Saluée pour sa remarquable gestion de l’élection présidentielle de mars 2016, la Commission électorale nationale autonome (Céna) est en pleine crise. Celle-ci est née de la gestion des ressources humaines. Le président de l’institution, Emmanuel Tiando, est accusé de gabegie et de népotisme par une partie du personnel fortement syndiqué et se réclamant du Syndicat des travailleurs de l’Administration permanente de la Cena (Syntrap/Cena). Mais l’accusé s’en défend et évoque l’article 38 du Code électoral en République du Bénin.
Après avoir récolté la palme de bonne gestion de l’élection présidentielle de mars 2016, la Céna vit au rythme d’un bras de fer entre le personnel syndiqué et le président. Dans un mémorandum rédigé, le Syndicat des travailleurs de l’Administration permanente de la Céna (Syntrap/Cena) accuse Emmanuel Tiando d’avoir instauré un régime de ségrégation et d’épuration dans la gestion du personnel. Au lieu de s’appuyer sur le personnel hérité de l’ex-Sap Céna et qui était en poste depuis 2008, les nouveaux commissaires installés le 1er juillet 2014 ont entrepris des recrutements massifs de nouveaux agents dont des retraités, informe le document. Dans ce processus, les membres de la nouvelle Céna ont profité pour placer leurs proches, certains parmi eux se sont vu confier des responsabilités sans aucune expérience en la matière. Ils ont été préférés aux 45 agents laissés par l’ex-Sap/Céna, dont un bon nombre aux compétences reconnues, contrairement aux nouveaux agents recrutés. Pour se prémunir contre des luttes et des manœuvres syndicales, le bureau de l’Institution prend en compte quelques uns des 45 agents pour compléter sa liste. Ces agents reversés sont en grande partie des responsables syndicaux et membres de la délégation du personnel. Cette politique, selon le Syntrap/Céna, vise à décapiter l’organisation syndicale, qui malgré tout tient bon, résiste et continue la lutte. On en était là quand, prétextant d’une demande à lui adressée, le président de la Céna décide de mettre le reste du personnel indésirable et sans attributions à la disposition du service des ressources humaines de la présidence de la République, étant donné que l’ex-Sap/Céna dépend de cette institution. Mais à la grande surprise, les quelques agents qui ont accepté rejoindre la Présidence ne sont pas les bienvenus à leur nouvelle destination. Sans bureau, sans attribution, sans occupation, ils sont laissés à eux-mêmes. Le problème a été déplacé de la Céna pour la Présidence où l’on compte déjà plus de 500 agents, un effectif casse-tête pour le nouvel Intendant Séraphin Agbahoungbata.
Tiando dans sa logique
Dans ce contexte flou, le président de la Céna s’apprête à relancer par correspondance les agents qui lui résistent afin qu’ils atterrissent à la Présidence de la République. Le personnel concerné ne l’entend pas de cette oreille et se réserve le droit d’entreprendre des actions d’envergure pour que la situation soit clarifiée. Face à cet état de choses, quelques questions reviennent sur les lèvres. Emmanuel Tiando est-il en droit de recruter comme il l’a fait ? Si oui, quel est l’avenir du personnel laissé par l’ex-Sap/Céna ? Et puis, si le personnel actuel de la Céna doit tenir jusqu’à la fin du mandat de sept ans, quel sort lui a-t-on réservé ? Dans une interview qu’il a accordée au groupe de presse Le Matinal, et dont la teneur est publiée dans cette édition, le président de la Céna évoque l’article 38 du code électoral pour justifier les recrutements opérés. Cependant, la loi est restée muette quant au traitement à réserver au personnel qu’il a trouvé en place à la prise de service de son équipe. Ce qu’il faut par ailleurs souligner, est que l’article 34, alinéa 1er du même code stipule que le Secrétariat exécutif de la Céna est chargé entre autres de la gestion du personnel de la Céna. Le Secrétariat exécutif désormais placé sous l’autorité de la Céna a remplacé l’ex-Sap/Céna qui dépendait directement de la Présidence de la République. Ayant estimé que la situation qui leur est faite n’est pas claire, le personnel permanent de la Céna est en colère. Les décisions querellées et récusées par le Syndicat nécessitent une analyse minutieuse et approfondie pour que le régime de la Rupture prenne conscience de la situation.
