Parmi les réformes engagées par le régime de la Rupture au niveau du secteur éducatif, on note celle relative à la nomination des directeurs des établissements scolaires publics du primaire et le relèvement pour cause d’incompétence notoire des directeurs d’écoles publiques sur la base de l’arrêté 219/MEMP/DC/SGM/DAF/SP du 19 septembre 2016 portant décharge de directeurs d’écoles primaires publiques. Mais déjà, cette option du gouvernement qui se fonde sur les résultats du Certificat d’études primaires (Cep) de 2016 suscite des réactions dans le monde des enseignants.
Les chefs d’établissements déchargés de leurs fonctions s’indignent et dénoncent l’illégalité de l’arrêté consacrant leur relèvement en tablant sur les résultats du Certificat d’études primaires (Cep) de 2016.
Dans ses explications, sur le plateau de la télévision nationale dimanche dernier, le ministre des Enseignements maternel et primaire Salimane Karimou indique certaines conditions à remplir pour être nommé directeur d’école publique. Fondamentalement, le nom du candidat à la nomination doit figurer sur «la liste d’aptitude ». Cela suppose que l’instituteur soit titulaire du Certificat d’aptitude pédagogique datant d’au moins trois ans d’ancienneté. «Il ne suffit pas de réussir à ce certificat il y a un an ou deux ans pour prétendre être sur la liste d’aptitude. En plus, il faut avoir subi «une inspection favorable». Expliquant la façon dont on se prête à cette inspection, il précise que l’enseignant titulaire du CAP reçoit dans sa classe, qu’il l’ait désiré ou non, une commission de trois membres. Cette commission, est dirigée par le chef de la circonscription scolaire, pour le voir travailler. L’inspection, poursuit-il, prend en compte au moins deux matières. A l’issue de l’inspection, la commission doit avoir un entretien avec lui et si elle le juge compétent, il est inscrit sur la liste d’aptitude. Cette liste est établie par circonscription et les nominations se font sur cette base. «C’est sur cette liste que le ministre puise pour pourvoir aux postes de directeurs», soutient Salimane Karimou.
Ainsi, contrairement à ce qui s’est passé jusque-là, les directeurs seront nommés sur la base de ces critères, laisse-t-il entendre en ajoutant qu’on n’aura plus dans une école maternelle et primaire des directeurs qui commandent des enseignants plus gradés qu’eux. «Il n’est pas question d’aller chercher ailleurs. C’est sur la liste d’aptitude», martèle-t-il.
Mais l’application de l’arrêté 219/MEMP/DC/SGM/DAF/SP du 19 septembre 2016 portant décharge de directeurs d’écoles primaires publiques pose problème et fâche les directeurs déchargés.
L’indignation des directeurs déchargés
Au-delà de la condition de la liste d’aptitude qu’ils ne contestent pas, les directeurs victimes de l’arrêté 219/MEMP/DC/SGM/DAF/SP du 19 septembre 2016 portant décharge de directeurs d’écoles primaires publiques n’admettent pas le sort qui leur est fait. Selon Georges Commadan, président de leur collectif, la décision gouvernementale consistant à les décharger est illégale. Dans son argumentaire, il fait savoir que l’arrêté fait allusion aux articles 35 et 36 de l’arrêté 140 de 2012 qui fixe les modalités de nomination d’un directeur d’école. L’article 35 indique que le directeur d’école peut être déchargé pour faute grave, incompétence notoire. Mais avant que le directeur soit déchargé, souligne-t-il, certaines conditions doivent être remplies. Il s’agit des commissions d’enquêtes, des rapports des commissions d’enquêtes. Dans le cas d’espèce, rien de tel n’a été fait et 618 directeurs ont été déchargés.
La raison invoquée pour les décharger, s’indigne Georges Commadan, ce sont les mauvais résultats au Certificat d’études primaires session de juin 2016. Cette manière de faire ne respecte pas l’article 36 de arrêté 140 de juin 2012. Cet article, précise-t-il, dispose que pour être déchargé, le directeur doit avoir produit sur trois années successives des résultats inférieurs à 50% au Cep. Mais au lieu tenir compte de trois années comme le dit le texte, le ministre se contente de la contreperformance de 2016 pour décharger les directeurs. «C’est de l’humiliation qui frustre», lance-t-il en élevant le ton pour signifier son degré d’indignation.
Mieux, s’il faut sanctionner pour les mauvais résultats de 2016, on doit prendre en compte non seulement les directeurs. «La sanction devrait aller du ministre aux chefs de circonscription en passant par les directeurs départementaux de l’enseignement maternel et primaire et les conseillers techniques du ministre qui ont demandé de faire passer les enfants du CI et des autres classes de transition sans mesure», soutient avec vigueur Georges Commadan.
Il ne manque pas de s’indigner des contradictions entre les explications du ministre et les nouvelles nominations. Toutes ces nominations ne respectent pas, selon lui, les grades. Prenant son cas, il précise qu’il a été remplacé par un plus jeune que lui qui a été nommé pour le remplacer. «Je suis en B1-5 plus Cap et quelqu’un de C1-3 plus Cap m’a remplacé», révèle-t-il. Le plus grave, poursuit Georges Commadan, c’est qu’on a déchargé «les A3-11 et A3-12 qui sont à quelques mois de retraite et que l’on juge incompétents». «De quelle incompétence notoire parle le ministre dans son arrêté ?» se demande le porte-parole des directeurs déchargés.
Par ailleurs, il dénonce aussi les mauvaises conditions qui ont engendré ces résultats sur lesquels se fonde le ministre Salimane Karimou pour décharger les directeurs d’écoles. A cet effet, il révèle que «des écoles à six classes ont fonctionné avec deux ou trois enseignants et ceci pendant plusieurs années». Et selon lui, les résultats des années précédentes ne sont pas vrais. «L’Etat a caché le vrai visage des résultats du Cep depuis plusieurs années pour faire croire aux parents d’élèves et aux partenaires techniques et financiers que l’école béninoise se porte bien», dénonce encore le président du collectif des directeurs d’écoles victimes de l’arrêté 219 ¦
Alain ALLABI