Le patron des patrons béninois est placé en garde à vue depuis le vendredi dernier. Mis en cause dans une affaire de saisie de drogue au Port autonome de Cotonou, Sébastien Ajavon n’est plus libre de ses mouvements. C’est un dossier qui a fait "trembler" Cotonou ce week-end. Ce jour lundi 31 octobre 2016 reste un jour décisif pour ce qui est de la suite à donner au dossier par le Procureur de la République. Le candidat arrivé 3ème à la présidentielle va-t-il être libéré et mis sous convocation ou le procureur va-t-il décider de sa mise sous mandat de dépôt ou le retourner à la Brigade ?
Sébastien Ajavon vit des moments difficiles. Ces dernières heures ont été réellement éprouvantes pour la deuxième fortune du Bénin (Classement Forbes Afrique, 2015) même si certaines images le montrent tout sourire. Depuis le vendredi 28 octobre 2016, sa liberté a été restreinte. Il est en garde à vue à la Compagnie territoriale de gendarmerie de Cotonou. L’homme d’affaires devrait être présenté au Procureur de la République près le Tribunal de Cotonou ce matin. Mais avant d’être immobilisé ce vendredi, il était un peu plus tôt face à la presse dans un grand hôtel de Cotonou. Sébastien Ajavon et ses proches collaborateurs ont donné leur version des faits dans ce qu’il convient d’appeler «affaire des 18 Kg de cocaïne». Des produits prohibés ont été découverts selon la Brigade maritime dans la nuit du jeudi au vendredi dans l’un des containers destinés à la société Comon Sa de Sébastien Ajavon. Trois agents commis de Comon Sa ont été interpellés dans la foulée. Selon le Commandant de cette Brigade, c’est une grosse prise qui a été faite grâce aux informations fournies par la Direction des services de liaison et de la documentation (Dsld). En réponse aux «interprétations tendancieuses » et visant à détruire l’image de sa société, le patron de Comon Sa n’y est pas allé de mains mortes. Il a démenti l’implication de sa société dans la sombre affaire et dénoncé « une manière de voyous » (Lire ci-contre sa réaction). Il voit dans cette affaire des traces de complot. « Les produits n’ont pas été dissimulés dans les cartons mais laissés à l’entrée du container. Ca fait honte. Ça ne fait pas du bien à notre pays», a-t-il déclaré. Un des avocats du roi de la volaille a qualifié lui de « simulacre de découverte » la saisie opérée au Port autonome de Cotonou. Il clamera l’innocence de Comon Sa : «Comme le disent les règles du transport maritime, jusqu’à la réception des marchandises par la production des originaux du connaissement, la responsabilité, pleine et entière du consignataire est engagée. C’est dès que vous réceptionnez votre commande que cette commande est placée sous votre responsabilité. A cette date, en dehors des douze containers réceptionnés, les deux containers ne sont pas sous la responsabilité de la société Comon Sa. Et comme vous le savez bien, Comon Sa n’importe pas de la drogue. Elle importe des volailles ». Sébastien Ajavon qui flaire un coup de ses alliés politiques de la Rupture n’a pas caché sa sérénité : « Je fais confiance à la justice qui est le dernier rempart».
Début des ennuis…
Les choses sont allées très vite ce vendredi. En effet, des forces de l’ordre attendaient le patron des patrons à l’entrée de l’hôtel où il tenait son point de presse. Il a donc été accueilli par les éléments de la Brigade maritime après son adresse aux médias. Il sera conduit à la base de ladite Brigade. Ses admirateurs venus nombreux au point de presse l’ont suivi également. Inquiets de ce qui pourrait arriver à leur leader gardé par les gendarmes, ils ont réclamé sa libération. Ils ont été joints par des badauds, des hommes politiques proches de Sébastien Ajavon et des leaders syndicaux. Pendant près de quatre heures d’horloge, les manifestants ont mené la vie dure aux forces de l’ordre qui les ont pu difficilement contenir. Sébastien Ajavon sera envoyé à l'Office central de répression du trafic illicite des drogues et des précurseurs (Ocertid) pour audition. Mais l’office a refusé de recevoir ce gros client. Officiellement, il ne connaît rien de la procédure engagée par la Brigade maritime. Le cortège de forces de l’ordre se dirigera alors vers la Compagnie territoriale de gendarmerie de Cotonou sous les cris des proches du Patron de Comon-Cajaf. A Gbéto, il sera placé en garde à vue. Ses soutiens ne l’entendaient pas de cette oreille. Ils voulaient obtenir la libération du candidat malheureux à la présidentielle de 2016. Les forces de l’ordre qui ont décelé les risques d’émeutes qui planaient, ont renforcé le dispositif sécuritaire ceinturant ladite Brigade. Sébastien Ajavon passera la nuit du vendredi au samedi hors de son domicile douillet. Le samedi, ses admirateurs surexcités ont manifesté leurs mécontentements à quelques mètres de la Compagnie territoriale de gendarmerie en brûlant des pneus. Seulement, leur engagement n’a pu rien changer. Leur leader a dormi la deuxième fois consécutivement à Gbéto. Sébastien Ajavon, Christian Tolidji Barnabé Nouassi et Nestor Ajavon y ont fait leur troisième nuit aussi. Et ce, sans être écoutés à en croire les avocats qui les défendent.
