Représentant de l’Afrique au Secrétariat général des Nations Unies pour l’environnement :Ce qui plaide en faveur de Luc Gnacadja du Bénin
L’Afrique abrite à Marrakech du 07 au 18 Novembre prochain la 22ème session de la Conférence des parties signataires de la convention cadre des Nations-unies sur le climat (Cop22). Candidat du Bénin au poste de Secrétaire général Adjoint des Nations Unies pour assurer une facilitation effective et efficace de la mise en œuvre des décisions de la Cop21 pour l’Afrique, Luc Gnacadja, expert chevronné des questions environnementales, présente les enjeux et défis climatiques qui se présentent au continent. C’est au cours d’un entretien qu’il a accordé à la presse béninoise la semaine écoulée.
Consultant international sur les questions de territorialisation des réponses au défi climatique dans le cadre du développement durable, de la croissance et de la lutte contre la pauvreté, représentant spécial du (Local), Luc Gnacadja a été de tous les grands rendez-vous sur le climat depuis 1999, d’abord en tant que ministre de l’Environnement, de l’habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire du Bénin. Selon lui, les chocs climatiques effacent parfois plusieurs décennies d’efforts de développement. Ils sont cependant prévisibles et les stratégies d’adaptation et de résilience des populations et de leurs écosystèmes existent. Pour lui, les terroirs dégradés signalés par des écosystèmes en baisse de productivité, sont potentiellement des terroirs à fort potentiel économique et social et peuvent le devenir effectivement s’ils sont transformés grâce à des investissements appropriés pour leur assurer adaptation et résilience aux chocs climatiques. La Cop21 (21ème Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques) tenue à Paris en Décembre 2015, et qui s’est conclue par l’Accord de Paris sur le Climat, a suscité plusieurs engagements vis-à- vis de l’Afrique, continent le plus touché par les changements climatiques. Entre autres décisions figure l’engagement qui a été pris par les pays membres du G7 de financer l’Initiative africaine sur les Energies renouvelable, par une contribution spéciale d’un montant de 10 milliards de dollars Us (dont 2 milliards de dollars Us par la France). L’objectif est d’assurer à tous les Africains l’accès à l’énergie au plus tard en 2030, et pour ce faire de réaliser une capacité additionnelle de production d’énergie renouvelable de 10 Gw d’ici à 2020 et 300 Gw en 2030. Les pays développés ont renouvelé dans l’Accord de Paris leur engagement de mettre à la disposition des pays en développement 100 milliards de dollars de financement pour les investissements nécessaires, à concurrence de 50% pour des projets d’adaptation au réchauffement en cours, et de 50% pour des projets d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Le compte des ratifications est bon (ratification par au moins 55 pays représentant au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre) pour l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris.
Les Priorités du continent
L’Afrique a été le parent pauvre du Protocole de Kyoto et des mécanismes dits de développement propres. Bien qu’étant le continent le plus vulnérable, elle a eu accès à peine 2% des financements ainsi mobilisés. L’Afrique est déjà l’épicentre du changement climatique anthropique vu que les relevés météorologiques démontrent qu’en certains points du continent le +2°C a été déjà observé en particulier dans le Sahel, mettant à rude épreuve les populations et les écosystèmes dont elles dépendent pour leur subsistance. L’objectif d’au plus 2°C de réchauffement moyen au plan global impliquerait 3°C voire plus dans certaines régions d’Afrique en particulier au Sahel. Par exemple le Lac Tchad a perdu 90% de sa superficie par rapport à son emprise des années 1950. Par ailleurs, la population a plus que doublé, ce qui signifie que la pression humaine sur ces écosystèmes fragilisés a plus que doublé. Vulnérabilité croissante des populations, écosystème au point de rupture, les transhumances saisonnières se muent en migrations permanentes. Ainsi naissent ou se cristallisent des conflits autour de ressources vitales (points d’eau, pâturages, terres fertiles) qui se raréfient. Des régions entières sont ainsi fragilisées, en proie à l’insécurité et à l’instabilité. Le réchauffement climatique et les chocs y relatifs accélèrent et aggravent les processus de dégradation des écosystèmes (résultant en la baisse de leur productivité) qui constituent la base des économies de subsistance (liées à la pêche et à l’agriculture) des populations africaines en particulier en milieux rural et périurbain. Cette baisse de productivité transforme la pauvreté, la malnutrition et la faim en phénomènes endémiques dans les régions les plus vulnérables. Les dynamiques démographiques (très forte croissance de la population) accroissent la pression sur des écosystèmes ainsi fragilisés, exacerbent la compétition autour de ressources qui se raréfient, exacerbation qui se mue parfois en conflits, les transhumances et les migrations des facteurs de violences et de déstabilisation. Les populations vulnérables, n’ayant plus rien à perdre, deviennent des proies faciles pour tous les marchands d’illusions, elles deviennent des victimes (parfois consentantes) des extrémismes voire du terrorisme. A la Cop 21 l’Afrique a été en pointe pour obtenir des engagements plus ambitieux en particulier avec l’inscription dans l’Accord de Paris de l’objectif de limiter l’élévation de la température moyenne de la planète à 1,5°C à la fin de ce siècle. Les priorités de l’Afrique face au défi climatique sont : réduire les vulnérabilités, s’adapter et construire la résilience tout en développant ses propres modèles de croissance à faible émission de carbone et autres gaz à effet de serres.
