L’Evénement Précis : Comment appréciez-vous l’initiative d’ouverture prochaine d’Ambassade de l’Arabie Saoudite au Bénin ?
El Hadj Moutawakil Boukari : Le Prophète nous a enseigné que celui qui ne remercie par l’homme ne pourra le faire à Dieu. C’est pourquoi, d’abord, je tiens vivement à remercier le Président Talon et son gouvernement qui viennent de faire un travail historique pour le pays. Apprécions donc ce succès, selon l’acte.
Pourquoi le dites-vous, pendant que le gouvernement est dans son devoir de travailler à cela ?
Depuis l’indépendance, surtout pendant la révolution, où nous étions, étudiant en Arabie Saoudite, on avait tous, les moyens pour aider notre pays à avoir cette ambassade au Bénin. On pouvait le faire parce que nous avons étudié chez eux et avions eu toutes les possibilités. On avait des relations personnelles avec des privées qui nous aidaient également. Dans cette lutte, j’ai failli perdre ma bourse dans mon université. En réalité, c’est moi qui dirigeais les officiels qui devraient rencontrer les autorités là-bas. En son temps, j’ai mené des démarches pour faire décrocher aux officiels un véhicule officiel. Il y avait en ce moment le Colonel Maman Djougou, l’ancien ministre de l’éducation Karim Dramane, le secrétaire général du ministère des affaires étrangères du Bénin, Monsieur Hamzath et d’autres qui étaient proches du président feu Kérékou. Vu les actes que nous avons posés pour permettre à notre pays d’avoir ces avantages, les gens ont voulu nous faire mal.
Racontez-nous un peu ce que vous avez subi avec vos compatriotes
Dans la nuit profonde, ils ont fait un complot contre ma personne. On m’en ont filé la mèche. Ils ont tout monté pour que mon passeport soit saisi, pour une raison ou une autre, une fois au Bénin. En ce moment, le colonel Maman Djougou et alpha Daouda ne dormaient pas et ont tout entendu cette nuit-là. C’est le lendemain qu’il a convoqué une réunion pour les dénoncer pour avoir décidé d’aller mentir au feu Président Mathieu Kérékou. Ça, c’est l’histoire de là-bas. A mon retour ici au Bénin, nous sommes venus nous confronter aux problèmes de déplacement des pèlerins à la Mecque. C’est moi qui suis allé demander que le Bénin commence à faire comme la Guinée, le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina-Faso et autres.
Comment procédaient-ils ?
Ces pays envoyaient des Arabophones comme des consuls en Arabie Saoudite, et comme ambassadeurs. Ceux-là comprennent l’Arabe et participent aux activités avec eux. Et, comprenez bien, l’Arabe n’est pas une question de diplomatie mais, plutôt une affaire du savoir et du faire savoir. Donc ces pays envoyaient des arabophones là-bas. Un jour, l’ambassadeur de la Guinée s’est révolté pour exiger que je sois mis au service de l’Arabie Saoudite au regard de mes relations dans le pays. A leur retour au Bénin, feu Mathieu Kérékou a ordonné de me mettre à disposition. Mais c’est parmi mes parents que les agitations ont commencé pour empêcher le projet. Ils ont estimé en son temps que ma rigueur fera mal. Ils sont allés voir le chef de l’Etat pour le lui dire et le projet est annulé. On était dans les années 1985-1986. Dans le même temps, d’autres m’ont conseillé d’aller négocier auprès du Chef de l’Etat. J’ai dit niet, je n’y vais pas. C’est ma connaissance et je m’en réjouis. Je leur ai dit que si le Chef de l’Etat a vraiment besoin de moi, qu’il m’appellera. Le ministre Karim Dramane était révolté et a voulu m’encourager autrement. C’est là qu’il m’a promis une bourse d’étude au Maroc pour approfondir mes études, dès que je finis avec ma licence en Arabie Saoudite. je ne le connaissais même pas en ce moment. Dans le même temps, quand j’ai fini en Arabie Saoudite, il m’a été demandé de poursuivre les études du supérieur à l’université de Médine. C’est difficilement