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Erosion côtière à l’Est de Cotonou Comment Talon lutte contre les vagues
Publié le jeudi 20 octobre 2016  |  Fraternité
Au
© AFP par Fiacre VIDJINGNINOU
Au Bénin, la plage de Togbin.




Patrice Talon réussira-t-il à contenir les vagues sur le littoral béninois ? Déjà six mois que les populations attendent en vain les travaux d’injection de sable, de construction d’épis intermédiaires et les murs de revêtement sur la côte Est à Cotonou. Mais dans les coulisses, l’heure est plutôt aux procédures.
Beaucoup ont cru que Patrice Talon devrait s’engager dans une course d’Athènes contre la mer. Mais sur le littoral, notamment dans cette semaine de marées hautes (18 octobre 1016, c’est toujours la routine : les vagues menacent, rongent et font des dégâts.
Au quartier Jack, la rue dédiée au Journaliste de Canal3, François Mensah ne tiendra pas encore longtemps. Du côté de Enagnon, les populations riveraines se couchent le soir avec la peur d’être envahies par les vagues. Puis se réveillent le matin avec l’assurance d’en avoir encore pour quelques jours. « Mais pour combien de temps ? », se demande dame Antoinette, qui jette la puisette dans le puis situé sur la plage. « Il y a trois mois, des gens étaient venus ici prendre nos noms. Puis ont demandé ce que nous avons perdu. J’ai vu d’autres personnes venir prendre des mesures sur la plage quelques jours après. Après, rien », se désole cette riveraine du quartier Enagnon.

La lutte, toujours au point mort
Les apprenants de l’école primaire publique de Enagnon espèrent eux aussi le démarrage des travaux pour sauver leur temple du savoir. Ici, tout en apprenant l’alphabet, on a à l’esprit que les vagues peuvent revenir à tout moment. « Au regard de ce que nous avons vécu l’année dernière, nous sommes encore sous le choc. Il y a des parents qui ont préféré ne pas inscrire cette année leurs enfants ici. La maternelle est obligée de nous rejoindre. Et vous voyez vous-même derrière là, le passage est dangereux », fait savoir Thérèse Kitikahoun, Directrice du Groupe B. A quelques années de sa retraite, elle ne croit plus trop que l’école résiste encore deux décennies à la mer. « Il faut que le Gouvernement agisse ! », lance-t-elle.
L’espoir des populations ces derniers mois repose sur la diligence dont a fait preuve le Gouvernement suite aux marées du mois d’avril dernier. Le Conseil des ministres en sa séance du 4 mai 2016 s’est engagé à mobiliser les ressources pour la protection et la valorisation de la côte. Cependant, le peuple attend toujours le début de la bataille contre la mer.
Par contre, dans les Directions techniques du Ministère du cadre de vie, l’heure est aux formalités administratives, notamment liées à la passation des marchés publics. Avec la Banque mondiale, la côte a été parcourue pour apprécier l’ampleur des travaux. Les dossiers d’appels d’offres sont lancés. Et les entreprises soumissionnaires sont attendues. « Le Chef de l’Etat n’est pas dans la politique spectacle. Il cherchait des financements. Il y avait une étude. Mais on n’avait pas les moyens pour l’actualiser afin de démarrer les travaux », dévoile Adolphe Tohoundjo, Directeur de l’aménagement des berges et des côtes, qui n’en dit pas trop non plus.

De nouveaux milliards dans la mer ?
En réalité, après l’implantation de l’épi d’arrêt de sable du Port Autonome de Cotonou, des perturbations ont été notées sur la côte. Il fallait actualiser pour entamer les travaux. La deuxième phase consistera à injecter du sable, à construire des épis intermédiaires et des murs de revêtement de 900 mètres. Ces mûrs de protection, linéaires à la côte, visent à empêcher le sable d’être emporté par la mer. « Les murs seront mis aux endroits sensibles. Sinon, nous n’aurons plus de plage. Il y aura des épis intermédiaires », précise le Directeur de l’Aménagement des berges et des côtes. Mais ce qui préoccupe également les populations, c’est le coût des travaux.
Les précédents travaux ont coûté environ 46 milliards de francs Cfa. Ils sont inscrits dans le cadre du Projet de protection de la côte à l’est de l’épi de Siafato. A nouveau, plusieurs autres milliards de francs Cfa sont attendus pour contrer les vagues. Un engraissement de la plage a été noté au niveau de certains ouvrages. Mais ailleurs, la menace est devenue persistante.
Certains riverains remettent en cause l’option des épis et craignent plutôt un nouvel échec. Allusion faite aux dégâts enregistrés en avril dernier, malgré les épis. Le Coordonnateur du Projet, Philippe Zoumènou se veut plus rassurant. « Ce n’est pas lié aux épis. On ne peut rien pour la marée haute, c’est-à-dire la sortie des vagues. Ce qui se passe est que quand la hauteur des vagues s’élève au-dessus des épis, ça chute. Et c’est normal. Les travaux de la deuxième phase prendront bien évidemment en compte les paramètres des phénomènes océanographiques », déclare Philippe Zoumènou. Et c’est pour éviter qu’on jette fréquemment des milliards dans la mer que le Gouvernement a fait cette fois-ci l’option de la valorisation en plus de la protection. Il s’agit donc d’un appel de pieds aux investisseurs, pour des aménagements balnéaires.

Bientôt l’heure des grincements de dents
Les travaux d’injection de sable vont démarrer bientôt. Des sites sont en train d’être identifiés dans le cadre du dragage de sable en mer pour nourrir la côte. Et certains riverains doivent être dégagés à nouveau. « Les sites de dépôt de matériels et de granites sont identifiés. Pour le dragage de sable, on a écrit pour que ceux qui sont
installés dans le domaine concerné soient déguerpis. C’est indispensable pour éviter les risques liés à la pollution et les accidents », annonce Adolphe Tohoundjo.
Nul ne sait le jour, pour le moment. Néanmoins, c’est plus qu’une certitude. Par contre, du côté des zones où l’érosion s’est accentuée, des riverains disent ne pas être pour le moment informés. Ils anticipent quand même pour réclamer un accompagnement social, « L’Etat ne peut pas nous laisser ainsi, il va certainement nous dédommager » martèlent Armand Gloussa et Alexandre Agonkpa, deux riverains au repos dans une case en bambou, couvert de sachets, et protégée par des dunes de sable.
Mais le Coordonnateur du Projet de lutte contre l’érosion côtière préfère rappeler les actions entreprises dans le cadre des travaux antérieurs en faveur des sinistrés. Il y avait plusieurs cas de sinistrés et les mesures ne sont pas les mêmes, précise-t-il. Les propriétaires terriens ont été dédommagés. Ceux dont on a loué les terrains ont connu la rétrocession de leurs biens. Le Gouvernement avait accompagné dans une certaine mesure ceux qui squattaient le domaine maritime. Ce n’est pas sans compter avec les protestations.
C’est donc une préoccupation qui pourra faire grincer les dents à nouveau. D’ici janvier prochain, Patrice Talon aura surtout à faire une vague de déguerpissements des domaines publics. C’est un prochain défi, en attendant de faire face à la mer.
Fulbert ADJIMEHOSSOU
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