Cotonou, Le patrouilleur Alibori monte et descend sur les hautes vagues du Golfe de Guinée. La mer est mauvaise en cette période de l'année, mais le bateau de surveillance garde le cap et sa priorité: ne plus
revivre l'année noire de 2011 où le Bénin avait connu 21 attaques dans ses eaux.
Vol à main armée, prise d'otages, détournement de pétroliers... du "brigandage maritime", c'est le terme consacré en mer. Un sommet de l'Union africaine est organisé samedi à Lomé (Togo) sur la question.
Le Golfe de Guinée est devenu l'épicentre de la piraterie maritime en Afrique et le Bénin souffre directement des métastases des groupes armés de son voisin nigérian.
A partir de 2011, le pays a décidé de prendre les choses en main et dès 201, il ne recensait officiellement plus aucune attaque.
Gris anthracite, l'Alibori avance à vive allure vers l'une des trois zones de mouillage installées dans les eaux béninoise où quelques bateaux ont jeté l'ancre.
Vraquiers, tankers et cargos attendent pour entrer dans le port de Cotonou ou sont simplement de passage dans la zone. "C'est notre rôle de les sécuriser", affirme le commandant de l'Alibori, Jonas Noukpleguidi.
Il faut dire que le "brigandage" coûte cher au petit pays d'Afrique de l'Ouest. Classé à "haut risque" par les compagnies d'assurance qui augmentent alors leurs tarifs, le port de Cotonou coûte plus cher d'accès aux bateaux qui y accostent.
Dans un pays où 80% du budget national est assuré par son port, sécuriser les eaux était une priorité vitale.
"Il y a eu une volonté claire" de l'ex-chef de l'Etat Boni Yayi de prendre les choses en main, explique le capitaine de frégate Patrice Thomas, militaire français qui appuie le Bénin dans le cadre d'une coopération militaire.
Lors de son passage au siège des Nations unies en 2011, le président béninois n'a pas hésité à demander l'aide de la communauté internationale.
"Sans volonté politique, pas de financement et on a des coquilles vides. Les dirigeants ont compris que la sécurité était l'assurance-vie du pays", ajoute le capitaine Thomas.
- 'La mer est une richesse '-
Il a fallu d'abord équiper les forces navales. Au moment des attaques, la marine béninoise se composait de deux patrouilleurs chinois en panne et de petites embarcations.
Aujourd'hui, les bateaux chinois ont été réparés. Ils s'ajoutent à 3 patrouilleurs neufs commandés à la France et Pékin en a offert un autre.
Les bateaux français, dédiés à la surveillance, se relaient en mer à tour de rôle, 24 heures sur 24. "Les patrouilleurs sont fragiles, il faut des moyens pour la maintenance", confie le chef d'état-major adjoint de la Marine, Albert Badou.
"Les autorités en sont conscientes. On commençait à manquer de pièces détachées mais les fonds sont débloqués, on les aura d'ici décembre", assure-t-il.
Un second sémaphore, poste de surveillance établi sur une côte pour informer et communiquer avec les navires, est construit à Grand-Popo, sur la route du Togo, pour contrôler 120 km de côtes.
Équipés de radars et de caméras longue distance offerts par la France et les Etats-Unis, ils sont reliés en permanence à un centre de commandement au siège des forces navales. Sur un écran, une carte montre les bateaux au mouillage. Un autre donne l'identité des navires.
Au niveau régional également, le Bénin n'est pas seul dans sa lutte, mais la coopération entre les différents pays d'Afrique de l'Ouest reste un problème majeur, que le sommet de l'Union africaine de Lomé doit tenter de résoudre.
Cotonou accueille le Centre maritime multinational de coordination, créé après le sommet de Yaoundé de 2013 sur la piraterie, où huit officiers béninois, nigérians, nigériens et togolais travaillent.
Chaque pays fournit des moyens maritimes et aériens. Mais s'il y a eu des exercices, les patrouilles ne travaillent toujours pas en coopération.
Même s'il a fallu du temps et que la Préfecture maritime installée l'an dernier pour coordonner toutes les actions de l'Etat en mer n'a toujours pas le courant, le Bénin est souvent cité en exemple dans sa lutte contre la piraterie.
"Je me souviens qu'en 2011, je disais 'merci les pirates d'avoir réveillé nos politiques'", confie Maxime Ahoyo, ancien chef d'état major des forces navales et actuel préfet maritime. "Ils ont compris que la mer est une richesse. Elle doit devenir un moteur de développement."
str-spb/jlb