Suite à la supposée découverte le vendredi 28 octobre 2016, d’environ 18 kg de cocaïne pure dans un conteneur en provenance du Brésil et destiné à COMON SA, Sébastien Germain Ajavon et trois de ses collaborateurs ont été gardés à vue pendant une semaine. Commence alors l’intrigue judiciaire autour d’un dossier peu fondé que des esprits voulaient politiser. Après leur comparution enfin en correctionnel suivant décision du procureur de la République, ils sont relaxés pour délit non constitué tard dans la nuit du vendredi 4 novembre 2016.
Seuls ceux qui ont connu l’expérience de la privation des libertés de mouvements et de paroles peuvent apprécier, mieux que les autres, ce qu’est la liberté.
La liberté retrouvée
« Je remercie le Seigneur de m’avoir fait voir comment vous êtes aimables. Je ne savais pas que vous seriez si aimables. Merci beaucoup ! Merci beaucoup ! Nous n’avons qu’un seul pays et nous n’allons pas l’embraser. Nous n’en avons pas deux. Nous devons tout faire pour que la paix revienne dans le pays. ». Ce sont les premiers mots post détention de Sébastien Germain Ajavon depuis l’église catholique Saint Michel de Cotonou où lui et ses collaborateurs se sont rendus après sa libération et celle de ses trois collaborateurs à savoir Nestor Ajavon, Christian Tolodji et Barnabé Yéloassi. Un message fort en langue française, fon, mina, goun et dendi à l’endroit des millions de Béninois acquis à sa cause et représentés par l’immense foule qui, empêchée de prendre place au prétoire, a fait la veille jusqu’à 22h45 pour assister à la relaxe pure et simple de celui qui aurait pu devenir leur « Nelson Mandela ». Libres de tous leurs mouvements et vu qu’aucune charge ne pesait plus sur eux, ils ont regagné leur domicile et cellule familiale respective dans la nuit de ce vendredi 4 novembre 2016. A la grande joie de tous ceux qui ont vécu avec eux ces moments douloureux de privation et qui n’ont cessé de leur exprimer leur soutien moral.
Un temps fort de cette libération est l’exécution de l’hymne national par une assistance qui n’a pas laissé au juge, le temps de faire la lecture de l’acte consacrant leur libération. Un moment épique qui se passe de commentaires à voir la personnalité de l’homme d’affaires, homme politique et mécène dont la condamnation était la chose la moins attendue mais aussi, la qualité du travail abattu par la justice pour arriver à ce verdict.
Le triomphe du droit
Il s’en est fallu de peu et le Bénin aurait pu s’embraser. Malgré les vices de formes ayant travesti un dossier déjà tronqué en amont et qui commençait par être politisé, le droit a été dit et la vérité a triomphé à la satisfaction générale même s’il se trouve des Béninois et expatriés qui n’ont pas approuvé cette décision de justice. Une décision de justice qui, au-delà de toute passionaria, n’a souffert d’aucune interférence. C’est en toute indépendance, dans la transparence et le respect de la séparation des pouvoirs, une des fiertés de la démocratie béninoise que l’innocence des quatre accusés a été reconnue.
Le dénouement heureux de cet épisode malheureux n’efface pas les interrogations qui demeurent toujours. Qui sont les commanditaires de ce coup fourré ? Quel est l’objectif visé à travers ce coup fourré ? L’un dans l’autre, c’est la carence de ces cadres experts en montage de tous genres, friands de compromissions, manipulateurs, maîtres chanteurs et accusateurs qui a été révélée au grand jour. Toujours dans l’optique de faire aboutir leur forfaiture, les commanditaires ont agi dans la précipitation afin que les preuves rassemblées dans le feu de l’action soient suffisantes pour enfoncer le clou et accabler d’innocents citoyens. Mais peine perdue.