Fidèle Nanga
Emmanuel Tiando récuse les accusations
Le président de la Cena s’est exprimé au sujet des accusations soulevées par le Syndicat de l’institution contre sa personne. Emmanuel Tiando livre sa part de vérité dans cette interview dont voici la teneur.
Le Matinal : Mr le Président, quelle est la situation des 45 agents de l’ex-Sap-Céna ?
Emmanuel Tiando : Lorsque la Céna permanente a été créée, il est clairement indiqué dans l’article 38 du Code électoral que la Céna recrute son personnel. Cela implique qu’il n’existe plus de Sap-Céna dès qu’existe la Céna permanente. La Céna n’est donc pas obligée d’absorber le personnel de l’ex-Sap-Céna qui était en place. Ce personnel relève de la présidence de la République. Le palais nous a saisis pour que ce personnel lui soit reversé. Néanmoins, comme nous avons constaté qu’au sein de ce personnel, il y avait des agents qualifiés que nous recherchions, nous en avons pris parmi eux (ndlr : 21 agents sur les 45 de l’ex-Sap-Céna). Nous avons dit à ces agents que si nous avons encore besoin de compétences de ce personnel de l’ex-Sap-Céna, nous en ferons la demande au niveau de la présidence de la République, afin que le palais les mette à notre disposition. Mais c’est un personnel qui relève strictement de la présidence de la République.
Il y a encore un certain nombre parmi les agents qui sont encore à la Céna. Comment l’expliquez-vous ?
Ces agents ne veulent pas partir. Nous allons prendre une décision pour leur demander de retourner à la présidence de la république. Certains sont déjà retournés à la présidence de la République. Quant à ceux qui ne veulent pas partir, c’est pour des raisons qui leur sont propres. Nous allons saisir la présidence de la République afin qu’elle s’occupe de leur cas. C’est un personnel qui est payé sur le budget de la Présidence de la République.
Ces agents indiquent avoir travaillé pendant 23 mois sans avoir perçu des indemnités. Vous confirmez ou infirmez cette information ?
Ce n’est pas vrai. Ils ont régulièrement perçu leurs salaires en tant que personnel de la présidence de la République. J’ai souvent signé des papiers pour leur permettre d’aller prendre leurs salaires et même leurs indemnités de la présidence de la République. En ce qui concerne la Céna, dès lors que ce personnel du Sap-Céna a été utilisé dans le cadre de l’organisation des élections, nous leur avons payé des indemnités ou des primes, comme nous l’avions fait aux autres agents de l’Etat. Ils sont nombreux à être envoyés en mission d’évaluation du matériel électoral, en mission de paiement des agents électoraux, en mission pour effectuer le colisage. Toutes les activités organisées par la Céna qui ont connu la participation des membres du Sap-Céna, ont été rémunérées.
Est-ce qu’ils ont reçu les mêmes indemnités que le personnel que la Céna a recruté ?
Ce sont les mêmes indemnités lorsqu’il s’agit de faire les travaux de la Céna. Cela diffère quand il s’agit des indemnités qui dépendent du grade. S’ils n’ont pas le grade correspondant, nous ne pouvons pas leur donner des indemnités correspondantes. Ils ont tous les indemnités forfaitaires. Ce n’est pas vrai qu’on les a exploités sans les payer.
On apprend que chacun des commissaires à la Céna a une liste d’agents qu’il recrute. Votre réaction ?
L’article 38 stipule que la commission électorale recrute son personnel. Pour effectuer ce recrutement, ce sont les commissaires qui font des propositions et nous décidons en plénière des agents à recruter dans les cellules. C’est en fonction du profil qui est présenté que nous recrutons le personnel. Ce n’est pas une liste que quelqu’un doit apporter.
Propos recueillis par Rèliou Koubakin