Pas évident que les fruits tiennent la promesse des fleurs cette saison. En quelques semaines, des milliers d’hectares de cultures, notamment du maïs ont été dévorés par des chenilles de papillons dans plusieurs régions du Bénin. Dans le Borgou Alibori comme dans le Zou-Collines, la situation est préoccupante et certains responsables de développement rural contactés parlent d’état d’urgence. En effet, les changements climatiques n’ont pas fait qu’induire une pluviométrie inquiétante et un débordement du bassin du Niger. La modification des facteurs tels que la chaleur et l’humidité ont raccourci, selon les spécialistes, le cycle de vie des papillons. D’où une démultiplication excessive des chenilles à la quête de végétation. Elles se propagent à une allure inquiétante dans les champs, s’emparent des plantes, ronges les feuilles, détruisent les fleurs et même les tiges. Les producteurs sont désormais inconsolables et n’ont des yeux que pour se lamenter. « Avec cette dévastation des champs, je n’ai plus arrogance que cette année, je peux avoir 10% de la récolte de maïs que j’espérais. C’est une grande famine qui vient dans notre localité. Je n’ai plus espoir », laisse entendre à canal3 Bénin Yacoubou Sinrigui, un producteur de N’daly. Le drame c’est l’appropriation des produits chimiques pour arrêter l’expansion. Certains producteurs se plaignent de l’inefficacité des traitements.Peut-être du fait du non-respect des principes de traitement ou de l’inadaptation des insecticides. Il n’est pas exclu dans ces cas d’urgences que des producteurs fassent recours à des produits chimiques potentiellement dangereux. Le parasite donne du fil à retordre pour le moment aux acteurs du secteur de l’Agriculture. Et même si, du côté du ministère de l’Agriculture à travers les responsables de développement rural, l’on tente de rassurer les producteurs. Ces derniers perdent espoir. Et si rien, n’est fait, c’est plutôt les populations qui finiront par se plaindre aux temps des récoltes avec une chute des rendements, et une inflation sur les prix des céréales.
Professeur Elisabeth Zannou, à propos de l’invasion des chenilles
« C’est lié aux changements climatiques…Le pire est à craindre »
Le Bénin fait face depuis quelques semaines à une invasion de chenilles dans les champs. Plusieurs dizaines d’hectares de cultures vivrières et cotonnières sont déjà détruites et la situation est devenue alarmante. A travers cette interview, leProfesseur Elisabeth Zannou, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences Agronomiques, analyse les causes et l’ampleur de la situation. Cette entomologiste énonce des dispositions à prendre pour parer au pire.
Que peuvent comprendre les populations par les chenilles ?
Les chenilles constituent un stade de développement d’une catégorie d’insecte donnée. Ce ne sont pas tous les insectes qui donnent des chenilles. De façon scientifique, en entomologie, quand on parle de chenilles, on parle de papillons. Ces chenilles dont on parle ne sont rien d’autres que des larves de papillons qui depuis un certain temps font des dégâts dans certains régions du pays. Il fallait s’y attendre si tant est que les changements climatiques sont au rendez-vous depuis un certains nombres d’année. C’est évident que de pareils constats se fassent sur les insectes qui constituent un maillon important de l’environnement.
Il s’agit de quel type d’espèce dans ce cas précisément ?
Je ne saurais le dire toute suite.Parmi les nombreuses espèces de lépidoptèresqui ont commencé par dévaster les cultures, se trouve hélicoverpa. C’est une espèce qu’on retrouvait beaucoup plus sur les cultures cotonnières et de tomates mais qui se retrouve sur les cultures qu’on n’avait même pas soupçonné. Dans le Zou aujourd’hui, le constat est là, les paysans sont en genoux.
Des dizaines d’hectares de cultures sont aujourd’hui détruites, aussi bien au Nord qu’au centre du pays. Est vous étonnez de l’ampleur des dégâts ?