Une commission d’enquête spéciale…
Le samedi soir alors que la confusion régnait par rapport à la procédure judiciaire en cours, une source proche du Parquet de Cotonou fera une annonce. A l’en croire, une commission d’enquête a été créée pour faire la lumière sur les conditions de la découverte des 18 kg de cocaïne. Elle sera dirigée par le premier substitut du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Cotonou, le responsable adjoint de l’Ocertid et le commandant de la brigade maritime. Me Alain Orounla, l’un des avocats de Sébastien Ajavon, a bien accueilli cette décision. Néanmoins, il la trouve curieuse puisque n’ayant pas pour lui de fondement dans le Code de procédure pénale.
Un lundi décisif
Sébastien Ajavon sera écouté ce jour par le Procureur de la République. Selon nos sources, le milliardaire sera au palais de justice de Cotonou. Vu la popularité du mis en cause, le palais sera fortement militarisé. Le dispositif sécuritaire sera lourd pour éviter les mouvements de foule. Mieux, la décision du Procureur de la République pourrait radicaliser ou non la position des soutiens et sympatisans de l’homme d’affaires ; des admirateurs déterminés à faire libérer leur leader. La journée de ce lundi est celle de tous les dangers.
A.S
Talon dans la restauration de l’autorité de l’Etat
Les commentaires fusent de toute part depuis que l’homme d’affaires Sébastien Ajavon a été placé en garde à vue. Il y en a d’excessifs et violents, mais d’autres sont mesurés. L’interpellation du président du patronat béninois doit sans doute inquiéter les milieux d’affaires. C’est une évidence. Seulement, interpeler un citoyen constitue un acte élémentaire d’une enquête judiciaire. Et cela ne devrait pas affoler les foules. Ce qui est plutôt regrettable et condamnable selon certaines langues, c’est la posture adoptée par le patron de Comon-Cajaf les premières heures de l’éclatement de l’affaire. En effet, d’aucuns estiment qu’il a commis une bourde en organisant le point de presse du Bénin Marina hôtel. Si point de presse, il devrait y avoir, l’armée d’avocats qui le défend, pouvait bien jouer ce rôle. L’idée, c’est que le magnat de la volaille évite des erreurs, des écarts de langage qui pourraient jeter de l’huile sur le feu dans un dossier sensible. Le vendredi dernier face à la presse, Sébastien Ajavon a commis quelques maladresses : « (…) Si vous faîtes des vices de forme sur ce dossier, ça va mal se passer. On est dans un pays civilisé et vous ne pouvez pas nous faire peur. Si Yayi n’a pas pu me faire peur, ce n’est pas vous qui me feriez peur ». Ce propos d’un opérateur économique craignant certes pour ses affaires, contient de la menace et défie l’autorité du président de la République et du régime auquel il a souscrit. Une vraie anomalie dans un Etat démocratique où lui-même dit pouvoir compter sur la justice. En enclenchant la procédure devant permettre de faire la lumière sur la sombre affaire, la justice entend, visiblement relever, sous le régime de la Rupture, un défi : ne pas céder à la pression d’un citoyen, fût-il une grosse fortune. Au lieu d’une conférence de presse, le patron des patrons au Bénin, pouvait s’en remettre à la justice, c’est-à-dire user des voies de recours. Et il est loisible de les utiliser lorsqu’on est frustré par toute décision attribuée aux institutions. L’ancien président Yayi Boni a par sa gestion, permis à certains privilégiés de défier l’autorité de l’Etat. Sébastien Ajavon qui est présumé innocent, devrait savoir que le pouvoir a changé de main depuis le 6 avril et que Patrice Talon n’est pas Yayi Boni. S’il a donc une bataille à amener pour défendre son image, ce sera celle menée en toute sérénité devant les cours et tribunaux de la République.
Mike MAHOUNA
Un peu de zèle
Dans cette affaire de drogue, retrouvée dans l’un des conteneurs de Cajaf Comon, beaucoup de Béninois restent perplexes devant ce qu’ils qualifient de zèle du capitaine de la Brigade de gendarmerie du Port autonome de Cotonou, Fataou Tchilao. Ils s’interrogent sur la célérité avec laquelle cet officier a pu identifier le type de drogue ou de stupéfiant et évaluer son coût en Cfa (9 milliards), ceci sans aucun test scientifique. Même si avec l’habitude, il s’y connait en estimation, cela recommande une certaine prudence lorsqu’on est devant une affaire dont on ne maîtrise pas encore toutes les implications. Cette façon pour certains commis de l’Etat de prendre le devant dans une affaire qui n’a pas encore livré tous ces secrets, suscite des questionnements. Alors qu’ils ne sont chargés que de veiller à l’application de la loi, certains agents donnent l’impression d’agir pour plaire à X ou Y. Cela rappelle les reproches faits à un commissaire de Police sous l’ancien régime dans l’affaire dite de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat en 2012. Pis, les mêmes observations sont faites au sujet de la vidéo illustrative de la découverte dans le container. L’homme en tenue locale « lessi » bleu était presque certain de trouver de la drogue à cet endroit précis du conteneur. L’avait-il déjà préalablement détecté ? Si oui, par quel procédé? Autant de points d’ombre soulevés par certains. Sans doute que la Justice apportera les éclaircissements nécessaires.