L’Afrique, pôle de croissance et locomotive du Développement durable
Dans plusieurs fora où il a eu à intervenir, Luc Gnacadja a fait le constat que le défi climatique est au cœur des enjeux de croissance durable et inclusive, de paix, de stabilité et de sécurité en Afrique. Devant les ambassadeurs africains en poste à Berlin, lors de la Conférence inaugurale pour la célébration de L’Africa day 2012, Luc Gnacadja a rappelé que l’Afrique pouvait rapidement devenir un pôle de croissance majeur et la locomotive du développement durable dans le monde, compte tenu de ses potentialités. Mieux, avec les financements nécessaires pour catalyser et mobiliser ses ressources endogènes, le continent peut réussir à combler sa fracture énergétique à travers les énergies renouvelables qui préservent son climat, activent les économies locales, transforment économies nationales, et impulsent la croissance et la réduction de la pauvreté et des vulnérabilités aux chocs climatiques. « Nous devons, dans le cadre du principe de responsabilité commune mais différenciée, faire du défi climatique une opportunité d’actions concertées pour asseoir dans nos pays une croissance forte inclusive et durable et construire des sociétés ouvertes confiantes et résilientes parce que conscientes de leurs potentialités et tournées vers l’avenir », a-t-il déclaré. Le 27 Septembre dernier à Nantes en France, de la tribune de la plénière dédiée aux financements du « Climate chance summit », il a relevé que la Finance Climat était malheureusement une véritable usine à gaz inaccessible aux plus vulnérables dans les territoires en particulier en Afrique. Il a aussi fait observer que l’adaptation au réchauffement climatique est le parent pauvre des investissements, parce que perçue à tort comme n’étant ni attractif ni rentable. Dans une interview au journal Le Monde en marge dudit sommet, il a soutenu la nécessité de « s’appuyer sur les acteurs et pouvoirs publics locaux qui sont les mieux à même de définir les priorités et solutions, est un gage d’efficience et de pertinence de l’investissement ». Fondateur de GPS-Dev de l’acronyme anglais pour « Gouvernance et politiques pour le développement durable, un groupe de réflexion et de conseil qui promeut la transformation de la gouvernance publique face au défi climatique à travers en autre la territorialisation des actions de mise en œuvre des Odd (Objectifs pour le développement durable) et une décentralisation effective.
