(La nouvelle trouvaille pour gruger copieusement les parents d’élèves)
Dans le secteur éducatif privé, l’affairisme a pris le pas sur la fonction sociale de l’école au Bénin. En effet, on assiste actuellement à une multiplication exponentielle des faux frais qui asphyxient les parents d’élèves. Au drame des frais de photocopie, s’ajoute désormais la tragédie des frais de travaux dirigés à l’intention des élèves des classes de 4ème et de première des établissements privés d’enseignement secondaire. La Rédaction de votre journal a fait sa petite enquête.
Au départ, les Travaux dirigés n’avaient pas un caractère mercantile si prononcé. Ils regroupaient des candidats aux examens officiels, venus de divers horizons. Le brassage des épreuves et des intelligences était, de fait, systématiquement établi et profitable. Mais depuis que ces TD ont littéralement plongé dans l’abîme d’un mercantilisme sauvage, le régime défunt les a purement et clairement suspendus dans les lycées et collèges publics. Malheureusement, sur ce terrain, les établissements privés paraissent incontrôlables. Et ces TD, aujourd’hui, donnent lieu à une arnaque à peine voilée des parents des apprenants.
Parents d’élèves systématiquement grugés
Les Travaux dirigés sont maintenant devenus une source de rançonnement dans l’enseignement privé au Bénin. Ils ne concernent plus seulement les élèves des classes d’examen. Ils sont généreusement étendus aux apprenants du CM1 au primaire, et des 4ème et 1ère au secondaire. C’est la nouvelle trouvaille pour faire prospérer la filière TD. Sinon, des travaux dirigés à l’intention des élèves de 4ème et de 1ère : ça sert à quoi, se demandent nombre de parents interrogés. Ils n’en comprennent vraiment pas l’opportunité. Mais, dans les rangs des enseignants ou des promoteurs de ces établissements privés, on justifie que c’est pour relever le niveau des apprenants. Or, certains parents ont déjà pris de répétiteur à leurs enfants pour la cause. Aussi, pourquoi tient-on à ce que ce soient les mêmes enseignants de champ qui prennent encore les élèves aux TD ? On arguera certainement qu’ils connaissent mieux les lacunes que traîne chaque apprenant. Cela fait rire ; puisque les programmes prévoient comment y remédier en situation de classe. Par quel miracle pédagogique l’enseignant peut-il faire assimiler, aux TD, un message que ses élèves n’ont pu assimiler en classe ? De la situation de classe aux TD, apprenant et enseignant finissent d’ailleurs par se familiariser. L’habitude, dit-on, émousse la sensibilité. A l’évidence, le principe des TD aux apprenants de 4ème et de 1ère ne vise qu’à gruger les parents, qui grondent déjà sérieusement en silence ; même si certains fondés brandissent la caution morale de leur bureau d’association des parents d’élèves. On sait comment s’obtient ce genre de caution, si c’est pour légitimer l’arnaque. Et quelle marge de manœuvre le bureau APE a-t-il sur les fondés, dans le privé ? En vérité, c’est une complicité inouïe qui se joue à tous les niveaux. Puisque, par exemple, enfants et protégés des membres du bureau APE sont souvent exempts du paiement de ces faux frais.
Quand des enseignants ne jurent que par des calculs opportunistes
Rien à signaler, si ces TD étaient facultatifs ou gratuits. Mais quand l’administration des établissements les impose formellement à tous, elle se rend complice des enseignants qui ne jurent que par des calculs opportunistes pour arrondir les angles. On devrait avoir pitié des parents, qui avaient déjà du mal à solder les frais de scolarité. Ce qui se passe dans le privé, au Bénin, est donc criminel. Imaginez la peine d’un parent qui a deux enfants en terminale, deux en première et un en 4ème. Il doit, en plus des frais de scolarité, débourser plus d’une fois les frais de scolarité, pour couvrir ces frais supplémentaires de TD. Encore qu’au plan psychopédagogique, la pertinence des travaux dirigés aux apprenants des classes d’examen n’était pas encore absolument attestée. Plusieurs inspecteurs de l’enseignement du second degré se sont maintes fois élevés contre le principe. De leur avis, cela engendre une surcharge intellectuelle très étouffante pour les apprenants des classes d’examen, qui n’ont plus le temps de s’organiser, pour se recréer mentalement. Pire, la pratique a montré que, ces TD étant assurés par les mêmes enseignants qui tiennent les enfants en classe, ce sont les exercices traités aux TD qui reviennent en interrogation et en devoirs surveillés. On donne ainsi aux parents, l’illusion que les progénitures qui participent aux TD s’en sortent mieux en classe. Dans ces conditions, le ministre des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle est fondé à taper du poing sur la table, pour mettre de l’ordre dans ce désordre de faux frais, sur fond d’escroquerie. Car, l’Etat ne saurait laisser un pan du secteur éducatif au bon vouloir commercial des promoteurs d’établissements privés. Il s’agit de l’avenir de toute la nation.
L’enseignant n’est plus si mal loti
Avec le régime Yayi, les enseignants ne sont plus si mal lotis. Aujourd’hui, l’image de l’enseignant ne peut plus être rattachée à la mendicité qui s’observe actuellement dans le privé. Les responsables des établissements privés se doivent d’offrir de traitements raisonnables à leurs enseignants, pour les mettre à l’abri des besoins élémentaires, histoire de les soustraire à la précarité et aux solutions ignobles d’approche pour joindre les deux bouts. L’Etat est ici vivement interpellé, face à son rôle régalien de veiller rigoureusement à ce qui se passe dans le secteur privé de l’éducation. Evidemment, pour être à l’aise dans ce rôle, l’Etat devrait subventionner les établissements privés, officiellement autorisés à ouvrir. C’est le hic, malheureusement. Mais cela ne saurait justifier qu’on abandonne ce secteur à la fantaisie des faux frais, qui font saigner cruellement la poche des parents. Les temps sont durs pour tout le monde. Chacun sait comment il arrive à arrondir les angles. Les travaux dirigés à l’intention des classes de 4ème et de 1ère ne sont pas opportuns. C’est de la pure tricherie, qui dément le souci avancé, de vouloir par là rehausser le niveau de candidats virtuels au BEPC et au BAC. Car, le mal du faible niveau des apprenants remonte à des causes plus profondes en amont.
Par conséquent, le ministre des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle doit siffler la fin de cette récréation, pour arracher les parents d’élèves à la cupidité de certains enseignants et fondés d’établissements privés. On ne doit pas sacrifier la fonction sociale de l’école à l’autel de l’affairisme sauvage, en laissant chacun y créer sa filière, pour se tirer des mauvaises passes.