que j’ai quitté l’Arabie Saoudite pour le Bénin, puisqu’ils ne voulaient pas que je parte sans finir mes études supérieures. J’étais au Bénin, attendant la bourse du Maroc qui ne venait pas. On était là brusquement, quand le ministre Karim Dramane qui était, membre de l’Association islamique que la Lybie dirigeait, a reçu une bourse venue de Londres. On finissait la prière en ce moment à la Mosquée de Cadjèhoun quand le ministre a commencé par me chercher parmi les gens. A ma vue, il me dit : « Mon frère, il y a une seule bourse qui est arrivée pour les études à Londres et c’est toi que j’ai voulu positionner puisque je te l’avais promis. C’est comme cela que j’étais rentré. Jusque-là, les anglais n’envoyaient pas encore le visa. Mais je suis finalement reparti en Arabie Saoudite avec la permission du ministre. En réalité, j’étais allée au deuxième terme à Riad, dans les années 1988. Après six mois là-bas, je suis revenu au Bénin en vacances avec un billet aller-retour. On a fait un mois de vacances et c’est à l’entame du deuxième mois qu’on m’informe que le visa est venu pour Londres. J’étais parti avec le journaliste Philippe N’Seck. C’est lui qui m’a accompagné à l’ambassade de la Grande Bretagne. Le lendemain, je suis allé au Nigéria pour les formalités. C’est comme cela que je me suis retrouvé à Londres. Dans le même temps, j’ai continué à garder les relations avec l’Arabie Saoudite. J’ai fini les études à Londres après mon départ en 1989. Dix ans environs après, je suis rentré chez moi au Bénin. A mon retour, j’ai constaté que mon pays n’avait pas toujours d’ambassade. J’ai pris par tous les moyens pour dire au gouvernement, les conséquences de leurs négligences. C’est là, que depuis les Emirates, ils ont envoyé un arabophone qui avait amené des profits au Bénin. Ceci qui lui a valu une décoration.
Avez-vous vécu un cas palpable ?
Bien sûr. Pour la petite confidence, j’étais allé à la Mecque en 2014. On nous a invité à Jiddah pour une grande rencontre avec l’imam de la Mecque. Ce jour-là, j’ai eu honte. N’importe quel consul qui se lève pour prendre la parole, s’exprime en Arabe. C’est maintenant le tour du Bénin, mais celui qui nous représentait, a parlé avec un interprète. Au retour, j’ai encore attiré l’attention des autorités béninoises sur la situation. Mais les gens croyaient que je cherchais une place. Et puisque j’ai remarqué que c’était l’interprétation qui se faisait de ma proposition, je me suis retiré.
Que s’est-il passé au temps de Yayi Boni pour que cela ne soit pas une réalité ?
Sous le Président Yayi, j’ai également mené les démarches mais, rien n’y fit. La politique était au rendez-vous et mieux, nous autres, nous sommes la vérité et la droiture, ce que la politique n’aime pas.
Mais il n’a pas su que vous avez été le Conseiller spirituel de l’ancien Président John Kufuor ?
Evidemment, nous avons servi dans d’autres pays qui sont plus développés que notre pays. Ici, il faut simplement dire que la politique était mêlée à tout. Les compétences n’étaient pas exploitées dans notre pays. Il s’agissait des politiques.
Comment les nominations se faisaient à ces postes ?
Au temps de Yayi Boni, c’était des nominations politiques. Il n’y a que des non-musulmans qui sont Ambassadeurs dans les pays arabes. Comment voulez-vous que ceux-là nous respectent ? Nous savons comment nos pays arabes fonctionnent. Les arabes ont plus confiance en ceux qu’ils ont formés que d’autres. Et c’est une réalité. Prenons exemple sur d’autres pays de la sous-région. Si vous voyez aujourd’hui, les étudiants arabes qui ont fini leurs études et qui sont positionnés, ils brassent des millions. Ils reçoivent la confiance de leurs autorités pour construire des mosquées.
Quelle est la part de responsabilité de l’Union islamique du Bénin dans cet échec historique ?
