La lutte contre la corruption a encore un long parcours à faire au Bénin. Les chances d’aboutir à des résultats sérieux sont minces. Au pays de Béhanzin, la loi pour combattre ce serpent de mer est taillée sur mesure et certaines de ses dispositions profitent aux « Princes de la République».
L’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc) l’a révélée. La Cour Constitutionnelle, dans l’une de ses récentes décisions l’a confirmée. Plusieurs membres des gouvernements Yayi et Talon ont foulé au pied les dispositions de l’article 52 de la Constitution en son 2è alinéa qui dit que « Le Président de la République et les membres de son gouvernement sont tenus, lors de leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci, de faire sur l’honneur une déclaration écrite de tous leurs biens et patrimoine adressée à la Chambre des comptes de la Cour Suprême ».
Il en est malheureusement de même pour plusieurs députés, tant de la 6è législature que de la législature actuelle. Et comme si de rien n’était, ces personnalités qui se nourrissent aux frais de la princesse ne s’en émeuvent guère. Ils pavoisent dans les rues de Cotonou à bord de grosses voitures rutilantes acquises avec des taxes et impôts prélevés sur des contribuables.
Rien ne semble leur faire peur. Même pas les dispositions de la récente loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Cette loi en son article 3 élargit aux hauts fonctionnaires de l’Etat, le champ d’application de l’aliéna 2 de l’article 52 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990. Selon les dispositions cet article 3, « Les hautes personnalités de l’Etat et les hauts fonctionnaires tels que définis par la loi no 2010-05 fixant la liste des hauts fonctionnaires de l’Etat dont la nomination est faite par le Président de la République en conseil des ministres, ont l’obligation de déclarer, à la prise et à la fin de service, leur patrimoine. Cette obligation s’étend également aux personnalités élues à un mandat public et à tout agent public de l’Etat dont l’acte de nomination en fait obligation.
La chambre des comptes de la Cour Suprême et les chambres des comptes des cours d’appel sont chargées de recevoir et d’assurer le contrôle des déclarations de patrimoine prévues par l’article 3 de la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Ce contrôle doit se faire, tant à l’entrée qu’à la fin des fonctions des personnes visées. La déclaration de patrimoine est faite par écrit : devant la chambre des comptes de la Cour Suprême pour les hautes personnalités de l’Etat et les hauts fonctionnaires; devant les chambres des comptes des cours d’appel pour les autres personnes visées à l’article 3 sus-évoqué. Cette déclaration, dit la loi, doit être suivie des titres prouvant la propriété des déclarants. Et en cas de dissimulation ou de fausses déclarations, l’agent concerné est puni conformément aux dispositions de la loi.
Petite sanction pour grosse faute
Tout est donc prévu pour que ceux qui jouissent d’un certain privilège au sein de la société béninoise et qui sont promus à de hauts postes de responsabilité jouent jeu franc. Mais hélas. Tel n’est pas le cas. Et cela se comprend. Le législateur a manqué d’avoir la main lourde. La sanction infligée aux contrevenants des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 52 de la Constitution et de l’article 3 de la loi sur la lutte contre la corruption en République du Bénin n’est pas à la taille de la forfaiture.
En son article 4, la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin fait la part belle aux «Princes de la République». « Le refus de déclaration est puni d’une amende dont le montant est égal à six (06) mois de rémunération perçue ou à recevoir dans la fonction occupée. L’amende est prononcée d’office ou sur dénonciation par le président de la Chambre des comptes suivant la distinction établie à l’alinéa 3 loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin ». Pour beaucoup d’observateurs, cette sanction est trop petite pour la grosse faute commise par les «Corrompus à col blanc». Et cela pourrait bien expliquer leur manque d’empressement à aller déclarer leurs biens. Le hic aussi est que jusqu’ici, aucun d’entre eux n’a été inquiété. Ils perçoivent régulièrement leurs salaires et traitements comme si de rien n’était. Comme quoi, la Cour Constitutionnelle et l’Anlc aboient, les «Corrompus à col blanc» passent.
Affissou Anonrin