Pour ma part je ne peux pas être surprise dans la mesure où c’est un phénomène prévisible à plus d’un titre. Si les itinéraires techniques ne sont pas respectés dans le traitement des cultures avec des cultures avec des produits chimiques, souffrons qu’aujourd’hui on soit confronté à cette situation. Les insectes s’attaquent à des cultures qui à l’origine n’étaient pas leurs plantes hôtes. Par ailleurs, comme je le dis, c’est aussi lié aux changements climatiques.
Comment est-ce que le dérèglement climatique peut-il participer au développement des insectes ?
Je vous donne un exemple. Le cycle de développement d’un insecte est conditionné par le climat. La précipitation, la température et l’humidité relative de l’environnement constitue des facteurs de multiplication des insectes. Si un des composants du climat est modifié, le cycle de développement de l’insecte l’est également.Depuis un certain temps vous voyez la température qu’il fait la chaleur qui sévit au Bénin. Alors cette chaleur ne fera tout simplement qu’accélérer le cycle de développement de ces insectes qui était en veilleuse. Et là si son cycle de développement est raccourci, si en un mois au lieu d’avoir une génération, on pourrait en avoir trois voire quatre. La population s’accroit de façon exponentielle.
Il n’y a-t-il pas des mécanismes pour anticiper sur le phénomène que les paysans subissent actuellement ?
Il y a des mécanismes. Beaucoup de travaux ont été réalisés dans le monde dans ce sens pour modéliser, prédire le comportement de ces insectes face auxchangements climatiques. Mais dans notre contexte, c’est un peu difficile. Nous sommes à pieds d’œuvre pour parer au plus pressé. Ce n’est pas au moment où l’insecte commence par causer des dégâts qu’il faut modéliser. La modélisation, c’est quelque chose qui se prédit sur des dizaines voire même des vingtainesd’années. Alors si le dégât est déjà présent, nous ne pouvons que saisir les actions curatives.
Quelles sont les mesures d’urgences qui peuvent être déployées ?
Je crois que les entomologiques, chacun de son côté s’affaire pour voir les dispositions à prendre. Quand je dis disposition à prendre disposition curative. C’est le hic. Lorsque je prends l’exemple de quelqu’un qui est malade ou mourant, on est affolé. Et on ne peut faire qu’avec les moyens dont on dispose. C’est à cette stratégie que nous faisons recours pour parer aux plus pressés.
Est-ce que les paysans devront craindre le pire ?
Le pire est à craindre dans la mesure où nous sommes face à des espèces qui n’étaient pas inféodés à une culture et qui subitement s’y retrouvent. Le paysan n’a pas toute suite sous la main une solution. Il utilise tout ce qu’il a comme pesticide sous la main pour récupérer le moins. Dans la commune de Djidja, la fois dernière, le paysan se retrouve face à un champ où il n’espère plus rien. L’espèce qu’on a retrouvée dans son champ est une espèce en cours d’identification. On ne l’avait jamais constaté sur le maïs. Ca ne bouffe pas la feuille mais, il creuse la tige et ronge jusqu’à la racine. Le paysan ne peut rien. Autrement dit, il va couper le pied de maïs et jeter. Nous ne pouvons pas rester dans nos murs et dire les mesures indiquées. Ca ne peut qu’être une intégration de méthodes. Le drame est que c’est différentes espèces à la fois. Même les jardins dans les maisons ne sont pas attaqués. Il y a cinq ans je n’ai jamais eu de chenilles dans mon jardin à Cotonou, mais aujourd’hui, j’ai cinq espèces qui bouffent dangereusement les fleurs. Seulement que les pesticides ne sont pas les solutions. Je crois que tous les collègues entomologistes sont conviés à se joindre aux équipes à pieds d’œuvre sur le terrain. Même si on ne peut pas juguler cette crise, pour qu’on puisse sauver les cultures. Sinon nous risquons une insécurité alimentaire.
Propos recueillis par : Fulbert ADJIMEHOSSOU & Helyette de SOUZA