Lettre ouverte du promoteur du site au ministre de la justice
Ouidah, le 05 décembre 2016
Aïzoun Janvier. Opérateur économique
Directeur général de la société AMA SARL
Spécialisée dans la destruction des produits avariés.
A Monsieur le ministre de la justice de la législation et des droits de l’Homme
Monsieur le Ministre,
Dans d’autres circonstances, nous nous serions passés volontiers, comme j’ai su le faire jusque-là de toute publicité dans cette affaire. J’ai pleinement conscience, rassurez-vous monsieur le ministre du tort que cela pourrait constituer pour toutes ces victimes à qui je pense encore, avec beaucoup d’amertume et de mélancolie. C’est à eux, ainsi qu’aux vrais orphelins de ce drame, que je dois monsieur le ministre, de jouer pleinement ma partition afin que se manifeste la vérité et toute la vérité dans ce dossier.
Nous gardons encore en mémoire quelques visages. Inutile de vous rappeler monsieur le ministre, que certaines d’entre elles, (les victimes) sont mes collaborateurs depuis des années. Nous les connaissons très bien, ainsi que leurs familles et à aucun moment, nous n’avons négligé le moindre détail susceptible de porter préjudice aux populations. Les vrais orphelins, monsieur le ministre, c’est à eux que nous devons la vérité. Et pas les 276 mentionnés çà et là par ces charognards qui ont trouvé en cette situation, une sorte d’opportunité. Cela à quand-même retenu notre attention quand nous l’avons entendu de la bouche d’une autorité locale. 276 orphelins pour 32 cas de décès. Ce qui ferait monsieur le ministre, une moyenne de neuf enfant par défunt. Il se fait monsieur le ministre, que nous en connaissons plusieurs qui n’ont que deux ou à la rigueur trois progénitures. C’est la preuve monsieur le ministre que la vérité fait défaut dans ce dossier.
J’ai également suivi avec beaucoup de peine, les appréhensions du gouvernement par rapport à ce dossier. Déjà, en ce moment, j’étais convaincu que ce gouvernement en qui j’ai foi (certaines personnes autour de vous peuvent attester à quel point) agissait de bonne foi. Mais, qu’il avait été induit en erreur tant, il était loin de la vérité des faits.
Et si je vous disais monsieur le ministre que dans ce dossier, je n’ai fait que rendre service à l’Etat. C’est du moins ce dont j’étais persuadé au moment même où je mettais, tenez-vous tranquille, gracieusement mon site à disposition des services de l’Etat sur leur demande. Il ne nous parait pas très utile à cette étape, de fournir certains détails pour le moins embarrassants. Mais sachez monsieur le ministre, que c’est à cela et seulement à cela, que se limite mon implication dans ce malencontreux drame. J’ai juste prêté mon site aux services de l’Etat qui, soucieux de faire des économies au gouvernement, m’a-t-on dit, avait choisi cette option. Procéder aux destructions eux-mêmes plutôt que de recourir à un privé ayant compétence en la matière. Si cela est une faute et bien, je l’assumerai.
Seulement, je ne vous dirai pas, à vous qui êtes si épris de justice, (en tout cas pour ce que je m’obstine à croire) combien il est révoltant de savoir tout le ’’deux poids deux mesures’’ entretenu dans la gestion de ce dossier.
Je suis persuadé que vous ne savez pas, par exemple, que sur les onze mis en cause, quatre ont été l’objet de procédures diverses. Seulement deux, moi compris, ont été écroués. Chose plus curieuse encore, le principal mis en cause, le représentant de l’Etat, qui a conduit de mains de maitre l’opération n’a jamais été entendu. Il s’est, à ce jour, refusé catégoriquement de donner suite aux convocations qui lui avaient été adressées, que ce soit au moment des enquêtes préliminaires ou même pendant la procédure judiciaire encore en cours.
A ce jour, il n’a jamais été entendu. Et pourtant, il est bien celui qui a conduit les opérations de destructions ayant entraîné cette situation. Une fois encore, les preuves existent et nous n’hésiterons pas à les sortir en temps opportun.
