Les réformes politique et institutionnelle promises par le Chef de l’Etat ont de moins en moins de chances d’être adoptées. Patrice Talon multiplie certains choix qui risquent de mettre en difficulté son projet.
Le projet de révision de la Constitution pour lequel Patrice Talon s’est battu durant la campagne électorale aurait du plomb dans l’aile. Aujourd’hui dans l’opinion, les critiques montent. Et le Chef de l’Etat et son équipe pourraient bien s’inquiéter. En effet, l’une des propositions phare des réformes annoncées, le mandat unique, ne fait pas encore l’unanimité. Patrice Talon compte réduire le nombre de mandats présidentiels. Mais la mesure est toujours dénoncée par une partie de la classe politique (Les Forces de cauris pour un Bénin émergent, Fcbe notamment) et plusieurs autres citoyens. Des constitutionnalistes trouvent cette proposition attaquable puisqu’elle n’est pas conforme à la loi n°2011-27 du 18 janvier 2012 portant conditions de recours au référendum. L’article 6 de cette loi stipule : « Ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum, les options fondamentales de la Conférence nationale de février 1990 à savoir…le mandat présidentiel de cinq (05) ans renouvelable une fois ». Il est également à noter que la Commission dirigée par le Professeur Joseph Djogbénou et qui a été chargée de réfléchir sur lesdites réformes a aussi étalé ses divisions. Outre, le mandat unique, les commissaires n’ont pu trancher plusieurs autres points. On peut citer entre autres le rôle futur de la Haute cour de justice et la question de l’immunité des députés. Des préoccupations majeures qui devront nourrir des débats houleux au Parlement. L’autre point qui pourrait aussi empêcher le projet de prospérer, c’est la démarche de révision qu’entend imposer le Chef de l’Etat. Dans un message adressé à la Nation, le 31 juillet 2016, la veille de la célébration du 56ème anniversaire de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale, Patrice Talon avait déclaré : « J'engagerai sous peu le processus de révision de notre Constitution. Mais avant l’ultime étape de saisine du Parlement, je compte recueillir par une consultation en forme référendaire, l'appréciation de l'ensemble du peuple béninois sur les choix que j'ai opérés». Pour de nombreux juristes, le Chef de l’Etat voulait ainsi contourner les députés en violation des articles 154 et 155 de la Constitution du 11 décembre 1990. Le président de la Cour constitutionnelle avait, lui, répondu indirectement à Patrice Talon lors d’un séminaire des 7 Sages au début du mois de septembre : « Tout projet ou proposition de révision de la Constitution pour être soumis au référendum doit au préalable être voté à la majorité des 3/4 des membres de l’Assemblée nationale ».
La majorité parlementaire non associée…
Par ailleurs, Patrice Talon ne peut pas encore miser sur les députés proches de son gouvernement dans son entreprise. A en croire les propos de certains représentants du peuple, la majorité parlementaire n’est pas encore écoutée. Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, elle n’est associée à la prise d’aucune décision. Guy Mitokpè avait fustigé le mépris avec lequel le gouvernement traitait les députés de la majorité parlementaire. Le député Louis Vlavonou a confirmé ce malaise naissant. C’est dire que les élus ne sont pas encore consultés par rapport à ce dossier important. Outre ces parlementaires qui reprochent à Talon sa gestion politique, il existe d’autres acteurs,capables d’influer sur les choix des citoyens, qui critiquent certains actes de l’Exécutif.Hier sur Canal 3 Bénin,Sylvain Akindès Adékpédjou a trouvé l’initiative un peucomplexe et indiqué qu’elle pourrait être rejetée par le Parlement qui reste une institution conservatrice. Il ne faudra pas occulter la force de nuisance des acteurs politiques et économiques qui ne partagent pas la vision du gouvernement et contre qui sont dirigés certains audits. Ils pourraient travailler aussi bien dans l’opinion qu’au Parlement pour que le projet échoue. S’il est réaliste de dire que Patrice Talon aura du mal à concrétiser ses espoirs, il faut reconnaître qu’il a les cartes en main. Il a fait une fixation sur la révision de la Constitution et pourrait bien se donner d’autres moyens pour obtenir ses résultats.
A.S