La femme la plus en vue actuellement sur l’échiquier politique béninois, Célestine Zanou, s’est forgée, par un positionnement qui tranche avec le commun, une réputation de dur à cuir.
La liberté d’un cri sonore ! Tel semble être le credo de la présidente de la Dynamique du changement pour un Bénin debout, Célestine Zanou qui, née en 1960, porte comme une seconde peau, la marque de l’indépendance, au point de tracer son sillon, loin des systèmes des choses auxquelles elle n’adhère pas par conviction.
Depuis 2006, année de son entrée en politique, point de dérogation à cette règle qu’elle s’est fixée. « N’est-il pas une évidence que la vie est un choix ? », avance-t-elle pour dire en définitive qu’en « Politique, le choix du dirigeant devrait obéir à la trilogie du choix: réfléchir, examiner et évaluer». La crédibilité se construit, objectera-t-elle même avec fierté. Elle que le Général Mathieu Kérékou a tancé pour n’avoir pas vu son «signe distinctif», alors qu’un « grand nombre de cadres tapis à tous les niveaux ne cessent de se livrer à leurs jeux préférés de sauve-qui-peut», s’est moqué le Caméléon «en consultations ultimes» pour former son gouvernement.
Parcours d’une iconoclaste
Célestine Zanou n’en fut pas et s’offrit même le luxe de ne pas accéder à la volonté du Général de lui proposer sa destination future…en tant que ministre...Cela étant, plus personne ne s’étonnera dès lors de ne pas voir la belle de Logozohè à quelque poste ministériel sous le régime de la Rupture dont elle a contribué à l’avènement.
Directrice de cabinet du ministère du Plan, de la Restructuration économique et de la promotion de l’emploi à 36 ans (Célestine Zanou a été nommée en avril 1996), il faut avoir du bagage et du répondant, aux côtés du professeur Albert Tévoèdjrè dont on connaît l’exigence et la rigueur intellectuelles, pour être appelé si jeune à un tel niveau de responsabilité au service de la République, et rejoindre deux ans après le cabinet du président de la République. Sur recommandation d’une mission de la Banque mondiale qui l’a repérée « pour prendre en main le cabinet du président Mathieu Kérékou», alors qu’elle était précédemment chargée de mission à la Conférence des ministres de l’Agriculture de l’Afrique centrale et de l’Ouest à Dakar et précédemment à la FAO de 1989 à 1995.
Sans étiquette et écurie politiques, elle doit sa promotion à la rigueur au travail qui lui vaudra la réputation de ‘’dame de fer’’ à l’instar de Margaret Thatcher. Et avant de déposer le tablier par démission en mai 2001, Célestine Zanou a marqué de son empreinte ces deux pôles importants du pouvoir exécutif, non sans laisser l’image d’une femme au caractère bien trempé et de conviction au sein de l’opinion. Au ministère du Plan, notamment, elle dépoussière les codes surannés de l’administration, imprime sa marque de management axé sur l’efficacité et les résultats, et, pompon sur le bouquet, réussit l’organisation de la première Conférence économique nationale qui lui a été confiée malgré les chausse- trappes dont l’administration et le personnel politique béninois ont le secret. « C’est une femme extrêmement intelligente, qui a une vision vaste et haute de son pays, des enjeux de la sous-région…Et une énergie remarquable, un sens du dévouement au service du bien commun, au sens noble et politique du terme», a pu dire de la Géographe et Agro-économiste de formation, l’ancien consultant de la Banque mondiale Jérôme Champetier, devenu président du cabinet Aleleka spécialiste en coaching de dirigeants.
«Sois belle et tais-toi !». L’inspirateur de cette pensée sexiste a dû se raviser depuis. À tout le moins, les lui intiment, la perspicacité et la hauteur analytique de Célestine Zanou, dont passé 55 ans aujourd’hui Jean La Fontaine aurait pu encore dire que c’est «La grâce, plus belle encore que la beauté». «Si j’étais une arme, je serais l’intelligence», clame du reste Célestine Nabéi, la fille qui a égaillé de son premier cri, en 1960 à Ouèssè dans la commune de Savalou où elle est née.
Selon toute évidence, le génie de l’intelligence a été au rendez-vous, au gré des pérégrinations de sa vie. De Ouèssè, où elle fit ses premiers pas, à Logozohè, au lycée Houffon d’Abomey, au collège de Davié à Porto-Novo, puis à l’Université nationale du Bénin, et à l’Institut agronomique méditerranéenne de Montpellier. Parcours exemplaire d’études et d’apprentissage de la vie d’une femme, «Si j’étais un véhicule ce serait mes pieds», avance t-elle souvent, persuadée qu’il n’y a de vent favorable à celui qui ne sait où il va.