Au tribunal, les coupables ont plaidé non coupables dégageant ainsi la responsabilité de COMON SA dans les opérations d’embarquement, de transbordement et de débarquement avant de notifier que les scellés du conteneur incriminés ont été violés et substitués. Interrogé par le juge Jacques Hounsou : « Il vous (Sébastien Ajavon) est reproché d’avoir à Cotonou, le 27 octobre, un temps non couvert par la prescription et sur le territoire national, d’avoir contrevenu aux dispositions législatives et règlementaires l’importation et le transport de la drogue à haut risque, fait prévu et puni par l’article 96 de la loi 97-025 du 18 juillet 1997 sur le contrôle des drogues et précurseurs. Est-ce que vous reconnaissez les faits ? ». « Non, Monsieur le président. Je ne reconnais pas les faits ». Ainsi, le juge Jacques Hounsou a invité les témoins à la barre. Les dépositions de cinq témoins dont des officiers de la gendarmerie, de la douane et de la police sur les faits relatifs à la découverte du colis prohibé, la substitution des scellés et le lien entre les prévenus et l’infraction citée ne changeront rien au cours d’un procès vidé de son contenu. Dans ce dossier mal ficelé et dont la plaidoirie musclée a duré dix heures d’horloge, la prestation de quatre du collectif des avocats de la défense a été remarquable. Tout comme les réponses du principal accusé, Sébastien Germain Ajavon qui, se retrouvant dans la robe du 28ème avocat a fait preuve d’un sang-froid extraordinaire pour démonter, une à une, toutes les questions pièges à coups d’arguments pédagogiques ne souffrant d’aucune contestation à travers les réponses qu’il apportait à l’accusation qui a certainement perdu son latin. A la fin de la plaidoirie et du verdict final qui s’en suivit, aucune tête d’accusé n’est tombée. C’est la relaxe pure et simple des quatre accusés qui est prononcée annulant les 10 ans d’emprisonnement ferme requis par le ministère public.
Le silence de l’Exécutif
L’article 126 de la Constitution béninoise stipule : « La justice est rendue au nom du Peuple béninois. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles ».
Le silence des membres du gouvernement, particulièrement du ministre de la Justice et tout particulièrement du président de la République ont surpris plus d’un et alimenté des supputations. Sur ce dossier, des Béninois en sont arrivés à des conclusions hâtives et tendancieuses. Pour faire croire que, l’Exécutif avait sa main dans ce dossier poudreux qui a failli être politisé à cause des manifestations de rue et de certaines prises de position. Aussi, pour calmer le jeu et pour ne franchir la ligne rouge qui aurait pu conduire à cette dérive, des acteurs de la société civile, des syndicalistes, Me Robert Dossou, ancien président de la Cour constitutionnelle et Nicéphore Dieudonné Soglo, ancien président de la République et ancien maire de Cotonou ont appelé à la normalisation de la procédure judiciaire et à une gestion professionnelle du dossier, dans la transparence et en toute impartialité.
Mais se prononçant sur ce dossier et sur le silence gouvernemental, Wilfried Léandre Houngbédji, Directeur de la communication à la présidence a tranché le dimanche 30 octobre 2016 sur une radio privée de la place : « La séparation des pouvoirs exige que la justice et les corps spécialisés dans l’affaire fassent leur travail et nous renseignent. Le gouvernement ne viendra pas dire quelque chose dans un dossier qui ne le concerne pas ».
Autant que cela peut surprendre, quand on analyse le contexte démocratique et les réalités sociopolitiques du Bénin, le gouvernement ne pouvait pas avoir meilleure position que celle décriée. Une intervention du ministre de la Justice ou du président de la République aurait été assimilée à l’immixtion de l’Exécutif dans le judiciaire. Et si sa libération était intervenue sur cette base, elle serait le fruit d’une compromission qui aurait fait le lit au flot de réactions pour dénoncer une justice à deux vitesses et pour dénoncer également les entorses faites à la démocratie béninoise. Il aurait été certes libéré mais se verrait condamné par la mémoire collective avec son honorabilité et son intégrité morale atteintes à jamais. Il serait physiquement libre mais moralement condamné. Cette déviance servirait alors de passerelle à des dérives de la part de nationaux et expatriés qui transformeraient ainsi le Bénin en plaque tournante de l’illicite. Ce qui aura évidemment comme conséquence de faire fuir les investisseurs.
