L’arrêté préfectoral n° 8/0243/DEP-LIT/SG/SPAT/SA du 11 octobre 2016 portant instauration de l’usage des moyens de paiement dématérialisés dans les supermarchés et hypermarchés fait des vagues. Ce document signé par Modeste Toboula édicte une nouvelle norme dans son ressort territorial limité à la ville de Cotonou. Désormais, toute personne physique qui effectue des achats à partir de cinquante mille francs dans les supermarchés et hypermarchés implantés dans le département du Littoral devra faire recours aux services de deux opérateurs GSM identifiés pour s’acquitter du montant. Il en est de même pour les personnes morales. Mais dans ce cas, le montant des achats doit être supérieur ou égal à cent mille francs. Il n’en fallait pas plus pour que la polémique enfle. L’appréciation faite par la commission monétique nationale représentée par son président, Luc Kpènou fait douter de la pertinence de la décision.
Selon les normes de l’Union économique et monétaire Ouest-Africaine à laquelle appartient le Bénin, les particuliers sont appelés à faire recours aux moyens de paiement dématérialisés lorsque leurs achats atteignent le seuil de cent mille francs. Qu’est-ce qui a motivé le préfet du Littoral pour qu’il revoie le montant à la baisse ? Un autre hic de cette décision est lié à la désignation des deux opérateurs Gsm auprès de qui les usagers des supermarchés et hypermarchés sont appelés à s’abonner pour bénéficier des services de transfert d’argent. Comment comprendre qu’une autorité publique appelée à être neutre dans la prise des actes administratifs prenne fait et cause pour certains opérateurs privés au détriment d’autres ? Il n’y a pas que les opérateurs Gsm qui offrent des moyens de paiement dématérialisés à leurs clientèles. Les établissements financiers, les banques en l’occurrence, sont beaucoup plus qualifiés pour offrir ce type de services. Mais le préfet n’a pas laissé libre cours aux citoyens dans le choix des moyens conventionnels de paiement dématérialisés qui s’offrent à eux.
Cet arrêté qui fait couler beaucoup d’encre et de salive appelle une interrogation majeure. Ce texte, avant sa mise en vigueur, a-t-il été soumis à l’examen de la Cellule d’analyse des projets d’arrêtés ministériels et préfectoraux ? Si oui, les experts commis à cette tâche n’ont-ils pas ressenti le besoin de le recadrer pour éviter que le Bénin piétine les directives de l’Uemoa ? Lorsqu’au terme du Conseil des ministres du 24 août 2016, Pascal Irenée Koupaki, ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République annonçait la création de cette Cellule, il motivait la décision gouvernementale en ces termes : « Le Conseil a relevé que les actes règlementaires pris dans les ministères et les préfectures devront être en harmonie avec la politique de la nation dans tous les secteurs pour lesquels ces actes sont pris. Ces actes aussi doivent être en harmonie avec les plans, les programmes et les projets de développement approuvés par le gouvernement. Lesdits actes devront également traduire la volonté et la cohésion gouvernementales à toute épreuve ».
Avant sa signature, le projet d’arrêté a-t-il effectivement transité par cette Cellule ? Si oui, le gouvernement doit revoir sa copie. Si non, peut-être que le préfet a évoqué le motif de l’urgence ainsi que le prévoit l’article 5 du décret n°2016-530 du 24 août 2016 portant mise en place de la cellule d’analyse des projets d’arrêtés ministériels et préfectoraux, « le président de la République peut, en cas d’urgence, autoriser la prise d’arrêté ministériel, interministériel ou préfectoral. Le cas échéant, le projet peut être dispensé du présent mécanisme d’analyse a priori. En tout état de cause, l’acte ainsi pris sera ensuite transmis au Secrétariat général du gouvernement en vue de son analyse et de son enregistrement ».
24-10-2016, Moïse DOSSOUMOU