Un parcours élogieux
Comme Représentant spécial du Conseil d’Administration de Local, Luc Gnacadja a pris part aux travaux du conseil d’administration du Fonds vert pour le climat tenu en 2015 à Songdo en Corée du Sud. En tant que consultant international, il a assisté la Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest- Africaine (Uemoa) dans l’élaboration de son projet pour un mécanisme financier qui soutiendra les gouvernements locaux dans ses Etats membres, y compris à travers des subventions et les transferts fiscaux pour l’adaptation et la résilience. Luc Gnacadja est aussi Co-initiateur des Dialogues de Caux sur la Terre et la Sécurité (Cdls - Caux Dialogue on Land and Security), rencontre qui réunit chaque année depuis 2011 à Caux, station des Alpes suisses, des acteurs influents désireux d’impulser des changements positifs dans la prévention des conflits liés aux dégradations de l’environnement exacerbées par le réchauffement climatique. Membre du conseil d’administration ou d’orientation d’un certaine nombre d’organisations internationales engagées dans la promotion du développement durable, tels que : Eco Agriculture Partners, World Future Council, Comité d’orientation Stratégique de l’ (Observatoire du Sahara et du Sahel). Il a présidé plusieurs organisations de la société civile engagées dans la promotion du leadership et du service à la communauté telle que la Jeune Chambre internationale (Jci) : Président de la Jeune Chambre Internationale (Jci) de Cotonou (1993) et du Bénin (95) ; Vice-Président (1994-1995) du Conseil Ibn (International business network) de la Jci ; Membre (n° 52256) du Sénat de la Jeune Chambre Internationale. La communauté internationale lui doit, lors de la Conférence dite Rio+20 tenue à Rio de Janeiro en Juin 2012, le concept et nouveau paradigme pour inverser les processus de dégradation des terres dit de « Land degradation neutrality » autrement dit de neutralité en matière dégradation des terres. Il s’agit, dans le cadre du développement durable et de la réduction de la pauvreté, de stabiliser puis de faire régresser les processus de dégradation des terres et accroître la restauration des terres déjà dégradées de manières à satisfaire les besoins en eau, en énergie, et sécurité alimentaire des populations qui en dépendent. Le concept de « Land-degradation neutrality (Ldn) » a été adopté au sommet de Rio+20 en Juin 2012 puis comme un objectif cible à atteindre d’ici 2030 dans le cadre des Odd (cible 15.03 des Odd).
Distinctions et récompenses
Luc Gnacadja est récipiendaire du prix « Green Award » de la Banque mondiale pour l’année 2002, en reconnaissance de son engagement et des résultats obtenus dans le cadre de réformes favorisant l’accroissement et l’exécution des investissements publics pour l’environnement dans les cadres de dépenses publiques à moyen terme au Bénin. En Novembre 2014 à l’Institut J. Blaustein de l’Université Ben-Gourion en Israël il a aussi été honoré du Prix Jeffrey Cook, en reconnaissance de sa contribution pour un environnement bâti durable en milieux arides. Il a par ailleurs reçu une citation de l’Assemblée générale des Nations Unies (décembre 2013) dans sa résolution sur la mise en œuvre de la Unccd et un hommage par des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union africaine (mai 2013) dans l’une de leurs décisions. Conférencier invité à de nombreuses conférences sur des questions liées au défi climatique et à la gouvernance de l’environnement dans le contexte du développement durable.
Conférencier globe-trotter
Parfaitement à l’aise tant en français qu’en anglais, Luc Gnacadja est un passionné de gestion axée sur résultats, de gestion durable de l’environnement, de lutte contre la pauvreté dans le cadre du développement durable, de décentralisation, de gestion durable des terres, d’adaptation et de résilience au réchauffement climatique. Il a eu des expériences de haut niveau en leadership et management dans les secteurs privé, public et des organisations de la société civile tant au niveau national qu’international. Il est passionné par la promotion des innovations nécessaires en matière de gouvernance publique pour réussir le développement durable dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Il a été Conférencier invité dans de nombreuses universités telles que Yokohama National University (Ynu) au Japon, Dongguk University de Séoul et Seoul national university en Corée, Centre Atkinson pour un avenir durable de l’Université Cornell aux Usa. Il a aussi animé une conférence sur « Les aspects institutionnels de la dégradation et de la réhabilitation des sols• en Afrique » à la Conférence internationale sur les changements climatiques et le développement durable multidimensionnel dans l’agriculture africaine, Sokoine University of Agriculture – du 3 au 5 Juin 2015 à Morogoro, Tanzanie. En tant que Représentant spécial du Conseil d’administration de Local (Local Climate Adaptive Living Facility), un mécanisme de subventions pour la résilience climatique basé sur la performance à travers les budgets locaux, mécanisme adossé à un fonds de financement au niveau local de l’adaptation des modes de vie face au réchauffement climatique en particulier dans les Pays les Moins Avancés ; ce fonds intervient déjà dans 6 communes au Bénin (réparties dans l’Atacora, la Donga, et l’Alibori) dont Copargo, Toucountouna, Boukoumbé, Banikora. Luc Gnacadja a pris part aux rencontres et discussions organisées en 2015 à Bonn en Allemagne par le Secrétariat de la convention sur le climat et contribué en tant que personne ressource appuyant le groupe des négociateurs des Pma.