Dis-moi qui tu es…
Convaincue que la crédibilité se construit, Célestine Zanou n’a pas attendu d’avoir son Master of Science Degree (Economie et Agro-alimentaire) en 1990 avant de se projeter dans la vie active. Professeur certifié de géographie dès 1986, elle a enseigné au CEG Savè de 1986 à 1987 et au CEG Akpakpa centre de 1987 à 1988. Elle qui soutient que «La femme est différente de l’homme mais pas inférieure à lui», édifie à ce propos rien que par son parcours qui n’a pas été un long fleuve tranquille mais une dynamique allant de défi en défi. Selon des témoignages, l’exigence qualitative a toujours été l’obsession de cette femme d’extraction modeste chez qui tout, dans la démarche et l’élégance voire même le verbe, renseigne sur la rigueur si caractéristique qu’elle a fait sa boussole. Pas difficile pour autant de composer avec la «colombe» qu’elle voudrait être si elle était un animal, étayent les témoignages. Avant même que Célestine Zanou ne dépose sa candidature à l’élection présidentielle de 2016, qu’elles ne furent pas les sollicitations ! De même lorsqu’elle renonça à sa candidature avant d’opérer un choix qui conforte son leitmotiv sur l’échiquier politique, n’ayant de cesse d’imposer le débat d’idées : «J’ai choisi de redonner un sens aux valeurs», revendique celle dont l’engagement se veut constructif et «sans compromission» au service du pays, car soutient-elle, «notre pays a besoin d’audace et…d’une nouvelle génération de leaders capables de conclure avec les citoyens un nouveau contrat social qui donne du sens aux rapports communautaires…». Ainsi se décline la pensée politique de la présidente de la Dynamique du changement pour un Bénin debout, forgée par la conviction que «La vérité libère et élève» et que «les politiques doivent, dans la situation actuelle de notre pays, faire le choix responsable de la cohérence entre le dire et le faire qui n’est rien d’autre que la Vérité…». D’où hier son opposition farouche à ce qu’elle a appelé «Le Léviathan qui tire le navire (Bénin) vers le fond». Avec une telle détermination qu’elle se confondrait au néologisme de Ségolène Royal : ‘’bravitude’’.
Poussant une réflexion, il y a quelques années sur le devenir du Bénin, CZ comme ses supporters aiment l’appeler évoquait déjà le «Vrai départ» pour le Bénin, soutenant que le peuple béninois a besoin non pas d’un «messie» mais «d’une main complice pour accomplir son grand destin…Une main qui protège et ne dépouille point… La main antidote de l’égarement abscons».
Amateur des Ecritures saintes, son livre culte qu’elle décrypte du point de vue de l’histoire et pour nourrir sa foi chrétienne, Célestine Zanou à la réputation d’un débatteur attachant qui s’exprime sans passion. Sous une toile de fond faite de rigueur à tout point de vue, que la native des Collines avoue faire désormais violence sur elle-même pour modérer à l’endroit des autres mais «pas à mon propre égard», se cache de l’entregent et de l’humanisme. Confiance, solidarité, et justice est la devise de cette quinqua qui n’a rien perdu de son charme, et qui, à défaut de pouvoir être «toujours» si elle avait été un «adverbe», semble-t-il dans le regard, n’a rien perdu de la candeur à laquelle on prétend seulement à l’âge de l’acné, du temps où Célestine jouait dans le sable de grès de Logozohè quand, en fille studieuse, elle ne remplissait pas d’eau de puits les jarres et écrasait sur la pierre les condiments dont se servait pour la cuisine sa mère.
Maman Honorine de qui, sans conteste, Célestine Zanou tient sa bonne main à mitonner, avec passion confie-t-elle, les bonnes recettes béninoises et européennes. Pour peu qu’on gagne son estime, renseigne-t-on, elle prend plaisir à recevoir autour d’un café ou d’un met fait maison.
«Si j’étais un loisir, je contemplerais le monde»
Loin de cette réputation de cordon bleu, c’est en dehors du Bénin que les qualités professionnelles de cette polyglotte (anglais et espagnol) sont d’abord célébrées. Notamment, par ses recherches sur l’intégration régionale, à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en tant que consultante au Club du Sahel, en qualité d’administratrice à la Banque ouest-africaine de développement (BOAD)… En avril 2003, la Suisse lui confie le Programme d’appui à la paix en Côte d’Ivoire qui l’amènera trois années durant à travailler aux côtés du Premier ministre issu des accords de Marcoussis, Seydou Diarra.
Aujourd’hui encore, Célestine Zanou sans répit, vend toujours bien ses atouts de consultante internationale, ayant semble-t-il gardé sa liberté vis-à-vis du pouvoir de la Rupture auquel elle est censée appartenir de par ses liens avec l’Alliance pour un Bénin triomphant (ABT). Paradoxe frappant, lorsqu’on connaît ses atouts faits de structuration et d’exigence qualitative, et sa parfaite connaissance du monde agricole ainsi que ses travaux pour apporter des réponses concrètes sur la sécurité alimentaire, la pêche et l’agriculture…Quelle suite réserve l’engagement de cette politique atypique ? Elle dont les initiales ne sont pas sans rappeler un héros de cape et épée, et qui, comme Zorro avec son fameux Z, a déjà marqué ses compatriotes de ses lettres tranchantes : CZ.