Votée par l’Assemblée nationale, la loi n°2016-06 portant aménagement du territoire en République du Bénin, n’a pas requis l’aval de la Cour constitutionnelle. Elle a déclaré irrecevable la requête du président de la République portant contrôle de conformité à la Constitution.
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 26 juillet 2016 enregistrée à son secrétariat le 27 juillet 2016 sous le numéro 005-C/089/Rec, par laquelle Monsieur le président de la République, sur le fondement des articles 117 et 121 de la Constitution, défère à la haute juridiction pour contrôle de conformité à la Constitution, la loi n°2016-06 portant aménagement du territoire en République du Bénin votée par l’Assemblée nationale le 26 mai 2016 ;
Vu la Constitution du 11 décembre 1990 ;
Vu la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31mai 2001 ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Zimé Yérima Kora-Yarou en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Instruction du recours
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour demandant au Secrétaire général du gouvernement (Sgg) d’indiquer la date à laquelle la loi sous examen a été transmise au Président de la République pour promulgation, le Secrétaire général du Gouvernement, Monsieur Edouard A. Ouin-Ouro, affirme que la loi n° 2016-06 portant aménagement du territoire en République du Bénin, votée par l’Assemblée nationale le 26 mai 2016 et réceptionnée à la présidence de la République le vendredi 03 juin 2016, était adirée dans le circuit administratif, nécessitant ainsi de recourir aux services de l’Assemblée nationale, à travers une mission sur les lieux pour se la procurer de nouveau en vue de formuler la demande de contrôle de constitutionnalité ;
Recevabilité de la requête
Considérant que les articles 57, 121 alinéa 1 de la Constitution et 20 alinéas 2 et 6 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle disposent respectivement : « Le président de la République a l’initiative des lois concurremment avec les membres de l’Assemblée nationale. Il assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par le président de l’Assemblée nationale. Ce délai est réduit à cinq jours en cas d’urgence déclarée par l’Assemblée nationale. Il peut, avant l’expiration de ces délais, demander à l’Assemblée nationale une seconde délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Cette seconde délibération ne peut être refusée. Si l’Assemblée nationale est en fin de session, cette seconde délibération a lieu d’office lors de la session ordinaire suivante. Le vote pour cette seconde délibération est acquis à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Si après ce dernier vote, le président de la République refuse de promulguer la loi, la Cour constitutionnelle, saisie par le Président de l’Assemblée nationale, déclare la loi exécutoire si elle est conforme à la Constitution. La même procédure de mise à exécution est suivie lorsque à l’expiration du délai de promulgation de quinze jours prévu à l’alinéa 2 du présent article, il n’y a ni promulgation, ni demande de seconde lecture » ;
« La Cour constitutionnelle, à la demande du Président de la République ou de tout membre de l’Assemblée nationale se prononce sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation » ;
« La saisine de la Cour constitutionnelle suspend le délai de promulgation.
La saisine de la Cour constitutionnelle par le président de la République ou par un membre de l’Assemblée nationale n’est valable que si elle intervient pendant les délais de promulgation fixés par l’article 57 alinéas 2 et 3 de la Constitution » ;
Considérant que dans le cas d’espèce, la loi sous examen a été votée par l’Assemblée nationale le 26 mai 2016 ; que par la correspondance n°0938-16/Pt-An/Sga/Dsl/Scrbdu 03 juin2016, le président de l’Assemblée nationale a transmis la loi votée au président de la République ; que ladite correspondance a été enregistrée au secrétariat du Président de la République à la même date ; que le Président de la République a saisi la Cour par la lettre n°023/Pr/Sgg/Sp-C enregistrée au secrétariat de la Cour le 27juillet 2016 ; qu’entre le 03 juin 2016 et le 27 juillet 2016, il s’est écoulé plus de quinze (15) jours ; qu’il s’en déduit que le président de la République, sans solliciter une seconde délibération de la loi sous examen, n’a pas procédé à sa promulgation dans le délai de 15 jours suivant la transmission qui lui en a été faite par l’Assemblée nationale conformément à l’article 57 susvisé de la Constitution ; que ce faisant, il a méconnu les dispositions dudit article ; qu’en conséquence, conformément à l’article 20 alinéa 6 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, la saisine de la Cour constitutionnelle par le Président de la République n’est plus valable et il y a lieu pour la Cour de déclarer sa requête irrecevable pour défaut de qualité, ladite prérogative étant désormais dévolue au président de l’Assemblée nationale ;
Décide :
Article 1er : La requête du Président de la République est irrecevable.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur le président de la République, à Monsieur le Président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel
Ont siégé à Cotonou, le quinze septembre deux mille seize,
Messieurs Théodore Holo Président
ZiméYérima Kora-Yarou Vice-président
Bernard D. Dégboé Membre
Madame Marcelline-C Gbèha Afouda Membre
Monsieur Akibou Ibrahim G. Membre
Le Rapporteur, ZiméYérima Kora-Yarou
Le Président,Professeur Théodore Holo