En toute sincérité, et pour vous dire la vérité, l’Union Islamique n’est pas bien organisée. Cela fait que nos intérêts tombent dans d’autres mains politiques et sont mal gérés. Entre le ministère des affaires étrangères et le palais de la République, on ne sait même pas comment les bourses sont gérées. Dommage pour notre pays ! Mais je crois que c’est l’heure de la révolution au sein de la communauté musulmane béninoise qui doit se revoir. Les aumônes envoyées au Bénin ne sont pas en réalité pour la communauté musulmane seule, mais pour tous les citoyens, mais cela est mal géré. Vous voyez maintenant que ce sont entre autres les raisons qui font que les gouvernants n’aiment pas qu’on s’approche d’eux pour savoir comment les choses se gèrent pour la communauté.
Le chef de l’Etat a un homme de mission du nom de l’ancien ministre Zul-Kifl Salami, quelle est votre impression ?
Je vous ai dit à l’entame que le Président Talon est à saluer. Il a compris ce dont souffre la communauté musulmane et connait les hommes qu’il faut pour son émergence. La nomination de Zul-Kifl Salami n’est donc pas surprenant, car on l’a souvent vu à l’œuvre. C’est un homme dont les talents dépassent nos frontières. Pour la petite histoire, Zul-Kifl Salami a assuré les fonctions de Conseiller chargé du Suivi des opérations à la Banque Islamique de Développement (Royaume d’Arabie Saoudite), puis d’administrateur de la Banque Islamique de Développement représentant un groupe de pays africains et arabes. Et mieux, il jouit de beaucoup d’atouts à commencer par sa maitrise de plusieurs langues à savoir : le français, l’anglais, l’allemand et l’arabe, qui lui permettent d’achalander son carnet d’adresses. C’est donc un bon choix fait par le Président Talon.
Quels seront les avantages de l’ouverture de cette ambassade au Bénin ?
Les avantages seront sur plusieurs plans.
Parlons du plan socio-politique
Au plan politique, cela va nous permettre de nous insérer dans le grand cercle de décision de la communauté musulmane internationale. Cela permettra au pays de bénéficier de plusieurs réalisations, en termes de logements et autres actions sociales de construction de forages, de renforcement de l’énergie….Par exemple, il y a déjà quelques chose pour les forages, dans l’intervalle de quelques jours, grâce au voyage du Chef de l’Etat. Comprenons qu’il y a que les Arabes amènent leurs dons dans des pays qui sont intéressées et qui savent négocier. Ils vont travailler à aider les pauvres au Bénin, à prospérer. Les problèmes des pèlerins ne feront que diminuer, lors des pèlerinages. Le billet d’avion peut devenir moins cher. Comprenez que le Président Talon est intelligent et a su profiter de l’occasion en allant avec des hommes qu’il faut et qui comprennent l’Arabe.
Et au Plan économique ?
La Banque islamique est déjà disponible et les relations seront renforcées. Les saoudiens viendront investir au Bénin puisqu’ils sont déjà fatigues de l’Europe.
A cet effet, quels conseils avez-vous à donner au Président Talon
Humblement, j’invite le Président Talon a utilisé les arabophones dans ces missions. Cela est d’un grand intérêt pour le pays. Il est entouré de bons musulmans qui peuvent lui dire la vérité. Ce sont des gens qu’il peut mélanger aux diplomates s’il veut réussir. Qu’il oublie les affaires de positionnement de parti politique pour mieux travailler. Dans les grandes réunions, hors du territoire, on constate la différence. Il arrive que, lorsque les musulmans prient, les diplomates politiques sont dans leur hôtel, alors qu’entre les autres, les connaissances se renforcent après les prières, et cette fois-ci, sans les nôtres. C’est dommage. Je demande au gouvernement de bien analyser les situations. Il doit savoir que la fermeture de l’ambassade des Emirates est une erreur grave qu’il doit corriger. Même s’il veut fermer, qu’il laisse le consulat pour les problèmes élémentaires. C’est un pays qui regorge de potentialités dont on a besoin. Qu’il ouvre un consulat qui sera dirigé par un arabophone. Si les autres pays ont bénéficié de cela, pourquoi pas le Bénin ?.
Réalisé par Emmanuel GBETO