour la seule commune de Parakou où il y a avait 34 256 apprenants pour quelque 325 enseignants l’année passé, le besoin en tables-bancs à deux places est de l’ordre de 2131 selon les prévisions.
En fait, les collèges ont été créés anarchiquement par le passé mais le nombre d’enseignants qu’il faut, les infrastructures et les autres mesures d’accompagnement n’ont pas suivi. Pour 2522 groupes pédagogiques (1920 au 1er cycle et 602 au 2nd cycle) notés l’année écoulée dans le Borgou et l’Alibori suivant les statistiques disponibles, le nombre de salles de cours n’était que de 2008, soit un déficit en salles de cours de 514 dont 374 salles de cours manquantes pour le Borgou seul. De plus, au niveau de l’existant, des cas de salles de cours décoiffées sont également signalés pendant ces vacances au CEG Banikanni à Parakou, au CEG Liboussou à Ségbana et dans d’autres localités.
La qualité de l’offre éducative compromise
Avec le déficit chronique de salles de cours et de mobiliers et les effectifs pléthoriques d’apprenants, les censeurs éprouvent d’énormes difficultés à élaborer les emplois du temps et les responsables des lycées et collèges sont obligés de recourir au système des classes volantes au gré des intempéries et des flottements dans les activités pédagogiques. Conséquence, la qualité de l’offre éducative reste compromise et le Borgou et l’Alibori tiennent souvent la lanterne rouge au classement annuel des départements après les résultats des examens de fin d’année.
Par ailleurs, le département du Borgou ne compte que 14 bibliothèques, 25 laboratoires, 509 cabines de latrines et 233 ordinateurs pour 95 collèges au total. L’Alibori ne dispose que de 4 bibliothèques, 14 laboratoires, 239 cabines de latrines et 75 ordinateurs. De même, de nombreux établissements ne disposent d’aucune infrastructure sportive : au moins dix à Pèrèrè, neuf à Tchaourou, sept à Kandi, six à N’dali, cinq à Parakou et à Nikki, quatre à Kalalé et à Banikoara, pour ne citer que ces communes-là.
En somme, la capacité des infrastructures d’accueil et de mobiliers scolaires dans les établissements publics se trouve largement dépassée, en dépit des efforts déployés à travers la construction de nouvelles salles de classe avec l’appui des partenaires techniques et financiers et des mécènes. Il urge de parer au plus pressé pour redorer le blason de l’école béninoise et assurer la formation de la jeunesse, fer de lance du développement.