Pour ce qui me concerne, j’ai été accusé d’exercer en l’absence de toute existence formelle. Permettez-moi monsieur le ministre de vous indiquer qu’il n’existe à ce jour, dans le domaine ou j’interviens, aucune réglementation précise ; vu que cette activité n’existait pas au Bénin avant l’implantation de ma structure. L’idée était donc de débarrasser le port et la ville de Cotonou en général de certains déchets parmi lesquels les produits avariés et déclarés impropres à la consommation. Notre activité est sans fausse modestie d’utilité publique. Par le passé, la gestion de ces déchets constituait un véritable casse-tête pour les autorités du port et d’autres structures telle que le Bubedra, le Marché Dantokpa et autres. Nous avons donc proposé une solution dans ce domaine-là.
Et je puis vous assurer que nous nous sommes prêtés à toutes les exigences auxquelles les services de l’Etat qui interviennent le long de la chaîne nous ont astreints. Toutes sans exception aucune. Mieux, les produits destinés à l’incinération, ne sortent du port qu’à la suite d’une formalité précise impliquant plusieurs services de l’Etat.
Comment tous ces services ont-ils pu collaborer cinq années durant avec une structure illégale ? Pour chaque opération par exemple, il fallait un procès-verbal portant la signature d’au moins cinq différents services de l’Etat relevant de plusieurs ministères. Sans compter les autorisations délivrées par des structures relevant des ministères de la santé, du cadre de vie et de l’agriculture. C’est vous dire encore une fois que l’argument selon lequel ma structure est illégale n’est pas fondé.
Notre activité repose à titre principal sur un agrément du port autonome de Cotonou délivré sur la base d’une étude d’impact environnementale. La société AMA SARL dispose justement de cet agrément. Il s’agit de l’agrément numéro 2230/PAC/DG/DGA/SG/DOMS/DAJD/DGE/ du 17 septembre 2010. Et pour chaque opération d’incinération ou d’enfouissement, il fallait mettre sur pied un comité dans lequel sont représentés, le port (à travers son département de gestion de l’environnement), la douane, la police sanitaire, la police environnementale, la police nationale, la gendarmerie nationale, les autorités locales et un huissier de justice pour attester de la légalité de l’activité.
Voilà monsieur le ministre ce qu’il en est du cadre formel.
Cependant, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer au jour d’aujourd’hui que toutes les dispositions ont été prises lors de l’opération qui a occasionné ce drame que nous déplorons tous, étant entendu que comme nous l’avons dit plus haut, nous n’avions pas été au centre de cette opération. Comme nous ne pouvons attester que les recommandations que nous avions formulées dans le sens des dispositions à prendre pour assurer un minimum de sécurité aient été respectées à la lettre. Nous n’avons fait que prêter notre site.
Et puis, la question de la clôture. Ou si l’on veut, du site qui n’aurait pas été clôturé. Comme indiqué plus haut, il n’y avait dans le domaine, aucune réglementation. Et les prescriptions de l’autorité en la matière se faisaient au fur et à mesure, compte tenu des contextes et des matières traitées. Le moins qu’on puisse dire est que cette question ne s’est jamais posée en cinq années d’existence. A ce jour, notre site est l’unique site privé sur toute l’étendue du territoire national, dédié à ce genre d’activité. Le seul sur lequel nous aurions pu prendre exemple, est un site à caractère quelque peu public financé par la Banque mondiale. Nous voulons parler du LES, entendez, Lieu d’enfouissement sanitaire (situé dans la commune de Ouidah, plus précisément dans la localité Ouèssè). Figurez-vous que ce site n’est pas clôturé non plus. Les normes, c’est par exemple la distance qui sépare le site de l’agglomération la plus proche. Le nôtre est à cinq kilomètres environ de la première habitation et à 10km de Tori centre, alors même que les standards en exigent deux.
Voilà monsieur le ministre, les quelques faits que j’ai voulu porter à votre attention, espérant qu’ils susciteront davantage votre curiosité afin que vous réalisiez à quel point, notre détention dans les liens de la justice est injuste, alors même que nous n’avons pas été directement impliqués dans l’opération ayant été à l’origine du drame. Une fois de plus, nous n’avons fait qu’aider l’Etat. C’est tout notre tort. Et nous avons la faiblesse de penser qu’on n’en serait peut-être pas là, si des structures ayant compétence en la matière avaient été chargées de mener l’opération. Nous nous tenons éventuellement à votre disposition pour davantage de détails.