Les domaines publics doivent être libérés au plus tard le 31 décembre prochain. L’objectif du gouvernement est de faciliter désormais la mobilité humaine en libérant les trottoirs pour les piétons afin de réduire les accidents de circulation. Mais la pilule a du mal à passer dans l’opinion, tant les résistances et les oppositions son nombreuses.
C’est une opération d’aménagement urbain et de libération de l’espace public. Au terme de ces opérations il s'agit d’avoir des villes durables. Le principe du respect de la loi, celle qui interdit l’occupation anarchique des espaces publics va être restauré. C’est vrai que les populations se déterminent librement mais l’Etat a fait le choix d’un standard de vie pour que les populations vivent dans un environnement commode.
La loi cadre rend l’Etat garant d’un environnement sain. Son devoir est d’œuvrer pour créer un environnement vivable et durable. Les inondations surviennent régulièrement dans la ville parce que des citoyens se sont installés illégalement sur des espaces de canalisation d’eau. Les occupations anarchiques des trottoirs obligent la plupart du temps, les piétons à disputer la route avec les motocyclistes, ce qui cause des accidents mortels pour les enfants, notamment pour les écoliers. «Des 3000 accidents enregistrés par an, plus de 105 sont mortels dont 35% des enfants et des écoliers, l’Etat est obligé de prendre ses responsabilités en libérant ces espaces en vue de faciliter la mobilité humaine», affirme Yvonne Adjovi-Boco, conseillère à l’écocitoyenneté et à la décentralisation au ministère du Cadre de vie et du Développement durable.
La décision du Conseil des ministres qui interdit l’occupation des domaines publics et des couloirs d’écoulement et des réceptacles des eaux pluviales ainsi que le déguerpissement des personnes installées indûment durable est intervenue le 15 juin 2016. Depuis, le ministère du Cadre de vie et du Développement a été instruit aux fins de prendre les dispositions nécessaires de communication pour susciter le départ des populations riveraines ayant occupé de manière anarchique les espaces publics au plus tard le 31 décembre 2016. Certaines populations ont commencé à obtempérer en libérant volontairement les domaines publics qu’elles occupent illégalement.
D’autres par contre comprennent le bien-fondé de ces mesures mais estiment qu’il faut laisser assez de temps aux occupants illégaux de se retirer surtout à cause de la morosité qui frappe actuellement le pays.
Revoir le délai ?
«Nous-mêmes nous savons que le domaine est pour l’Etat, et qu’un jour l’autorité va nous dégager, mais 6 mois pour casser une boutique et trouver un autre emplacement et s’installer à nouveau, c’est dur ici à Cotonou, il faut revoir le délai», plaide Rodrigue Ohin, vendeur de pièces détachées à Cotonou. «Des fois, si tu t’arrêtes devant leurs boutiques sans acheter, ils te chassent, alors qu’ils sont dans un domaine public qui nous appartient tous, il faut les dégager mais avec diplomatie», nuance le client d’une boutique de divers.
Mais les autorités ne veulent pas l’entendre de cette oreille, surtout pas le préfet du Littoral, Modeste Toboula qui multiplie les actions de sensibilisation et avertit qu’à partir du 2 janvier 2017, ceux qui n’auraient pas libéré volontairement les domaines publics seront contraints à le faire. C’est également la position d’Yvonne Adjovi-Boco, conseillère au ministère du Cadre de vie.
Elle estime qu’un report de délai n’est pas nécessaire. Car, selon elle, le faire, revient à ne pas avoir pitié de ces nombreuses victimes qui se font ramasser par les motos et les véhicules parce qu’elles disputent la route avec ces moyens roulants faute de pouvoir passer librement sur les trottoirs. «Ce n’est pas de l’acharnement, c’est une loi que l’Etat demande de respecter, certains obtempèrent déjà, pourquoi d’autres s’y opposent-ils et font du chantage, l’Etat n’est pas un instrument à faire chanter, il a le devoir de permettre à tout citoyen de profiter des domaines publics», précise-t-elle.
Face à cette décision, tout le monde doit s’exécuter. Ainsi, dans la ville, on voit certains édifices publics marqués de croix rouges, synonyme d’un déguerpissement, c’est dire combien l’Etat est déterminé à appliquer cette décision et se l’appliquer lui-même. Yvonne Adjovi-Boco explique que le ministère du Cadre de vie et du Développement durable s’applique lui aussi cette décision. «Notre groupe électrogène a été identifié comme occupant illégalement le domaine public, et nous avons engagé déjà les travaux pour faire entrer l’engin à l’intérieur du ministère». L’objectif final de ces travaux, poursuit Yvonne Adjovi-Boco, est d’avoir des villes durables. Les endroits ciblés sont surtout les abords immédiats des routes revêtues, bitumées ou pavées. Ce n’est pas la première fois que le Bénin engage de tels travaux.
Rappelons que pendant la gouvernance du général Mathieu Kérékou, Jérôme Dandjinou, ex-chef de la circonscription urbaine de Cotonou avait pris une initiative pareille qui avait été une réussite. Car, à l’époque, sa détermination avait permis de libérer en quelques semaines la plupart des axes urbains au grand bonheur des populations, mais non sans difficulté. Beaucoup de résistances et d’oppositions avaient été dressées sur son chemin. Sa volonté et le soutien du gouvernement d’alors lui avaient suffi.
Mais l’époque a changé et la décentralisation s’est déjà installée. Il faudra plus que ça pour atteindre les mêmes objectifs en 2017. La question se pose alors de savoir comment a-t-on pu laisser les Béninois occuper anarchiquement les espaces publics après le travail remarquable de Jérôme Dandjinou ? Yvonne Adjovi-Boco apporte quelques éléments de réponses. «L’opération de Dandjinou était une réussite. Malheureusement, la décentralisation a suivi et les élus locaux soucieux d’entretenir l’électorat ont laissé faire et progressivement les espaces publics ont été occupés de nouveau», regrette-t-elle. Certaines populations estiment que si votre maison est au bord de la voie, on a droit à 2 mètres supplémentaires sur l’espace public. Yvonne Adjovi-Boco réfute cette idée et affirme qu’il n’y a aucun document légal qui justifie cette croyance des populations. «Ceux qui disent ça n’ont qu’à nous donner la loi qui permet cela, il n’en existe pas. On les a laissé dans l’anarchie pendant longtemps et ils pensent aujourd’hui que c’est un droit, il faut qu’ils se désillusionnent», conclut-elle.