Me Sadikou Ayô Alao est formel. L’exécutif doit se reprocher des choses dans l’affaire des «18 kilos de cocaïne pure» retrouvée dans l’un des conteneurs de Sébastien Ajavon, au port de Cotonou. Dans une interview accordée à nos confrères de La Nouvelle Tribune, le Président de Gerddes-Afrique, une Ong de promotion de la bonne gouvernance sur le continent, a été on ne peut clair sur les éléments probants qui, selon lui, accablent le régime dit de la «Rupture». Orden Alladatin, député de la mouvance parlementaire, ne partage pas cet avis.
«Il y a un organisme compétent en matière de trafic international de drogue qui est dans chaque pays et qui a une liaison internationale comme Interpol. C’est elle qu’on saisit dans les cas de trafic international. Et si au Bénin, on découvre un cas de trafic international de drogue, c’est cette même structure qu’est l’Ocertid qu’on doit saisir. Laquelle structure, jusqu’à ce que l’opération de perquisition, fouille, découverte ait été entreprise, achevée, n’a pas été impliquée. Mieux, au moment où, on a voulu officialiser l’opération de fouille, les plombs initiaux ne se retrouvaient plus sur le conteneur, ils ont été remplacés par des plombs locaux et tous les documents officiels de ce conteneur indiquent la numérotation des plombs d’origine qu’on doit retrouver. Qui a eu intérêt à faire sauter les plombs d’origine pour les remplacer par de nouveaux plombs et dans quelle intention l’a-t-on fait ? Tout ça c’est resté flou et dans le brouillard. Puis on vous inculpe Ajavon pour dire après qu’il est relaxé au bénéfice du doute. Il aurait dû être relaxé purement et simplement, parce que totalement étranger à la procédure, à tout ce qui a été fait et à ce qui a été découvert. Il n’y avait aucun motif de l’inculper. C’est pour ça que j’affirme : le tribunal a pris une décision à minima pour ne déplaire personne et contenter tout le monde», a fait observer Me Sadikou Alao. «C’est vrai, M. Ajavon a souffert dans sa chair. Il a été détenu pendant une semaine, jour pour jour, ce n’est pas rien. C’est un patron et ce qu’il doit avoir comme perte non seulement matériel mais surtout morale, est éminemment important. S’il faut remonter à l’origine, c’est une affaire initiée par son partenaire. Il ne faut pas oublier que cette affaire n’est pas tombée du ciel. Elle n’est venue ni de Paris, ni de Washington, ni de Lagos comme on n’a voulu le faire croire. L’affaire est partie du chef des services de renseignements de la Présidence de la République. Donc c’est lui qui a donné les instructions. Les services compétents n’ont jamais été saisis. C’est lui seul qui connaît les raisons pour lesquelles il a déclenché ça. Je crois que la première des choses, on doit demander à ce monsieur, d’où il tient ses informations. Sachant que c’est un militaire qui doit respecter la hiérarchie et les instructions, il a reçu l’ordre de qui pour déclencher cette affaire contre un partenaire de l’exécutif en place ? La question est très-très profonde. Si l’exécutif veut se dédouaner, dire qu’il n’est pas impliqué dans cette affaire, des têtes doivent tomber dans les jours à venir, et pas de petites têtes. Si aucune tête ne tombe, c’est que c’est la tête la plus sérieuse. Parce qu’on ne peut pas comprendre que quelqu’un qui relève directement du Président de la République, donne de tels ordres pour se fourvoyer dans la procédure de cette façon et humilier celui qu’on peut considérer à tort ou à raison comme le numéro 2 du régime. Il a aussi causé un préjudice incommensurable à la République», confie l’avocat à Olivier Ribouis et à Vincent Foly. «Ajavon peut se défendre en dénonciation calomnieuse pour faire reprendre l’enquête et obtenir des dommages et intérêts. Mais que peut le peuple béninois devant cette réputation sinistre que l’on vient de lui coller au dos, d’être une plaque tournante, avant officieuse, maintenant officielle de trafic de drogue. Ceci, sachant que nous sommes un pays de transit et que nous vivons essentiellement de ça et que notre port joue un rôle cardinal dans l’économie. Maintenant qu’on lui colle cette étiquette de plaque tournante de trafic de drogue, combien de personnes feront confiance à notre port pour les opérations de transit en pleine période de crise où le Nigéria a libéralisé tous ses ports et reçoit directement des importations, où des gens nous fuient pour aller au Togo ? Quel est notre avenir économique ? Est-ce que quelqu’un n’a pas voulu assassiner l’économie du Bénin ? Quelles sont les conséquences de cette offense suprême et quelles sanctions ? Si les vraies têtes tombent, est-ce que ce sera suffisant ? Sans ça, notre économie souffrait déjà», a-t-il précisé, avant d’affirmer que «ceux qui ont déclenché cette affaire n’ont pas beaucoup regardé comment se porte le Bénin aujourd’hui». «Le Bénin est à la veille d’une insurrection. Les gens ont faim. Des décisions incongrues sont prises. Beaucoup de provocations ont été engendrées par différents acteurs, pas nécessairement gouvernementaux mais subordonnés au gouvernement qui lui-même a pris et continue de prendre des décisions par murement réfléchies. Donc les gens étaient déjà surchauffés. L’affaire Ajavon est tombée à un moment où les gens étaient à la limite de la révolte et de l’insurrection. Heureusement que la justice a su gérer et apaiser. Mais si jamais, il s’en produit une deuxième comme ça, j’ai peur qu’elle ne soit fatale au gouvernement», a déclaré Me Sadikou Alao. «L’affaire est partie de la présidence. Quand même ! Ça été dit à la barre que celui qui a fait déclencher l’affaire, c’est le chef des services de renseignement de la Présidence de la République. Vous voulez quelle autre preuve ? Ça a été dit à la barre. C’est officiel. L’enquête l’a révélé, c’est lui qui a donné les instructions, on a appelé son nom à la barre. Ce n’est pas un secret, puisque ça été dit en audience publique. Donc c’est parti de là-bas. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement est peut être embarrassé», a-t-il réaffirmé.
Orden Alladatin appelle à la retenue
Pour des partisans du régime, «l’exécutif n’est pas responsable». Tous accusent une «main invisible» introuvable depuis l’éclatement du dossier. «J'ai suivi la réaction de chacun d'entre nous et même les insinuations tendancieuses et sans nuance de certains protagonistes de cette affaire depuis une semaine. Quand après ce feuilleton, j'entends parler de pardon et sans référence aucune à certaines autorités qui, par ailleurs dans cette affaire, ont été très vite vilipendées par nos dires et soupirs, nos actions et omissions; je me dis que l'accomplissement n'est pas total. Un pardon dans ce contexte et sous cette forme me donne un goût d'inachevé car, il ne répare pas les accusations à peine voilées du départ, au contraire. Les autorités indexées dans cette affaire sont aussi Fils de quelqu'un et ils ont aussi de la famille. N’auraient- ils pas pu profiter du même bénéfice du doute de la part de tous?», s’est demandé
Orden ALLADATIN, député, très proche du Chef de l’Etat, Patrice Talon. «La grande Leçon dans cette affaire est que nous devons nous convaincre définitivement que nous pouvons faire de notre pays, un État de droit dans lequel la justice prend le pas sur la passion, l'émotion et les conjectures. C'est une question de prédisposition mentale à construire en chacun d'entre nous. C'est ce que m'inspire la lecture croisée des réactions de mes concitoyens sur l'affaire dite Ajavon», a-t-il souhaité.
Source : Externe