Le projet de loi de finances gestion 2017 transmis à la représentation nationale le vendredi 7 octobre 2016, est équilibré en ressources et en charges à la somme de 2010,586 milliards de Fcfa contre 1423,487 milliards de Fcfa en 2016, en hausse donc de 587,099 milliards de Fcfa, soit un taux d’accroissement de 41, 24%. Un ambitieux projet, pour reprendre les propos du ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence, Pascal Irénée Koupaki. La légitime question est de savoir si ces prévisions sont réalistes.
Il n’est un secret pour personne que les différents budgets de l’Etat ont manqué de réalisme ces dernières années. Les taux de croissance annoncés ne sont presque jamais au rendez-vous et les taux de consommation des ministères sont généralement en deçà de la moyenne. Les députés ont en vain dénoncé cette hypocrisie institutionnelle. A chaque examen de projet de loi de finances, cadres et politiques s’arment d’arguments pour faire plier les représentants du peuple. Les méthodes sont connues. Dans tous les cas, si la loi de finances n’est pas votée, le chef de l’Etat peut toujours faire recours à une ordonnance. Mais avec le gouvernement de Patrice Talon qui vient d’introduire son premier projet de budget à l’hémicycle, peut-on espérer la fin de cette théâtralisation des prévisions budgétaires ? Rupture oblige.
Le budget du miracle ?
Hélas ! L’on risque bien de tomber dans les mêmes travers avec ce budget prévisionnel dit ‘’ambitieux’’. Au dire du ministre d’Etat Pascal Koupaki : « ce projet est en même temps réaliste et réalisable par la volonté du gouvernement de réduire le train de vie de l’Etat, de renforcer la qualité de la dépense publique, d’instaurer dans tous les secteurs une meilleure gouvernance… ». La traditionnelle rengaine. Heureusement que son collègue, chargé de la planification et du Développement, Abdoulaye Bio Tchané sera d’un optimisme plus ou moins raisonné, même si dans son ensemble, il va falloir des miracles dignes de l’époque du Christ pour exécuter ce budget. En effet, à l’occasion du Débat d’orientation budgétaire (Dob) en prélude à l’examen du projet de loi de finances gestion 2017, conformément à la loi organique portant loi des finances votée en 2013, Abdoulaye Bio Tchané avait annoncé pour le compte du gouvernement une prévision budgétaire à double visage. 7,3 et 5% selon que les perspectives de croissance, se montrent optimistes ou non. Mais entre juin et octobre 2016, l’eau a coulé sous le pont.
Aucun signal pour l’espoir
Par quelle alchimie, le gouvernement de la rupture qui, juste après son installation, a introduit un collectif budgétaire aux fins de réajuster, de revoir à la baisse les ambitions du régime défunt pour le compte du budget gestion 2016, entend opérer le miracle au point de dépasser des prévisions budgétaires jamais atteintes jusque-là ? Quelles sont les bases sur lesquelles se fondent Patrice Talon et son équipe pour faire miroiter une transformation structurelle de l’économie béninoise afin d’améliorer de manière significative les conditions de vie des Béninois ? Il faut rappeler que le taux de croissance de 5,8% projeté par le régime Yayi pour l’année 2016, n’a pas été réalisé, et ceci du fait des facteurs exogènes mais aussi endogènes. La dépréciation du Naira, mais aussi une gestion peu orthodoxe des finances publiques. Ces facteurs ont-ils disparu ? Bien au contraire. Le peuple vit une morosité économique ambiante du fait de l’accentuation des conséquences de la dépréciation de la monnaie nigériane. Les recettes douanières sont en baisse. Et depuis, le gouvernement de la rupture peine à sortir la grosse artillerie pour contrer ses effets sur l’économie béninoise en général, et sur le quotidien des Béninois en particulier. Pourtant, l’on élabore un projet de budget qui laisse perplexe plus d’un. Les fruits tiendront-ils la promesse des fleurs ? Pas si sûr.
Le parlement doit jouer sa partition
Une évaluation de l’exécution du budget général de l’Etat au titre de la gestion 2016, dégage les enseignements nécessaires pour l’analyse du projet de budget gestion 2017. Et point n’est besoin d’être un cadre de la Banque mondiale pour constater que le pouvoir Talon a manqué de prudence dans l’élaboration de ce projet de loi de finances. Il revient aux députés d’assumer pleinement leur mission, afin qu’après l’examen, l’on ait un visage plus réaliste du budget exercice 2017, axé autour de trois paramètres (référence au Dob) à savoir, l’amélioration de la gouvernance, la lutte contre les effets néfastes des changements climatiques et la promotion de l’emploi des jeunes. Dans tous les cas, le rendez-vous est pris. Les points d’application des orientations sont d’après le projet de loi de finances 2017 : « une agriculture d’envergure et le développement de quatre filières phares à savoir : le maïs, le riz, l’ananas et l’anacarde ; la promotion de l’industrie de transformation et la professionnalisation de l’artisanat ; le développement du capital physique et des infrastructures (routes, énergie, Tic) ; la promotion du capital humain de qualité et attractif pour les créateurs de richesse, le développement du tourisme, l’aménagement et la viabilisation du territoire. A l’exécution, le bilan se fera.
Toutefois, le Parlement doit maintenir la veille notamment lors de l’examen de la loi de finances à laquelle se rapporte le Débat d’orientation budgétaire (Dob).
Arnaud DOUMANHOUN