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Dieudonné Houinsou au sujet de la lutte contre la pauvreté : « L’accès à l’eau et à l’assainissement contribue à l’amélioration des indicateurs»
Publié le mardi 20 septembre 2016  |  Matin libre




Dans le contexte des réformes envisagées par le gouvernement de la Rupture, le Cadre de Concertation des Acteurs Non Etatiques de l’Eau et de l’Assainissement (CANEA) a décidé de conduire un plaidoyer pour la constitutionnalisation des Droits à l’eau et à l’assainissement (DEA). Dans cet entretien, le Secrétaire exécutif du réseau Social Watch,Dieudonné Houinsou revient sur la justification de ce plaidoyer et les avantages liés à la constitutionnalisation des DEA pour les communautés.

Le Cadre de Concertation des Acteurs Non Etatiques de l’Eau et de l’Assainissement (CANEA), auquel le Réseau Social Watch est membre a décidé de faire un plaidoyer pour la constitutionnalisation des Droits à l’Eau et à l’Assainissement (DEA). Qu’est-ce qui justifie un tel plaidoyer ?

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a un quart de siècle que nous nous sommes engagés dans une nouvelle dynamique en nous dotant d’une constitution. Cette dernière a fait du chemin. Nous avons eu de très bons résultats. Mais, il y a des faiblesses qu’il faut corriger.Les chefs d’Etat successifs ont, à maintes reprises,essayé de procéder à sa révision. Mais à chaque fois, le peuple a jugé que cela n’était pas encore le moment. Le gouvernement du Nouveau départ a eu la chance d’être à un moment où tout est fin prêt pour une révision. Nous avons donc eu un quart de siècle avant d’avoir l’opportunité de réviser la constitution. Ce n’est pas un document qu’on touche à tout moment. Nous voulons que cette constitution puisse réfléter les grandes orientations de notre dévoloppement pour les prochaines années. Nous sommes à une période où la communauté internationale envisage d’éradiquer la pauvreté dans les prochaines quinze années. C’est un défi qui est possible. Car, un précédent défi consistant à réduire de moitié la pauvrété a été relevé.

Au Bénin, les quinze dernières années pour réduire la pauvreté de moitié n’ont pas porté tous les fruits escomptés. Mais, nous avons eu des résultats satisfaisants dans le secteur de l’eau. Quant au sous-secteur de l’assainissement de base, rien n’a pratiquement été fait pour convaincre. Le problème de l’hygiène et de l’assainissement demeure encore un casse-tête pour nos politiques. Il n’est pas compréhensible qu’en plein 21ème siècle que des cas de choléra soient enregistrés dans les grandes villes comme Cotonou et Porto-Novo. Ce sont là des situations très graves. Certains pensent que l’eau et l’assainissement vont de soi. Mais ce n’est pas toujours le cas. Puisque, aujourd’hui 25% de la population n’a pas encore accès à l’eau potable et plus de 50% de la population ne disposent pas de systèmes d’assainissement adéquats. Il y a encore 80% de nos populations en milieu rural qui pratiquent la défécation à l’air libre. Tout cela fragilise les efforts dans le sous-secteur. C’est pourquoi nous avons pensé qu’en constitutionnalisant les droits à l’eau et à l’assainissement, le gouvernement sera plus redevable.Nous voulons donc profiter de cette occasion de la révision de la constitution qui s’offre à nous aujourd’hui et qui ne se présente pas tous les jours pour le faire.

Les Droits à l’eau et à l’assainissement (DEA) sont-ils importants pour les populations?

Le droit à l’éducation pour tous est garanti par notre constitution. Mais si vous n’etes pas en bonne santé, vous ne pouvez pas aller à l’ecole. De même, la constitution parle du droit à la libre expression, la liberté d’association, etc. Nous avons donc des droits inférieurs à celui de l’accès à l’eau et à l’assainissement qui sont dans la constitution. Alors pourquoi ne pas constitutionnaliser ce droit à l’eau pour qu’on sache qu’il est capital de garantir l’accès à l’eau potable et aux systèmes d’assainissement et d’hygiène. Cela rend les gouvernements beaucoup plus redevables des investissements à faire dans le secteur de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement.

Est-ce que vous êtes entendus dans le contexte où le régime en place est porté sur les réformes politiques ?

Les réformes politiques sont le sous-bassement des améliorations sociales que nous pourrions avoir. Mais nous n’allons pas seulement nous contenter de cela. Nous voulons aussi avoir des réformes sociales au niveau de notre constitution. Notre première crainte, c’est la banalisation de ce droit à l’eau et à l’assainissement. Certaines personnes disent qu’il est naturellement obligatoire de boire de l’eau et donc que point n’est besoin de procéder à cette constitutionnalisation. C’est un fait qu’il est obligatoire de boire de l’eau. Mais boire de l’eau n’est pas égal à boire de l’eau potable ; avoir accès à l’assainissement ne revient pas à aller dans la brousse ou avoir un caniveau qui passe très loin de son habitation. C’est donc la bannalisation de la chose qui est notre crainte. L’Etat n’est pas contre le droit à l’eau et à l’assainissement et pense que c’est un droit acquis. Mais nous voulons voir cela intégrer de façon explicite dans notre constitution et qu’on puisse le lire comme on lit le droit à l’éducation. Le droit à un environnement sain est trop vague et il n’est plus question aujourd’hui de s’en contenter. Il nous faut des articles ou même un seul clairement consacré au droit à l’eau et à l’assainissement.

Ce n’est pas normal que plus de 80% de la population rurale, même dans les grandes villes comme Cotonou, Porto-Novo et Parakou, n’aient pas accès aux toilettes. Nous mettrons toutes les stratégies en jeu afin que les divers acteurs, notamment le gouvernement, le parlement, la cour constittutionnelle, le conseil économique et social, et les communautés puissent saisir l’importance de la préoccupation et s’en approprier. Déjà en Afrique, une quinzaine de pays ont déjà intégré le droit à l’eau et à l’assainissement dans leur constitution et depuis, les résultats dans le secteur sont assez palpables. Ce qui pourrait leur garantir l’atteinte des objectifs de développement durable dans ce secteur d’ici 2030.

Quelles sont les prochaines étapes de votre plaidoyer ? Est-ce que vous allez mobiliser les citoyens des communes au niveau national ?

La mobilisation des communautés doit se faire en amont. Elles doivent savoir que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement et l’hygiène est un droit universel dont elles ne doivent pas être privées. C’est donc à partir des communautés que nous devons commencer notre mobilisation afin d’avoir un soutien fort en vue de contraindre le gouvernement à intégrer le droit à l’eau et l’assainissement dans la constitution et en faire une priorité. L’accès à l’eau et à l’assainissement contribue à l’amélioration de plusieurs indicateurs en matière de lutte contre la pauvreté. L’eau et l’assainissement ont des conséquences sur l’éducation, car les enfants malades ne vont plus à l’école ; sur le cadre de vie ; sur la production agricole et sur toute forme de production d’ailleurs. Donc, notre première action de mobilisation, c’est en direction des communautés puis après en direction des institutions. Nous avons commencé en rencontrant le gouvernement à travers le Ministre de la justice qui est favorable à cette réforme. Il a promis penser à comment intégrer cette réforme. Nous n’avons pas eu une promesse ferme. Mais nous pensons que c’est un droit qu’il reconnaît.

Propos receuillis par Alain TOSSOUNON (Coll)
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