Grogne sociale persistante, crise économique aigue, réformes politiques et institutionnelles en berne ! Pas grand-chose n’aura changé dans le quotidien du citoyen lambda six mois après le Nouveau départ. Les inquiétudes liées aux suspensions tous azimuts et les rétropédalages des premières heures ont cédé la place à une forme d’expectative. N’a-t-on pas dit : « Qui se nourrit d’espoir ne meurt pas de faim » ?
Bien que le clignotant soit au rouge dans presque tous les secteurs, la plupart des béninois continuent de croire en un demain radieux sous la Rupture. C’est vrai que l’euphorie née de l’arrivée d’un homme d’affaires au pouvoir s’est estompé. Mais l’espoir n’est pas mort pour autant malgré la morosité économique. Et pour cause ! Depuis son avènement, le gouvernement de la Rupture n’a cessé de peindre en noir les 10 ans de la gouvernance Yayi. Et cela semble lui marcher car beaucoup de béninois attribuent les difficultés actuelles aux conséquences de la mauvaise gestion sous le régime défunt. Du coup, les tâtonnements, les rétropédalages, bref la difficulté évidente de l’actuel régime de faire décoller l’économie ne sont pas perçus comme des signes d’une éventuelle incapacité. « Attendons de voir » semble être l’attitude dans laquelle les béninois se complaisent six mois après le Nouveau départ et la promesse d’une rupture. L’argument « trop tôt pour juger » renforce cette espérance. Aussi bien que trois mois étaient trop tôt pour juger un gouvernement qui a 5 ans à faire, six mois aussi et pourquoi pas un an. Sans l’avoir demandée, Patrice Talon bénéficie d’une période de grâce qui s’allonge à volonté malgré les tentatives de quelques syndicalistes pour y mettre un terme.
Une classe politique tétanisée
Les discours sur l’échec ou la réussite d’un régime dans tel ou tel secteur se nourrissent des prises de position d’acteurs politiques. Mais depuis le 06 avril, les politiques semblent déserter le champ de l’animation de la vie politique. Partisans, moins partisans comme non partisans sont aussi dans l’expectative. Aucune prise de position publique sur des sujets qui défraient la chronique. Et pourtant, ils ne manquent pas. Les Fcbe, à qui la nature a enjoint d’embrasser leur destin d’opposants au régime de la Rupture, ont décliné l’offre. L’espoir de se voir caser a annihilé chez les alliés du second tour toute envie de donner son opinion sur la gouvernance de la Rupture. En effet, pour les uns comme pour les autres, l’inconnu, c’’est l’appréciation que peut susciter chez le chantre de la Rupture tout commentaire sur le mode de gouvernance. Si un collaborateur d’un ministre d’Etat, de surcroit N°2 du gouvernement, a pu être limogé pour avoir émis des réserves sur une initiative gouvernementale sur les réseaux sociaux, cela recommande la prudence. Un président qui ne veut ni de marche de soutien ou de remerciement, ni d’un second mandat, on ne sait quoi faire pour le plaire. Mais la moindre imprudence pourrait attirer son courroux. Dès lors, il faut attendre que l’horizon se dégage afin de voir clair dans les options du nouveau régime avant de prendre position. Mais jusqu’à quand durera cette passivité et à qui est-ce qu’elle profite si ce n’est le Chef de l’Etat ? Il faut espérer que le réveil de la classe politique, s’il devrait advenir, ne vienne quand les carottes auront déjà été cuites.
Bertrand HOUANHO