La constitutionnalisation des Droits à l’eau et a l’assainissement constitue le cheval de bataille de la société civile béninoise active dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. Mais, avant elle sa sœur voisine du Burkina-Faso a réussi le pari. Dans cet entretien, le Chef du département Plaidoyer et campagne à Wateraid Burkina-Faso, Célestin Pouya nous confie les secrets de la réussite de ce combat mené pour la reconnaissance des Droits à l’Eau et à l’Assainissement comme droits fondamentaux.
Quels ont été les temps forts du plaidoyer réussi que vous avez mené pour la prise en compte des droits à l’eau et à l’assainissement dans la constitution du Burkina-Faso en 2015?
C’est effectif. Nous avons réussi à faire inscrire les Droits à l’eau et à l’assainissement dans la constitution du Burkina-Faso exactement le 5 novembre 2015. C’est un processus de longue haleine. Il y a eu dans un premier temps une mobilisation générale de toute la société civile à travers le secrétariat permanent des ONG et associations du Burkina-Faso. Toutes les ONG individuellement faisait le plaidoyer chacun à son niveau. Et après, on s’est retrouvé au sein du SPONG, l’association faîtière pour analyser les engagements et voir comment on peut faire un exercice d’analyse des engagements au niveau national et international. Et, on s’est rendu compte que depuis 2010, le Burkina-Faso avait signé et ratifié la reconnaissance des Droits à l’Eau et à l’Assainissement. Au niveau national, l’Etat s’est engagé au cours du forum national sur le secteur eau et assainissement pour l’approche basée sur les droits. C’est l’ensemble de ces points que nous avons retenu pour bâtir notre argumentaire pour aller faire le plaidoyer. La première étape a été de d’organiser une rencontre d’interpellation avec les ministres de l’eau, celui des affaires sociales, des finances, celui des femmes et du genre, et celui de l’éducation qui ont accepté de nous rencontrer au siège de SPONG. Ensuite, nous avons été à l’Assemblée nationale pour solliciter l’engagement du président de l’Assemblée nationale. Au cours de la 2e phase, nous avons organisé un lobbying et une séance de renforcement des capacités des acteurs ministériels. Parce que, nous nous sommes rendu compte que les gens ne font pas exprès. Ils ne savent pas ce qu’on gagne en constitutionnalisant les Droits à l’Eau et à l’Assainissement.
Selon vous, le secret de la réussite c’est de pouvoir convaincre les autorités politiques de la pertinence de cette constitutionnalisation ?
Oui. Car, parfois au niveau de a société civile, nous préjugeons que les acteurs politiques comprennent les choses comme nous. Ce n’est pas évident. C’est pourquoi nous sommes passé d’un plaidoyer « contre » et agressif à un plaidoyer « avec » qui passe par un renforcement de capacités. Ce travail a permis de sortir les évidences et d’élaborer un argumentaire que nous avons adressé aux autorités et institutions concernées notamment l’Assemblée nationale, le ministère de la justice avec qui nous étions en partenariat, les ministères sectoriels, la présidence et tous les partis politiques qui étaient engagés dans les élections présidentielles. Quand les gens ont une bonne compréhension de votre plaidoyer et que leurs capacités sont renforcées, vous avez la chance de réussir. La preuve est que le parlement nous a demandé si nous pouvons faire une proposition d’article. Et en définitive, c’est notre proposition qui est aujourd’hui retenue dans la constitution.
Le président Kaboré a été favorable à votre plaidoyer et a promis de faire de l’eau et de l’assainissement, une priorité dans son programme de gouvernement. Comment faites-vous le suivi ?
Pour un meilleur suivi, il faut avant tout s’assurer que les engagements pris correspondent aux besoins réels des populations. Si le président prend des engagements qui ne sont pas les préoccupations des populations, vous passez à côté de votre combat,. C’est pourquoi, nous avons assisté les politiques à élaborer des documents de programme en phase avec les attentes des populations. Après l’installation du président Kaboré, dès le 3e mois nous avons mis en place un outil qu’on appelle le « présimètre » avec l’ensemble des OSC chargées du suivi des politiques. Ensemble, nous avons pris les engagements de la campagne électorale, et nous les avons traduits en objectifs et actions à mettre en œuvre. Ensuite, nous sommes allés interroger les citoyens pour demander qu’après 3 mois de gestion du nouveau pouvoir, quel est leur niveau de confiance. Nous étions conscients que seulement trois mois après l’installation, il n’y avait pas d’actions concrètes mais on pouvait mesurer le niveau de confiance. Ce que nous avons fait. Enfin, Il y a eu un débat télévisé ou nous avons invité le président de la République qui était face aux citoyens. Le président n’était pas tout à fait d’accord avec nous parce qu’il n’avait pas encore des résultats a montré mais, l’exercice a permis de mesurer la confiance des citoyens. Il a compris à la fin que c’était un moyen pour lui, de mobiliser les citoyens à le soutenir pour la mise en œuvre des projets et programmes. C’est ce que nous avons appelé le « Rockomètre » à l’instar du Buharimètre au Nigéria ou le Mackymètre au Sénégal. Maintenant, nous attendons la mise en œuvre du programme d’actions du gouvernement pour apprécier. Nous referons le même exercice pour amener le président à venir rendre compte.
Avec tout ce travail et le dispositif et outils mis en place, est-ce que vous avez l’assurance que la situation va changer ?
Nous n’avons pas de garantie mais il y a des évidences. Il a promis de faire de l’eau et de l’assainissement, des priorités dans ses actions et il y a des résultats. Déjà, il y a la création d’un ministère exclusivement dédié à l’eau et à l’assanissement. Egalement, le secteur de l’eau et de l’assainissement figure bel et bien parmi l’agenda de développement du Burkina-Faso pour la période post-2015. On vient aussi de valider le document de politique nationale pour le développement économique et social dans lequel, il est clairement inscrit que l’eau et l’assainissement constitue un secteur prioritaire au Burkina-Faso. Après trois mois de gestion, le président a aussi lancé, un programme d’urgence en matière d’eau et d’assainissement pour améliorer la situation des populations. Il nous reste à continuer le suivi avec le parlement pour que les objectifs soient atteints. Il n’y a pas de garantie mais il y a des évidences qui montrent que nous sommes sur la bonne voie.
Propos recueillis par Alain TOSSOUNON