Le Président du Front des Républicains pour le Développement de la ville de Porto-Novo (Frd) se positionne comme un des soutiens déterminés du pouvoir actuel. A travers cette interview réalisée le vendredi 28 octobre dernier, Jacques Migan se prononce sur les actions du Président Talon au cours de ses 7 premiers mois de gouvernance et décline les conditions de réalisation du Programme d’actions du Gouvernement(Pag). De l’interdiction des activités des organisations d’étudiants à l’affermage des hôpitaux en passant par les raisons de son soutien à Talon, l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin apprécie et resitue les décisions dans leur contexte.
Sept mois après son installation, le Gouvernement Talon a adopté son programme d’actions pour le quinquennat. Peut-on dire que durant tout ce temps, on gouvernait sans boussole ?
Il serait excessif de dire que le Président Talon gouvernait sans boussole. Avant qu’il ne soit élu, Patrice Talon a parcouru tout le pays pour expliquer sa vision au peuple. Il allait à la rencontre de chaque Béninois pour expliquer son projet de société. Et il a été élu. Dire alors qu’il gouverne sans boussole ne serait pas juste, surtout que ce projet de société a été approuvé par 65% des Béninois. J’ai entendu dire qu’il a été élu par défaut. Sébastien Ajavon et Patrice Talon ont eu à démontrer leurs capacités à gérer à travers leurs projets de société. Indépendamment de ce projet de société, Patrice Talon a à son actif, comme Ajavon, des résultats. Ce sont des chefs d’entreprise qui ont créé beaucoup d’emplois à travers leurs sociétés. Alors, aujourd’hui aux responsabilités, est-ce que le président de la République Patrice Talon gouverne sans boussole ? Je dis non. D’ailleurs, son Programme d’actions a été adopté. Il revient à chaque Béninois de se l’approprier et au pouvoir de traduire ce programme d’actions dans toutes les langues pour sa diffusion.
Qu’est-ce qui justifie alors ce retard constaté dans l’adoption du Pag ?
Patrice Talon est arrivé aux responsabilités parce que soutenu aussi par d’autres candidats tels que Sébastien Ajavon, Pascal Koupaki, Abdoulaye Bio Tchané et d’autres encore. Nous avons constaté pour la première fois dans notre pays que chaque candidat à la Présidentielle avait son projet de société. Il fallait donc faire une synthèse et une harmonisation de tous ces projets pour avoir un programme d’action de développement de notre pays. Patrice Talon était prêt. Il n’a pas attendu d’être aux responsabilités pour commencer l’élaboration de son programme d’actions de Gouvernement. Si le Chef de l’Etat a mis du temps pour sortir son programme d’actions de gouvernement, c’est parce qu’il a constaté qu’il y a des situations urgentes à gérer lors de sa prise de fonction. Il fallait rapidement parer au pire. A sa prise de fonction, il y avait 47 milliards de francs Cfa dans les caisses de l’Etat alors qu’il fallait un minimum de 150 milliards de francs Cfa pour au moins payer le salaire des uns et des autres.
Komi Koutché a remis en cause ces déclarations du gouvernement liées à la dette
Un Etat ne ment pas. Pourquoi voudriez-vous que le gouvernement mente en affirmant qu’iln’a trouvé que 47 milliards dans les caisses de l’Etat l’obligeant à recourir à un emprunt obligataire ? Le gouvernement a sollicité un emprunt obligataire de 150 milliards de francs Cfa. Il a pu ainsi mobiliser 203 milliardsFCfa. La mobilisation d’une telle somme démontre la confiance qui existe aujourd’hui entre les Béninois et le Président de la République.
Selon-vous, quelles sont les conditions de réalisation de ce programme d’action du gouvernement ?
Il y a deux conditions. Il y a les conditions sur le plan interne et les conditions sur le plan externe. Sur le plan interne, il faut s’assurer de la mobilisation et de la disponibilité des ressources financières. La condition première de réalisation du programme d’actions du gouvernement du président Talon est essentiellement financière. L’enveloppe prévue, nous le savons tous aujourd’hui, est de 9.039 milliards de francs Cfa.
Alors, quelles sont les conditions importantes qui peuvent permettre de mobiliser ce montant puisque nous n’avons ni pétrole ni ressources naturellesqui serviraient àfinancerles actions inscrites dans ce programme.
Il faudrait mobiliser l’épargne nationale et les investissements directs étrangers.
Dans le cadre du financement du Pag, la mobilisation des investissements étrangers et de l’épargne nationale constitue selon nous, un levier important pour asseoir la prospérité et la compétitivité de notre économie. La mise en œuvre des réformes s’impose pour la mobilisation de l’épargne à travers des mécanismes simples, souples et incitatifs en vue de transformer les dépôts à vue dans nos banques en ressources longues pour financer les investissements productifs. Tenez, le système de microfinance, notamment les tontines, mérite d’être encouragé, renforcé et orienté vers le financement des activités des petites et moyennes entreprises (Pme) ou en encore des petites et moyennes industries (Pmi).
Quant aux investissements étrangers, ils viendront en complément de l’épargne nationale. Pour les attirer, il faut la stabilité sociale et politique et l’instauration d’un cadre institutionnel et réglementaire sécurisant.
En dehors des investissements directs étrangers et de l’épargne nationale, le Gouvernement a commencé un programme d’emprunt obligataire dont nous avons fait référence plus haut. Il conviendrait de poursuivre ce programme et d’en affecter une partie du produit au financement des investissements productifs inscrits dans le Pag.
L’Etat doit à ce niveau, créer les conditions appropriées garantissant la sécurité des titres.
L’un des objectifs prioritaires du Pag est la réduction efficace de la pauvreté. Les partenaires au développement ayant décidé de lier leur effort supplémentaire d’allègement de notre dette à l’objectif de réduction de la pauvreté, le gouvernement du Président Talon gagnerait à saisir cette opportunité pour mobiliser ses ressources et les consacrer au financement des actions inscrites dans son programme dont la réalisation concourt à cet objectif.
Mais l’Etat doit particulièrement veiller à une meilleure gestion et à une bonne coordination des ressources obtenues dans ce cadre.
La mise en place d’un système de suivi-évaluation permet de disposer d’un tableau de bord pour un meilleur pilotage de la réalisation des actions inscrites au Pag. La mise en œuvre du Pag se fera alors à travers tous les ministères et organismes sous leur tutelle. Ce système de suivi – évaluation aura de sens lorsqu’il sera conduit par un coordonnateur qui en ferait un compte rendu régulier au Chef de l’Etat.
Est-ce que le cadre financier décrit plus haut suffità concrétiser les ambitions ?
L’augmentation des recettes publiques, la mobilisation de l’épargne nationale et les aides au développement, voire les emprunts obligataires ne sauraient suffire à concrétiser les ambitions. Il faudrait l’appui du secteur privé. Je crois aussi qu’avec le vote de la loi sur le partenariat public privé, les actions prévues dans le Pag pourront être facilement financées. On a besoin des investisseurs privés, des banques pour accompagner le gouvernement parce que l’Etat à lui seul ne peut financer la réalisation de toutes les infrastructures inscrites dans le Pag notamment la construction des universités, de l’hôpital de référence et l’aéroport de Glo-djigbé, du troisième pont de Porto-Novo, des voies ferroviaires, des barrages et autoroutes etc.