B.H
Le Bénin ne mérite pas ça
Avec tout le combat mené à tort ou à raison contre le pouvoir de Yayi Boni, et l’espoir qu’a suscité la Rupture ou le Nouveau départ, beaucoup de Béninois sont aujourd’hui dans le regret, à bien suivre les commentaires, surtout depuis vendredi 28 octobre 2016. Pour nombre d’observateurs, c’est parti pour quatre années de crises politiques et sociales dans le pays comme ce fut le cas entre 2012 et 2016 avec les affaires dites ‘’tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat’’. Car, qu’on le veuille ou non, Sébastien Ajavon arrivé 3ème à la présidentielle de mars 2016 avec plus de 23% des suffrages n’est pas n’importe qui quand bien même nul n’est au-dessus de la loi. Sebastien Germain Ajavon, c’est beaucoup de soutiens politiques. Et, la présence d’acteurs de la société civile et de syndicats à ses côtés depuis vendredi, en dit long. Le Bénin qui sort d’une élection présidentielle et qui devrait amorcer ses réformes en vue de son développement, mérite-t-il une telle nébuleuse dite affaire de drogue, qui ne fait que ternir son image au plan international et surtout celle de ses investisseurs? Nul doute que cette affaire aura des implications sur le terrain politique et dans l’administration publique. Beaucoup d’observateurs et analystes parlent déjà d’une humiliation du magnat des produits congelés et président du patronat du Bénin.
C.K
Un remaniement se profile
Un vent de remaniement souffle. Oui, on est tenté de l’affirmer, au regard de l’actualité au Bénin. En effet, Si depuis 6 mois, les choses semblent ne pas bien tourner entre le chef de l’Etat, Patrice Talon et son soutien à la présidentielle Sébastien Ajavon, cette affaire de découverte de drogue dans l’un des containers destinés à sa société Comon-Cajaf est venue pourrir cette ambiance.Tout est possible en politique, dit-on. Mais, la situation actuelle laisse peu de chance au miracle de se produire, selon des observateurs. Et pour cause. Sébastien Ajavon qui soupçonne un complot, crie et menace. Si l’ancien président de la République n’a pas pu lui marcher dessus, ce n’est pas le pouvoir de Patrice Talon qui pourra le faire, a-t-il averti en ajoutant que si les enquêtes ne sont pas faites dans les règles de l’art, « ça va mal se passer ». Et juste après sa conférence de presse au Bénin Marina Hôtel, il sera privé de liberté. Une horde de gendarmes l’attendaient déjà dehors. C’est définitivement le clash et le divorce consommé entre les deux hommes, selon des observateurs. Il se susurre aussi que quelle que soit l’issue de cette affaire, le président du Patronat n’acceptera plus que ces trois ministres au gouvernement, continuent d’y siéger. Le patron des patrons au Bénin pourrait soit les rappeler, et là les intéressés vont déposer leur démission collective ou bien le chef de l’Etat anticipe et procède à un remaniement de l’équipe gouvernementale. Samedi déjà, la rumeur a couru. Les prochains jours nous fixeront davantage.
J.B
Un soutien hésitant et hypocrite
Outre la mobilisation spontanée de certaines populations qui ont donné de la voix dans la journée du vendredi à samedi, dans le rang des acteurs politiques et certaines figures de la société civile, on pouvait noter de l’hésitation depuis vendredi. A la limite, c’est un soutien à Ajavon mêlé d’hypocrisie. Contrairement à un passé récent où certains contestaient avec véhémence et même en direct sur des plateaux de télévisions et radios contre ces cas d’interpellation, quelques rares étaient aux côtés du patron de Comon Cajaf aux premières heures de son arrestation. C’est dans la totale discrétion que certains acteurs et pas des moindres ont pu rallier, malgré eux sans doute, la compagnie de gendarmerie, 48 heures après. Pour les rares qui ont fait le déplacement et veillé, c’est avec beaucoup de peine que la presse a pu leur arracher quelques propos. Le constat a étonné plus d’un au point où certains se demandent ce qu’il a pu se passer entre janvier 2016, la période électorale où le candidat Ajavon drainait de gros soutiens politiques et le 28 octobre, jour de son interpellation ?
M.M