Sébastien Germain Ajavon et ses trois collaborateurs peuvent être fiers. Fiers d’avoir été libérés sur la base d’un dossier non constitué. Fiers d’avoir été libérés sans la moindre immixtion de l’Exécutif dans le judiciaire. Fiers de la démocratie en cours au Bénin où, le respect de l’indépendance des pouvoirs est une réalité. Ce qui a manqué cependant, c’était le message de paix à délivrer à la population vu les foules de rue et les tons de plus en plus élevés.
Situer les responsabilités
Tout est bien qui finit bien. Le sulfureux dossier poudreux dont le mauvais dénouement qui aurait peut-être connu une tournure dramatique est vidé et la suite confiée au juge qui a en a hérité et qui est chargé de mener les enquêtes complémentaires jusqu’à la manifestation totale de la vérité. Une vérité dont la recherche doit conduire le juge à rechercher en amont et en aval, tous ceux qui sont mêlés audit dossier. Retrouver les auteurs de ce montage grossier n’ajoutera qu’aux lauriers qu’engrange la justice béninoise dont l’indépendance ne souffre d’aucune contestation.
La manière dont ce dossier a été monté apporte de l’eau au moulin du président de la République qui, il y a six mois de cela, parlait de « désert de compétences ». A l’époque, c’était des compétences qui avaient pris le relais pour lui dénier ce langage osé. A-t-il tort ? Là n’est pas la question certes, mais elle s’invite dans les débats. Il est temps que les mentalités changent. Il temps que les Béninois sortent des liens de la «béninoiserie » pour s’occuper des vraies questions de développement du pays dans un esprit participatif.
Kolawolé Maxime SANNY
ENCADRE
« Je ne faiblirai pas, la vérité triomphe toujours »
(Dixit Sébastien AJAVON)
Dans un message sur son compte Twitter au soir du 28 octobre, Sébastien Germain Ajavon a remercié les béninois pour leur soutien assuré qu’il est qu’il tiendra bon pour laver son honneur, celui de sa famille, de sa société et de ses salariés. Lisez l’intégralité du message.
« Je ne faiblirai pas. La vérité triomphe toujours. L’honneur de ma société, mes salariés, ma famille sont en jeu. C’est mon éducation…Je reste confiant en la justice de ce pays, de notre pays. Mobilisons-nous pour faire avancer notre cher pays en toute probité… Après avoir tenté vainement de contraindre l’OCERTID à récupérer ce dossier vide, je fus conduit à la brigade territoriale pour… l’OCERTID a refusé de prendre le dossier. Il faut saluer l’attitude républicaine de cette structure qui a dû prendre ses responsabilités. J’ai été conduit à la gendarmerie maritime de Xwlacodji où je suis resté de 18h à environ 22h pour une déposition. L’attente fut ensuite… J’ai dépêché un huissier pour en faire le constat en présence des autorités de notre pays. Témoin : Les documents accompagnant mon conteneur. A quelle température se trouve le produit ? A-t-on pris les empreintes sur ce produit ? Le justiciable que je suis attends les réponses. Ce produit se trouverait en vrac dès l’ouverture dudit conteneur. Sans aucune cachette. Quelques questions s’imposent : Il s’agit d’un conteneur comportant plus de 2600 cartons de gésiers. Le produit dit trouvé par la gendarmerie maritime se trouverait… J’y suis sans savoir pourquoi en espérant qu’on me le dise et qu’on trouve surtout ceux qui ont violé mon conteneur. J’y suis donc encore. Il est 2h du matin. J‘y serai encore jusqu’à 10h. Je crois en notre démocratie. Vous y croyez comme moi. … »
KMS